Amnesty International dénonce une "impunité systématique" et des "atrocités" en République Centrafricaine (RCA), accusant plusieurs personnalités, dont les anciens présidents du pays François Bozizé et Michel Djotodia, d’en être responsables.
Cette organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la défense des droits de l’homme a publié jeudi à Dakar un rapport sur intitulé: "République Centrafricaine (RCA) : il est temps de rendre des comptes".
"Ce rapport dénonce nommément un certain nombre de personnalités en vue pour leur rôle dans ces atrocités, notamment les anciens présidents François Bozizé et Michel Djotodia", indique une note de synthèse du document remise aux journalistes lors d’une conférence d’Amnesty International.
Sont également indexés "les coordonnateurs des anti-balaka, dont Lévy Yakété, et des commandants de la Séléka, tels que Nourredine Adam".
Depuis mars 2013, la RCA est secouée par des violences opposant les Séléka, une milice constituée majoritairement de musulmans, à celle des anti-balaka, qui est essentiellement constituée de chrétiens.
Des milliers de personnes ont été tuées dans les violences. Par milliers également, de nombreux Centrafricains se sont réfugiés dans les pays voisins.
Michel Djotodia, soutenu par les Séléka, a renversé le régime du président François Bozizé en mars 2013.
En janvier dernier, il a été poussé à la démission par la Communauté des Etats d’Afrique Centrale, dont fait partie son pays. Mais son départ du pouvoir et l’arrivée d’un gouvernement de transition n’ont pas atténué les violences.
Une vingtaine de personnes ont été tuées lundi à Bambari, l’une des principales du pays. La président de transition, Catherine-Samba Panza, a décrété trois jours de deuil national à la suite des massacres de Bambari.
Amnesty International affirme que son rapport est "fondé sur des résultats de missions de recherche menées à Bangui et dans l’ouest de la République Centrafricaine, en décembres 2013 et en janvier et février 2014, ainsi qu’au Tchad, en février et mars 2014".
Le rapport a été présenté aux journalistes par Steve Cockburn, directeur adjoint du Bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l’Afrique Centrale, et Jean-Eric Nkurikiye, chargé de campagnes pour cette ONG en Afrique Centrale.
Christian Mukosa, chercheur d'Amnesty International dans cette partie du continent, et Seydi Gassama, directeur d'Amnesty International/Sénégal, ont participé à la conférence de presse de présentation du document.
Amnesty International soupçonne d’autres membres des deux groupes armés (Séléka et anti-balaka) d’"être impliqués dans de graves atteintes aux droits humains".
Cette organisation de défense des droits de l’homme recommande le rétablissement du fonctionnement du système judiciaire centrafricain.
Elle dénonce des "crimes de droit international commis en République Centrafricaine en 2013 et 2014", estimant qu’ils ont entraîné des milliers de morts et contraints près d’un million de personnes à fuir leur domicile.
Cette ONG "demande que des enquêtes soient ouvertes et que les responsables de ces crimes soient poursuivis et punis".
"La plupart de ces suspects identifiés par Amnesty International se cachent dans le pays, d’autres se sont installés dans des pays étrangers comme le Tchad ou la France", signalent les auteurs du rapport.
Ils estiment que ces pays ne doivent pas "offrir une protection à des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes".
Aussi appellent-ils les pays voisins ou éloignés de la RCA, "où vivent actuellement des suspects", à "faire en sorte qu’ils n’échappent pas à la justice et aient à rendre des comptes pour les crimes qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis en République Centrafricaine".
Le rapport signale que l’absence d’enquêtes et de justice concernant ces "atrocités" commises dans ce pays "témoigne de l’inexistence d’un système judiciaire efficace et indépendant, ce qui empêche les forces de sécurité de protéger les victimes contre les représailles".
Amnesty International souhaite que l’organe créé par les autorités de transition en RCA pour enquêter sur ces "atrocités" soit renforcée et que son champ d’action soit étendu au-delà de Bangui, la capitale du pays.
L’organisation recommande la création d’une "commission d’enquête internationale" par les Nations unies.
Elle appelle les autorités de la République Centrafricaine à envisager la création d’"un tribunal hybride" administré par des experts centrafricains et internationaux pour juger les crimes de droit international et aider à renforcer le système judiciaire national de ce pays.