L’enfer est déjà promis au colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, relativement aux révélations contenues dans son livre : Pour l’honneur de la gendarmerie. Il est rappelé à Dakar pour enquête et l’on apprend qu’il sera mis aux arrêts de rigueur, le temps qu’il soit édifié sur son sort. Pendant ce temps, celui qu’il a accusé peut continuer tranquillement à agir au nom du Sénégal à Lisbonne et si l’envie lui chante, peut même porter plainte contre son dénonciateur.
Bis repetita ! Après avoir «tué» le messager de la police en l’occurrence Cheikhna Cheikh Saad-Bouh Keïta, qui avait révélé un trafic de drogue au sein même de l’Ocrtis, voilà encore que l’Etat prenne la ferme résolution de conduire le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw à l’échafaud, pour avoir osé mettre le doigt dans la plaie qui gangrène le corps de la Gendarmerie nationale. C’est en effet le ministre des Forces armées himself qui annonce la couleur : «Le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw a commis une violation de la réglementation en publiant ce livre sans l’autorisation de sa hiérarchie. (Il) a violé une obligation fondamentale qui pèse sur l’ensemble du personnel des forces armées : l’obligation de réserve. (Alors que) la loi du 28 juillet 2008 sur la Défense nationale (exige) une obligation de réserve jusqu’à l’âge de 65 ans. (C’est) une infraction aux règles de protection du secret après publication de son livre. Eu égard à la gravité des faits ainsi évoqués, ont été prises les mesures suivantes : le rappel à Dakar du colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, attaché militaire à Rome, auteur du livre. Le colonel Ndaw devra répondre de ses actes au plan disciplinaire. L’inspection générale des forces armées sera saisie pour enquêter sur les allégations du livre et en tirer toutes les conséquences. Les personnes mises en cause se réservent le droit d’ester en justice.» C’est en substance la déclaration lue dans les micros de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (Rts) par Augustin Tine.
Arrêt de rigeur dès son retour
Cela nous rappelle naturellement la sortie malheureuse, il y a un an, de l’ancien ministre de l’Intérieur Pathé Seck, à propos d’un rapport faisant état d’un trafic de drogue au sein de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis). Seck avait déjà pris position en affirmant qu’il s’agissait de «guerre fratricide» entre commissaires de police. La suite, on la connaît, malgré l’arrestation tout dernièrement d’un policier de l’Ocrtis pour trafic de drogue…
Augustin Tine clone ainsi Pathé Seck et suscite une indignation collective, surtout qu’il demande en quelque sorte au général Abdoulaye Fall, ancien Haut-commandant de la gendarmerie en poste actuellement à Lisbonne comme ambassadeur du Sénégal, de porter plainte contre son dénonciateur. Sans pour autant danser plus vite que la musique, l’on sait déjà le sort qui est réservé au colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, à qui l’Etat demande de rappliquer dare-dare à Dakar, pour s’expliquer. Il sera même mis aux arrêts de rigueur, durant le temps que dure l’enquête. Pendant ce temps, celui qu’il accuse d’avoir terni l’image de la gendarmerie avec des faits documentés peut continuer à agir au nom du Sénégal au Portugal.
Autant alors réintégrer le commissaire Abdoulaye Niang et lui permettre de retrouver les cimes de la police, comme une enquête l’a blanchi, si l’Etat veut être constant. En tout cas, des organisations de défense des droits de l’Homme n’entendent pas rester les bras croisés devant cette forfaiture en gestation. Seydi Gassama par exemple, secrétaire exécutif d’Amnesty international au Sénégal, demande au procureur de la République de s’autosaisir de cette affaire et d’ouvrir une enquête. S’exprimant sur les ondes de la Radio futur médias (Rfm), il paraît sceptique à propos de l’enquête annoncée par l’Etat sur les révélations du colonel Abdoulaye Aziz Ndaw dans son livre Pour l’honneur de la gendarmerie. Le défenseur des droits de l’Homme craint à juste raison le syndrome Cheikhna Cheikh Saad-Bouh Keïta de la police, littéralement chargé par l’enquête sur la drogue, avant d’être radié de la police.