Trois questions au sociologue Moustapha Wone: ’Dieu n’a pas réussi à rendre les hommes fidèles, les IST non plus. Il ne faut pas compter sur la raison’’
Avant tout développement, il y a lieu de faire savoir que les aventures extraconjugales ne se résument pas toujours qu’en de simples histoires de coucherie furtive. On peut trouver en elles une bonne dose de partage durable, d’écoute profonde et une confidentialité sincère perdue ou non, au niveau du couple marital.
Cela dit, qu’est-ce qui peut bien expliquer l’infidélité ?En l’absence de statistiques fiables ou d’études récentes faites à ce sujet, l’un dans l’autre, on peut dire que les facteurs de l’infidélité plus ou moins massive, ont toujours été les mêmes, qu’elle soit acceptée, tolérée ou non par les mœurs. On peut les énumérer en ces termes : les difficultés de la vie de famille, les crises existentielles, les addictions sexuelles et la liberté sexuelle dans les sociétés contemporaines.
Cette liberté sexuelle est-elle l’une des principales causes ?
En fait, dans tous les cas de figure, il faudrait mettre l’accent sur le fait que d’une manière générale, les sociétés humaines n’ont jamais pu tolérer la sexualité furtive, même entre adultes consentants. A l’heure où la sexualité perd de plus en plus son cadre traditionnel d’exécution qu’est le mariage, on peut à juste titre se demander : qu’est- ce qui fait que la sexualité furtive n’est pas toujours acceptée ou que les relations exclusivement à caractère sexuel ne sont pas encore bien vues ? Cependant, dans le cadre du mariage, le problème de l’infidélité n’est pas réellement l’infidélité en tant que telle, mais le fait que cela soit fait en catimini, par l’un des conjoints ou par les deux, chacun de son côté.
En effet, si on observe que dans certaines contrées, quand les conjoints acceptent l’infidélité dans leur couple, ou même la vivent ensemble - on pense aux couples échangistes - il n’y a pas de problème, on peut réellement en convenir. On peut retrouver la même chose dans les pays musulmans, où un homme peut se permettre légalement de ne pas être fidèle.
Donc, l’infidélité est plus une question d’acceptation ou de légalité qu’une question de cœur ou de sentiment uniquement. Mais, à l’heure où il y a une éclosion sentimentale, l’infidélité peut faire mal, comme c’est le cas souvent, mais parfois on peut trouver que c’est bien vécu, comme c’est le cas avec les adeptes de ce que l’on appelle la « compersion ». Dans ce dernier cas de figure, la jalousie se trouve reléguée au second plan. On se partage tout, même l’infidélité ! Dans tous les cas de figure, on parle de plus en plus de « polyfidélité » que d’infidélité en tant que telle. Et à y regarder de prés, les sociétés humaines ont été toujours plus « polyfidèles » qu’infidèles.
Justement comment appréciez vous cette thèse qui souligne que l'islam balise la voie à l’infidélité ?
L’islam est, comme nous venons de le dire, pour la « polyfidèlité » et non pour l’infidélité ! En reconnaissant que l’homme peut disposer officiellement de plusieurs femmes, l’Islam met l’accent sur cet aspect de polyfidélité. Cependant, il ne faut pas être sexiste ni discriminatoire. Alors que la polyfidélité moderne ne fait pas de distinction entre les sexes, la polyfidélité islamique, quant à elle, accorde cette faveur, si faveur il y a, aux hommes exclusivement.
Dans ce cadre, on peut dire que les hommes, dans les pays musulmans, peuvent se considérer comme n’étant jamais infidèles, parce que pouvant se dire qu’ils sont toujours dans une entreprise de conquête, pour de nouvelles éventuelles épouses. Mais, une fois de plus, la question de l’infidélité ou de la fidélité est toujours une question de loi, ou plus généralement de règles de vie matrimoniale. Autrement dit, ce n’est que quand elle est faite en catimini ou en l’absence de loi l’autorisant que l’on peut parler d’infidélité.
Et que faudrait-il pour faire revenir les hommes à la raison ?
Si le sociologue a un conseil à donner, encore que ce n’est pas son rôle, il invitera la société tout entière à légaliser l’infidélité ou à défaut à l’accepter, parce que comme le dit Paule Salomon, l’auteure de l’ouvrage « Bienheureuse infidélité », l’infidélité acceptée et tolérée participe plus à rendre plus solides les couples qu’à les fragiliser. Il faudrait apprendre à conscientiser les couples, que ce qui est dramatique, c’est de le faire en cachette et à la sauvette. Cependant, cette forme d’infidélité ou de « polyfidélité » n’est pas l’apanage du sexe masculin.
La gent féminine peut s’en prévaloir. C’est peut-être ça la seule petite nouveauté dans l’histoire de l’infidélité ou de la « polyfidélité », encore que…Ainsi, l’infidélité a de beaux jours devant elle. Les hommes semblent être plus fidèles à la polyfidélité ou à l’infidélité, et ce n’est pas demain la veille, qu’ils reviendront à la raison, si raison il y a dans ça. Dieu n’a pas réussi à les rendre fidèles, les IST non plus. Il ne faut pas compter sur la raison.