En ce mois béni de Ramadan, la zakat communément appelée Mouroum koor au Sénégal reste négligeable pour bon nombre de ménages. Alors que donner à un nécessiteux du riz, du mil ou de l’argent deux jours avant ou le jour même de la Korité, avant la prière, est un pilier important de l’Islam.
C’est bientôt la fin du Ramadan. Mais, c’est le moment pour les ménages d’organiser la zakat ou Mouroum koor, en direction des familles démunies. Recommandée par le prophète Mouhamed (Psl), la zakat est un acte que tout musulman disposant du peu de moyens, doit sacrifier, avant la célébration de l’Aid El fitr. Mais, si ce quatrième pilier de l’Islam est respecté par une bonne partie de la population sénégalaise, il n’en demeure pas moins qu’il y a encore des ménages qui ne sont pas pressés de respecter cette obligation.
Pourtant, les prêcheurs et autres imams sont unanimes là-dessus : pas de zakat pour les ménages qui en ont les moyens, pas de validation de leur mois de dévotion. Cet arabisant qui vient de finir ses prières à la mosquée omarienne de Dakar explique : «Je rends grâce à Dieu parce que j’ai les moyens de sacrifier à l’obligation de la zakat. Chaque année, je sors le Mouroum Koor pour moi-même, mon épouse, mes enfants et toutes les autres personnes qui dépendent de moi dans la famille.» Mieux, ajoute notre interlocuteur : «Je sors même cette aumône, pour mes parents, qui ne sont plus de ce monde, car c’était leur souhait. Ils me l’ont tous les deux demandé, avant leur mort, chose que je respecte et que je fais avec plaisir, même si ce n’est plus une obligation pour eux.» Avec son grand boubou blanc et son chapelet à la main, l’homme, la soixantaine bien sonnée, indique que «même si tu vis avec une personne, qui est décédée durant le mois de Ramadan, tu dois sortir sa part le jour de la Korité, c’est ce qui est recommandé par l’Islam».
Plus explicite, il rappelle encore ces recommandations du Prophète : «Il faut que les gens restent discrets en donnant le Mouroum koor, il ne faut pas qu’ils le fassent tout en montrant à la personne que tu es dans le besoin. Ils doivent avoir l’humilité de sortir cette aumône, sans heurter la fierté de celui qui la reçoit.»
Etant aussi très conscient de l’importance du Mouroum koor, le nommé Kébé, marié et père d’un petit garçon, ne semble pas préoccupé par cette obligation de l’Islam. «Pour la zakat, c’est mon père qui la sort pour toute sa famille y compris mes sœurs, qui sont en France. Même si elles sont dans leur ménage, mon père le fait pour elles ainsi que pour ses petits enfants.» Kébé d’ajouter pour ce qui le concerne : «J’ai pris toutes les dispositions au cas où. De toute façon, ça ne me gêne pas de le faire pour mon épouse et mon enfant. Mais là, je vis sous le toit de mon père, donc je lui laisse le choix de le faire, du moment où on dépend tous de lui et qu’il est le chef de famille.»
«Oui je sais, mais…»
La dame du nom de Binta, âgée d’une trentaine d’années, trouvée au marché Tilène, en train de faire ses achats, donne aussi sa part d’explication à propos de l’obligation de la zakat. «J’ai passé tout le mois de Ramadan chez mes parents, n’empêche que c’est mon mari qui vit à Nouakchott, qui sort notre Mouroum koor mon fils et moi à partir de là-bas, car je suis plus sous la responsabilité de mes parents et il est important de sortir cette aumône, étant une pratiquante.» La plupart des gens interrogés sur la question reconnaissent l’importance de la zakat, surtout durant ce mois béni de Ramadan. C’est en effet le cas de ce comptable, qui vient à peine de commencer à travailler dans une entreprise de la place. Question brusque, réponse automatique : «Bien sûr que je sors le Mouroum koor, que je connais bien.» Selon lui, «tout travailleur, quel que soit son revenu, doit respecter ce pilier de l’Islam».
Trouvée au mausolée de la mosquée omarienne, cette femme divorcée, mère d’un enfant et habitant à la Gueule Tapée, dit ne jamais négliger les recommandations du Prophète. Apparemment «terrassée» par le Ramadan, elle se fait difficilement comprendre : «Depuis que suis divorcée, il y a 10 ans, personne ne me prend en charge, même si je vis avec mes frères. Mais chaque année, je sors ma zakat. Je n’ai ni mari encore moins parent, qui fait ça à ma place, alors je suis obligée de sortir l’aumône moi-même. En plus, ça ne me gêne pas, car j’ai les possibilités et cela ne demande pas beaucoup de moyens.»
Ndèye Arame elle, est sans équivoque : ne pas sortir l’aumône, c’est vivre dans l’angoisse, tellement c’est pesant. Raison pour laquelle, non seulement elle sort la zakat pour elle-même, mais également pour son fils, qui vit pourtant avec son père. Des problèmes de conscience, elle dit ne pas en vouloir. Mais, que dire de celui qui veut bien respecter cette recommandation du Prophète, alors qu’il n’en a pas les moyens ? C’est le cas d’un vieillard, trouvé également au même endroit que les autres qui se sont confiés au journal Le Quotidien. «J’ai une famille à nourrir et mes enfants sont encore sous ma responsabilité. Ils sont presque tous de petits enfants. Les deux qui sont grands n’ont pas encore les moyens, ils sont des apprentis chez un menuisier et sont sous ma responsabilité. Donc, c’est très difficile pour moi, de respecter ce pilier de l’Islam, car je n’ai pas les moyens pour ça.» Avant de narrer son calvaire au quotidien : «Ma femme reçoit à chaque fois de certaines bonnes volontés, du riz. Ces donateurs savent que ce n’est pas évident pour nous, donc ils viennent nous aider. C’est un peu gênant d’être aidé dans la vie, mais c’est la volonté divine. Je rends grâce à Dieu et lui demander de nous sortir de cette situation.»