Quelques semaines après son limogeage de son poste de Premier ministre, Mimi Touré alimente toujours l’actualité. Les spéculations sur son avenir politique vont bon train. Le Quotidien en a épié les perspectives.
La question est là, omniprésente et têtue, incontournable et emplissant une atmosphère politique déjà chargée. Peut-être parce que les observateurs de la politique, friands de rebondissements spectaculaires entrevoient dans le feuilleton Mimi Touré-Macky Sall un prolongement prometteur de la saga des Premiers ministres reconvertis avec succès dans la politique. Un bis repetita des scénarii des affaires Idrissa Seck et Macky Sall au lendemain de leur limogeage du poste de Premier ministre. Après son limogeage, les commentaires de ses souteneurs et affidés mouchardent sur les états d’âme de l’ex-égérie de Macky Sall. Ils racontent que les séquelles de son limogeage ont laissé de profonds stigmates sur le moral de Mimi Touré qui aurait presque détourné son regard de l’Apr et braqué ses ambitions ailleurs. Ses projets du moment : tracer sa propre voie. Les dernières frustrations générées par l’adversité représentée par l’entourage du Président, ont fini par décider la tête de liste majoritaire de Benno bokk yaakaar aux dernières élections locales de Grand Yoff à franchir un cap. «La rupture d’avec l’Apr n’est pas consommée», ajoutent ses partisans avant de déclarer : «Mais c’est une sérieuse option parce que les proches du président de la République n’ont pas fait de cadeaux à Mimi. Ils l’ont férocement combattue.» L’obligeant à reconsidérer en toute lucidité son avenir. A la lumière des actes posés avec ses partisans.
Soliste divorcée des alliances
Avant de se frayer une nouvelle voie, Mimi a l’obligation de tâter le terrain, en explorer toutes les opportunités. La première opportunité vraisemblable lui dictera de rallier à sa cause ses anciens compagnons dans l’Apr avec qui elle partage la même frustration d’avoir été déchargée de ses fonctions. Mais à la loupe, les données du problème sont plus compliquées que cela. Les récentes révélations de la presse faisaient état d’un début de contact téléphonique entre Mimi et Thierno Alassane Sall, ex-ministre des Infrastructures, qui aurait tourné court et au vinaigre. Sollicité par Mimi dans le sens d’une fronde dissidente au sein de l’Apr, Thierno Alassane Sall aurait vertement tancé l’ex-Premier ministre : «Que ce soit la dernière fois que tu m’appelles pour me dire ces choses. On n’a pas le même combat. Pour te rafraîchir la mémoire, il n’y a pas longtemps, tu as déployé les pires stratégies pour me liquider.» Pourtant peu de temps après, les deux protagonistes ont démenti l’information. Thierno Alassane Sall, en gentlemen a cru bon d’ajouter : «Je ne raccroche jamais au nez quelqu’un encore moins Mimi Touré qui a été mon patron dans le gouvernement. C’est contraire à mon éthique. Nous sommes en de très bons termes et je lui ai fait comprendre que cela ne venait pas de moi. Il ne faut pas me présenter sous les traits de quelqu’un d’acariâtre.» Avant que le service de communication de Mimi Touré ne vienne réfuter toute velléité de dissidence au sein de l’Apr et de qualifier l’information de complètement erronée.
L’alternative d’un débauchage de certains cadres de l’Apr perd par là une part de son crédit. Mais la persistante perspective d’un enrôlement des cadres frustrés propose l’hypothèse d’une alliance Mimi Touré-Mor Ngom. Là encore les récents développements de l’actu en sapent le crédit. Mor Ngom, fraîchement élu maire de Ndangalma, confiait que sa relation avec Macky Sall outrepassait le terrain politique, réaffirmant ainsi son engagement à ses côtés. La piste menant à Mbaye Ndiaye, ancien ministre de l’Intérieur, paraît peu crédible. A la lumière de l’évolution politique de Mimi Touré et de Mbaye Ndiaye, leur partenariat politique n’est qu’illusoire. La polémique du numéro 2 du parti est encore trop récente. L’autre option, l’une des dernières, reste la Coalition Macky2012. «Mimi pourrait peut-être s’engager avec elle dans la voie d’une rectification de la deuxième alternance», suggèrent quelques souteneurs. Sauf que dans la Coalition Macky2012, un fait est constant : tous les cadors sont casés et n’ont presque pas de frustration à brandir. D’ailleurs Ibrahima Sall, une des figures de proue de la coalition, a récemment réaffirmé son ancrage dans la majorité présidentielle. Le député Abdoulaye Ndiaye, n’envisage aucun départ. Le tour d’horizon côté alliance avec ses camarades de l’Apr semble afficher un zéro pointé pour Mimi Touré.
Mimi dans l’arène, ce n’est pas du surcotage, c’est son poids politique qui veut ça
Du côté du Parti démocratique sénégalais (Pds), les choses sont tout aussi compliquées. Tant Mimi les a chahutés avec la traque des biens mal acquis. S’acoquiner avec celle qui jusque dans un passé récent a été leur traqueur enragé semble être inenvisageable pour les membres du Pds. A Rewmi, même son de cloche. Ses esclandres verbaux à distance avec Idrissa Seck ont longtemps fleuri les colonnes des journaux. Finalement, l’option la plus crédible reste pour Mimi Touré de faire cavalier seule et de miser à fond sur sa base de Grand-Yoff.
