C’est un fils de… Il a été préparé à s’opposer et exercer le pouvoir un jour ou l’autre par son père, fondateur du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno jubël (Fsd/Bj). Ses alliés de l’opposition l’avaient soutenu et adoubé en 2009. Mais le défunt Benno siggil senegaal reconnaîtra ses maires, surtout ceux qui n’ont pas pu faire mieux qu’un quinquennat. Cheikh Bamba Dièye en est un. Il avait été porté à la tête de la ville symbolique et chargée d’histoire, Saint-Louis, par ses alliés, face à un Parti démocratique sénégalais émietté.
La jeune révélation de l’élection présidentielle de 2007 commençait à enterrer sa vie d’opposant. Mais aussitôt après, le désamour s’est dessiné. Les premiers pas de la décadence sont posés. En effet, l’édile de Saint-Louis trouvait toujours des excuses pour s’absenter des réunions de la coalition de l’opposition. Les Saint-louisiens ont préféré ne pas renouveler son contrat dimanche dernier. L’éthique de la démocratie fait de l’impopularité un délit. Elle voudrait donc qu’il paye son poste de ministre de la Communication et de l’Economie numérique. C’est un tournant dans sa carrière politique. Cheikh Bamba Dièye a cessé de siéger en Conseil des ministres. Avec sa démission, il pose l’acte 3 de sa carrière politique d’un opposant qui retrouve l’opposition après avoir exercé le pouvoir.
Sa non-réélection était prévisible.
Coups contre Benno siggil senegaal
Au bord de l’embouchure du Fleuve Sénégal, son attitude face à ses alliés et sa gestion de la mairie avaient du mal à convaincre. D’aucuns le qualifiaient de «maire impopulaire» qui, au fil des ans, a fini de scier la branche sur laquelle il était assis, contrairement à Khalifa Sall, l’autre symbole de la victoire de l’opposition en 2009. L’application des Assises nationales les avaient poussés à faire des déclarations de patrimoine. Les mois passent et les modes de management de leur collectivité les divergent. Contrairement à la première capitale du Sénégal, Benno siggil senegaal «existe» encore à la ville de Dakar. D’ailleurs, la dislocation de cette coalition a été une aubaine pour Mansour Faye, beau-frère du chef de l’Etat, qui s’est imposé à la tête de Benno bokk yaakaar pour l’affronter. Cheikh Bamba Dièye a participé à plusieurs compétitions électorales nationales. Le leader du Fsd/Bj s’était démarqué de «la candidature de l’unité et du rassemblement», l’utopie tant souhaitée en 2011, qui opposait particulièrement Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse. Il a défendu sa candidature pour ne pas battre campagne à l’intérieur du pays. Le candidat s’est focalisé sur la lutte contre la candidature de Abdoulaye Wade pour un troisième mandat. Le maire de Saint-Louis défiait les Forces de l’ordre à la Place de l’Indépendance jusqu’à s’étaler sur le goudron, avant d’être évacué à l’hôpital pour des soins. Le 22 juin 2011, l’image d’un député combattif a fait le tour du monde. Cheikh Bamba Dièye s’était enchaîné sur le portail de l’Assemblée nationale, dénonçant le projet de loi consistant à exiger un taux de 25% aux candidats pour l’organisation d’un second tour.
Sympathie perdue
Les maigres résultats obtenus à la Présidentielle de 2012 n’ont pas traduit le capital-sympathie dont il jouissait. Ils ont été versés à Macky Sall. Après la victoire, celui qui avait succédé à son père à la tête du Fsd/Bj en 2002 devient ministre de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. Il a juste fallu le premier réaménagement du gouvernement Abdoul Mbaye pour qu’il soit nommé ministre de la Communication et de l’Economie numérique. Sa conduite discrète des affaires publiques n’a pas suffisamment satisfait. Les acteurs des médias retiennent en lui un ministre «inaccessible», difficile à interroger sur certains sujets comme la vie de son parti. Cette discrétion de son action politique une fois au pouvoir a poussé des jeunes de son parti à sonner la révolte. Le Fsd/Bj était absent des débats et des rendez-vous politiques. En guise de réplique à cette fronde, Cheikh Bamba Dièye prononce l’exclusion de ses animateurs. Du coup, l’homme politique qui avait réussi à polir son image s’est laissé découvrir un autre visage, celui d’un «dictateur» discret. L’heure de sa deuxième vie d’opposant a sonné.