En deux ans et au gré des commissions rogatoires et enquêtes menées par différents services du Sénégal et étrangers, la Cour de répression de l’enrichissement illicite a collecté un dossier volumineux qui est censé asseoir la culpabilité de Karim Wade jugé pour enrichissement illicite. EnQuête fait une plongée dans les méandres du dossier.
Le dossier bouclé et désormais matière à procès, les différents éléments qui le composent ‘’fuitent’’. Le document bien volumineux est constitué par les procès-verbaux d’officiers de Police judiciaire commis à l’enquête préliminaires, d’interrogatoires de suspects ou de témoins, de convocations (des centaines), de déferrements, placements sous mandats de dépôt, rapports d’expertise, d’actes notariaux, d’évaluations de patrimoine, de commissions rogatoires, de comptes rendus d’activités des administrations judiciaires, d’échanges de courriers avec les avocats dans le cadre de la bataille de procédure, de rapports médicaux etc.
Aussi au Sénégal, la Commission d’instruction de la Cour de répression contre l’enrichissement illicite (CREI) a fait travailler une dizaine de cabinets dont celui de Me Papa Abdoulaye Malick Yade, expert judiciaire immobilier agréé auprès des Cours et tribunaux. C’est ce cabinet qui a établi le rapport évaluant les Résidences Eden Rock situé au Boulevard Roosevelt en bordure de mer sur la Corniche ouest, sur le Domaine public maritime. Eden Rock est composé de 24 appartements sur 7 986 mètres carrés dont la valeur globale est estimée à 13 milliards 150 millions de francs Cfa. Nébuleuse que la CREI va essayer de dénouer lors du procès qui est parti pour battre tous les records d’intérêt.
Le document indique bien que l’information concerne Karim Meïssa Wade mais aussi Ibrahim Abou Khalil dit Bibo Bourgi, Pape Mamadou Pouye, Pierre Goujio Agboba, Cheikh Lamine Oumar Diallo, Mamadou Aïdara dit ‘’Vieux’’ (en fuite), Mbaye Ndiaye (ancien directeur des ADS), Alioune Samba Diass, Boubacar Konaté, Karim Abou Khalil et X, pour les chefs d’enrichissement illicite ainsi que de complicité d’enrichissement illicite et de corruption. Le nombre élevé de complicités présumées (une bonne trentaine), les sociétés impliquées, le rôle des institutions financières internationales, dopent la papasserie judiciaire aux allures de labyrinthe.
Toutes choses qui ne sont pas facilitées par l’aspect international du dossier. Car, à propos de la collaboration financière étrangère, évoquée dans plusieurs de nos numéros, il ressort qu’aussi bien les places européennes (Paris, Luxembourg, Monaco etc) qu’africaines (Maroc, Niger, Bénin etc) et asiatiques sont sollicitées. Chaque fois, le mot d’ordre est le même. Il s’agit de ‘’procéder à la détection et à l’identification de l’ensemble des comptes bancaires, placements financiers ou coffres-forts sur lesquels les inculpés susnommés disposent directement ou indirectement d’un droit quelconque, en qualité de titulaires, de mandataires, de bénéficiaires, d’ayants droit économiques ou à quelque titre que ce soit’’. Ensuite, il est question de ‘’procéder, le cas échéant, à la saisie des sommes ou valeurs correspondantes’’.
Le dossier judiciaire de Karim Wade essaie de circonscrire le spectre des délits visés en établissant son patrimoine connu aussi bien dans les banques françaises que celles supposées cachées. Le dossier joint à l’écrit des photos sur les appartements de celui qui fut jadis appelé au Sénégal, ‘’ministre du Ciel et de la Terre’’…