Mimi Touré, complètement lessivée au soir des élections locales, éprouvée par la campagne électorale et les meetings tous azimuts, confiait que sa fatigue était due à ses longues nuits de veille. Pour elle, l’urgence était de rattraper ses heures de sommeil. Recharger ses batteries, refaire le plein d’énergie. Les certitudes des observateurs la voyaient à l’ombre pour un bon bout de temps, histoire pour elle de jauger d’un coup d’œil averti l’échiquier politique afin de voir comment faire mouvoir ses pions. Elle n’aura finalement fait que quelques jours dans les coulisses avant d’être happée par le feu de l’actu, qu’elle n’aura pour ainsi dire pas vraiment quitté. L’ancienne locataire de la Primature a un agenda déjà bien bourré. Au menu de ses activités de savoureux «ndogou» (plats de rupture de jeûne) où elle convie une belle brochette de leaders de la coalition Macky2012. Le quotidien Libération détaillait : «Mimi Touré a dîné hier (mardi 15 juillet) avec cent quatre-vingt jeunes volontaires qui ont joué un grand rôle pendant sa campagne électorale.» Il y a manifestement là une volonté de remobiliser ses troupes, affûter ses armes et redescendre sur le terrain politique.
Base communale pour des ambitions nationales
Mais avant de se lancer dans l’improbable échappée solitaire, un préalable est requis : jauger ses forces, évaluer ses chances. D’un côté, ses affidés surexcités l’adoubent et veulent passer à la vitesse supérieure. Nourou Niang, coordonnateur des jeunes de l’Apr, bouscule tout en demandant à son leader de prendre ses responsabilités si Macky Sall continue d’ignorer Grand-Yoff. Aminata Touré lâchait laconiquement après la passation de services avec Mahammed Dionne : «Mon avenir politique sera radieux. Il va falloir bien que je travaille. Je resterai une militante très active. Je me considérais comme une militante. J’ai été une militante avant, pendant et après. Je la serai après l’Alliance pour la République. Je serai une militante éternelle de la cause Sénégal.»
Un fait reste constant : même si elle a été battue dans la conquête pour la mairie de Grand-Yoff, Mimi Touré a comptabilisé un score relativement bon, gage d’un fonds de roulement pour d’autres défis. Ses partisans restent positifs devant sa défaite. Pour eux, elle ne se résume pas juste en points négatifs. Ils préfèrent en retenir le positif et réaffirment le poids politique de leur mentor. Ils en veulent pour preuve le capital sympathie dégagé par Mimi Touré. Elle a tout de la punchy lady qui aimante tout. Dans les réseaux sociaux, Mimi surclasse ses collègues politiques. Mais est-ce bien raisonnable de faire reposer les ambitions politiques de Mimi Touré à sa seule base affective de Grand-Yoff pour asseoir des ambitions nationales ?
Mimi Touré, le discours et la méthode
Ses souteneurs agitent à bout de bras un cursus et une volonté de la part de leur mentor. Au lendemain de la seconde alternance, un décalque sommaire du premier gouvernement de Abdoul Mbaye laisse en surimpression Mimi Touré. Outre le fait d’avoir raflé l’oscar de la meilleure communicatrice, elle avait toujours joué dans le timing. Un cador du Pds, naguère archiduc libéral, excédé d’une longue suite d’auditions devant la gendarmerie lâchait : «Vous serez plus blanc que neige, elle ne vous lâchera jamais les baskets. Pourvu juste que la rumeur publique vous colle dans le dos une fortune. Peu importe que ce soit vrai ou pas.» Aminata Touré est ainsi faite, bardée de zèle. Elle garde toujours ce sourire de justicière impavide.
Dans le tissu de ses discours on retrouvait les mêmes coloris qui égaient les discours présidentiels : «Gestion sobre et vertueuse, reddition des comptes». Rompue à la méthode, elle ne s’embarrasse pourtant pas de lourdeurs. Mimi sait se la jouer déjanté avec ce style à l’américaine. Sa méthode se veut un brin équilibriste et sa façon de toréer dans l’arène politique s’affranchit de l’enfermement. Mimi surfe toujours sur la vague, crée et recrée le buzz. Ses cibles protestent et renâclent. Mimi s’en balance comme de son premier mouchoir de tête. Devenue, seule maître à bord du yacht gouvernemental, elle déroule.
Maître El Hadji Diouf, plein de verve comme au matin de sa toute première plaidoirie, avait, dans son collimateur l’ex-Premier ministre. Ouvrant le feu roulant il croit savoir : «Mimi vise la place de Macky Sall et ça le Président ne le sait pas encore.» Elle, n’est pas du genre à s’émouvoir devant un boulevard qu’on lui taille. «Elle étouffe les membres du gouvernement et même le président de la République» chargeait encore Maître El Hadji Diouf.
Son dada de la traque des biens mal acquis, elle a dû le refourguer à Sidiki Kaba, nouveau préposé à la Justice. Au mieux, Mimi se contente de regarder tout ça d’un œil averti et attentif. Au pire, elle tentera tant bien que mal d’aider à épousseter de vieilles histoires. En tout état de cause, son agenda s’était surchargé de grandes lignes comme : la demande sociale, le renchérissement du coût de la vie, les questions de l’emploi, de l’énergie. L’ancien membre actif des milieux universitaires français de gauche et membre de la Ligue communiste des travailleurs (Lct) a dorénavant d’autres préoccupations. Là, elle cherche à retomber sur ses pieds. Aujourd’hui, Mimi Touré est encore dans les starting-blocks, attendant le coup de sifflet pour sprinter.