DAKAR, 29 juil 2014 (AFP) - Brillant et adulé par son père, l'ancien président Abdoulaye Wade qui voyait en lui son successeur, Karim Wade, jugé jeudi pour enrichissement illicite, est resté impopulaire au Sénégal où on lui reproche d'être distant, de mal maîtriser la langue nationale wolof et d'avoir trop longtemps vécu en Europe.
"Karim fait partie des meilleurs financiers d'Afrique", avait pour habitude de dire son père qui a présidé le Sénégal de 2000 à 2012 et n'a cessé de lui confier des missions de plus en plus importantes, jusqu'à en faire en 2009 un super ministre chargé de plusieurs secteurs clés.
Avant la défaite retentissante le 25 mars 2012 du président Wade face à un de ses ex-Premiers ministres, Macky Sall, Karim, 45 ans, cumulait les ministères de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l'Energie, ce qui lui a valu le surnom de "Ministre du ciel et de la terre".
Titulaire d'une maîtrise de gestion et d'un diplôme d'études supérieures en ingénierie financière obtenus à la Sorbonne à Paris, il part à la City de Londres où, à la fin des années 1990, il est expert financier pour une grande banque suisse. Il entre alors en contact avec de grands groupes internationaux et plusieurs gouvernements africains, ce qui lui servira par la suite.
A la victoire de son père à l'élection présidentielle de 2000, il fait des allers et retours entre Londres et Dakar avant de rentrer définitivement deux ans plus tard au Sénégal où Abdoulaye Wade le nomme conseiller spécial à la présidence.
Il est chargé de travailler sur de grands projets économiques comme la construction du nouvel aéroport international à Diass (40 km à l'est de Dakar), la restructuration des industries chimiques, la création d'une zone économique spéciale.
Des dossiers techniques, jusqu'à ce qu'il soit propulsé en 2004 président de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (Anoci) qui a pour but d'organiser le 11e sommet de l'OCI qui réunira en mars 2008 à Dakar les dirigeants de 57 pays musulmans.
- Echec retentissant à Dakar -
La préparation de cette conférence va transformer le visage de Dakar, qui se dote de nouveaux axes routiers, d'hôtels de luxe. La gestion de l'Anoci, qui brasse des sommes considérables liées à de juteux contrats avec les pays du Golfe, est cependant jugée opaque par les opposants au régime de Wade.
La conférence de l'OCI sera pourtant une réussite et, fort de ce succès qui l'a fait connaître sur la scène internationale, Karim Wade et son père pensent qu'il est temps pour lui de se lancer en politique: ébloui par son fils, Abdoulaye Wade ne cache plus sa volonté de le voir lui succéder à la tête de l'Etat.
Il se présente en mars 2009 aux municipales de Dakar, la mairie de cette métropole d'Afrique de l'Ouest devant lui servir de tremplin vers les plus hautes fonctions. Ce sera un échec retentissant, Karim Wade ne parvenant même pas à l'emporter dans son propre bureau de vote.
Car s'il est apprécié dans les milieux de la finance internationale, il reste aux yeux des Sénégalais un homme distant, hautain, arrogant parfois, qui maîtrise mal la langue nationale wolof.
Il a beau préférer porter, lorsqu'il est au Sénégal, d'élégantes tenues traditionnelles en lieu et place des costumes occidentaux, le courant ne passe pas avec la grande majorité de ses compatriotes.
En dépit de leur ressemblance physique, le fils métis (sa mère Viviane, est d'origine française) d'1,90 mètre n'a ni le charisme ni l'aisance de son père. Dans son propre pays, celui qui a trop longtemps vécu à l'étranger est plus vu comme un "Toubab" (Blanc) que comme un Sénégalais.
Cette impopularité n'empêchera pas Abdoulaye Wade de tenter de faire passer en juin 2011 un projet de loi créant un poste de vice-président en vue de permettre à son fils de lui succéder, selon ses opposants. Sous la pression populaire et internationale, il fera marche arrière.
stb/cs/ms