D’éminents professeurs, politiques, religieux, défenseurs des droits humains, acteurs et actrices de la paix se sont retrouvés à Ziguinchor pour célébrer la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH). Jamais la paix n’a été si proche en Casamance.
‘’Puisse donc ce conflit prendre fin et très vite’’ ! S’exclamait le professeur Assane Seck, amoureux de la Casamance devant l’éternel, dans un discours prononcé en 2005, lors d’une rencontre sur la sécurité humaine en Afrique. La célébration de la Déclaration universelle des droits de l’Homme hier et ce matin à Ziguinchor, serait-elle le coup fatal porté aux démons qui ont toujours entretenue et hanté ce conflit qui dure depuis décembre 1982 ?
En tout cas, c’est le souhait le plus ardent de la masse d’individus qui a pris d’assaut la capitale du Sud. Ils sont tous venus, autorités étatiques, défenseurs des droits de l’Homme, politiques, membres de la société civile, éminents universitaires…avec la ferme volonté d’en finir avec ce conflit, l’un des plus vieux en Afrique. Comme viatique, c’est la célébration de la Déclaration universelle des droits de l’Homme les 9 et 10 décembre 2013 qui a fédéré toutes ces forces vives de la Nation. Et c’est avec du baume au cœur que l’on voit ces banderoles placées un peu partout à Ziguinchor avec ce slogan :
‘’La paix en Casamance, enfin’’ ! Ils y croient tous et d’ailleurs qu’est-ce qui les en dissuaderait, au vu du contexte actuel où tout semble militer en faveur d’une paix définitive en Casamance. ‘’Foutez-nous donc cette paix en Casamance’’ ! S’est exclamé Alioune Tine galvanisé par un panel de haute facture organisé en la circonstance sur la dignité humaine. Le président du Comité sénégalais des droits de l’Homme a soutenu que le bout du tunnel est presque là et qu’ensemble les Sénégalais doivent pousser, dans un élan de solidarité et de générosité, pour y parvenir.
‘’Le dialogue est la seule logique qui doit prévaloir’’
Le même optimisme a caractérisé l’intervention du gouverneur de la région de Ziguinchor qui soutient qu’aujourd’hui, tous les clignotants sont aux verts, pour un retour définitif de la paix en Casamance. Pour cela, il faut que les efforts soient poursuivis et que les personnes soient davantage responsabilisées, dira Seydy Gassama, directeur d’Amnesty international qui regrette que des journalistes et autres responsables s’autocensurent toujours en Casamance, parce que simplement, ils ont souvent peur de dire la vérité et de s’attirer la foudre des autorités.
De l’avis de la directrice de l’ONG article 19, Fatou Jagne Senghor, il est important de miser sur la liberté d’expression qui est le fondement de tout État de droit. Le dialogue est la seule logique qui doit prévaloir dans ce conflit dont la résolution a toujours été malheureusement confiée à la piste de la confrontation entre militaires et éléments des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), dira le Professeur Nouha Cissé, médiateur de l’Université de Ziguinchor. Axant son intervention sur la dignité humaine dans l’antiquité et dans les traditions africaines, le Pr Fatou Kiné Camara de l’université Cheikh Anta Diop a beaucoup insisté sur le dialogue qui a toujours caractérisé les sociétés africaines.
TROIS QUESTIONS A… FATOU JAGNE SENGHOR, DIRECTRICE DE L’ONG ARTICLE 19 : ‘’Pour un retour de la paix en Casamance il faudrait aussi (…) que l’information circule et que les journalistes soient protégés’’
Ce matin est célébré à Ziguinchor le 65e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme. Quelle est la symbolique de cet événement ?
La déclaration universelle de 1948 pose les jalons de la protection universelle des droits humains. C’est l’un des grands instruments des temps modernes qui a rappelé l’importance de la dignité humaine et qui a posé les grands axes pour que les droits humains soient respectés dans le monde. C’est une déclaration presque reprise dans toutes les constitutions du monde. Cette déclaration est symbolique parce qu’adoptée après la seconde guerre mondiale. Une manière de dire : plus jamais les atrocités subies pendant les deux guerres. C’est une déclaration qui a tout son poids dans les mécanismes des droits humains et c’est important de venir la célébrer en terre casamançaise pour booster davantage la dynamique de paix.
Rien n’est hasardeux dans ce choix alors ?
Le choix de Ziguinchor pour venir célébrer l’anniversaire de cette déclaration n’est pas un hasard parce que nous sommes tous meurtris par ce qui se passe depuis trente ans dans cette belle région. Célébrer les 65 ans de la DUDH et les 20 ans de la déclaration de Vienne qui consacre aussi l’universalité des droits humains est un pas important vers la paix et nous estimons que les droits humains ne peuvent pas être protégés sans la paix. Pour un retour de la paix, il faudrait aussi que les populations participent, que l’information circule et que les journalistes soient protégés. Qu’il y ait en somme une participation efficiente de tous. Cette célébration est venue à son heure.
Quel est selon vous le poids de l’accès à l’information dans le processus de paix en Casamance ?
Nous avons beaucoup d’instruments sur l’accès à l’information mais leur mise en application pose problème et souvent ça tourne autour de la volonté politique. En Afrique, nous avons la Charte africaine et une déclaration de principe qui a élaboré les contours de cette charte surtout en son article 9 pour guider les Etats dans la protection de la liberté d’expression. Malgré tout ceci, on note que les Etats violent presque au quotidien cette liberté fondamentale qui est la pierre angulaire de la protection des droits humains.
Si la personne ne peut pas s’exprimer, ni se faire entendre, il est évident qu’on ne peut pas parler d’Etat de droit ni de démocratie et cela se répercutera dans tous les secteurs de la vie. On ne pourra même pas participer à un processus de paix parce qu’on est bâillonné. C’est dire donc que la liberté d’expression et l’accès à l’information sont au centre de toute la protection des droits humains parce que sans elles, tous les autres droits deviennent accessoires parce qu’on a besoin de s’informer pour prendre des décisions et pour agir.
Cette liberté d’expression est donc centrale et en Casamance, nous souhaitons que la paix revienne rapidement pour que les journalistes et les populations puissent s’exprimer librement. Aussi, que l’on arrive à trouver une sortie heureuse pour que cette région retrouve son développement qui est aussi un droit fondamental. Seulement, sans la paix, il n’y aura pas de développement.