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Sud Quotidien N° du 9/12/2013

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Entre unions de façade, trahisons et ruptures
Publié le lundi 9 decembre 2013   |  Sud Quotidien




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De l'époque du député Blaise Diagne aux élections les plus récentes, le Sénégal donne l'impression que rien ne peut être bâti au plan politique sur la durée au nom de l'intérêt national et du peuple. Si la sortie d'Idrissa Seck Benno Bok Yakaar, coalition conduite sous l'autorité de l'actuel président de la République, Macky Sall, n'a été qu'un épiphénomène, la liste est longue des séparations entre hommes ou femmes que tout unissait au départ. Lamine Guèye et Senghor. Mamadou Dia et le même Senghor. Jusqu'à Abdoulaye Wade et ses anciens Premiers ministres, Idrissa Seck et Macky Sall. Et encore…

Face à une histoire politique qui se construit sur fond d'unions de façade souvent marquées par la rupture au milieu du gué, les mots ne suffisent plus pour exprimer la détresse des gens et leur déception. Les urgences se multiplient et le jeu d'éternelles recompositions ne semble servir à rien au plan des avancées économiques et sociales. Cela ne date pas d'aujourd'hui. C'est un mode de fonctionnement repérable depuis l'époque coloniale, avec les alliances sans lendemain et les nombreux échecs des projets et programmes de développement. La même tendance n'a cessé de s'affirmer dans ce Sénégal des politiciens, et depuis le début des années 2000, en mettant au cœur des stratégies d'unions et, de manière presque permanente, un maître mot et un seul crédo : le chantage.

Le pouvoir à tout prix. Loin de la caricature, un journal de bord, un livre culte, résume la vie politique sénégalaise de 1955 à 1980. Son auteur, Roland Colin, fidèle collaborateur de Mamadou Dia, déroule une version qui s’adapte bien au titre : « Sénégal, Notre pirogue. Au soleil de la Liberté ». Passé inaperçu pour le grand nombre depuis sa publication en 2007, ce livre qui dépasse sa propre actualité pour l’époque, reste aujourd’hui et pour bien des années encore, un ouvrage de chevet et de référence pour l’historiographie africaine et le monde politique sénégalais. Par la valeur des éléments de contenus. Mais, encore par la qualité des informations, il donne finalement raison à Joseph Ki Zerbo qui rappelait dans les années 70, la nécessité d’une réécriture de l’histoire africaine. Sincère et pathétique. Des fois, terrible et révoltante, c’est bien une œuvre pour la postérité à faire lire dans les écoles et dans les cours d’histoire pour consolider les bases de la construction démocratique au Sénégal.

Rattrapé par les démons du passé, le présent politique sénégalais n’est pas encore débarrassé de ce jeu d'intérêts. Comme s’il s’agissait d’un éternel recommencement auquel le peuple devrait être soumis…

De Lamine Guèye à Senghor, de la fin de la Fédération du Mali, de l’échec du compagnonnage entre et Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, Abdoulye Wade et Idrissa Seck et Macky Sall et ses alliés de la première alternance démocratique du Sénégal, l’histoire est malheureusement marquée par ces unions sans lendemain, ces échecs et ruptures regrettables : mais plus grave, ces trahisons qui ne s’effacent jamais de la mémoire des témoins qui les ont vécues, mais aussi de celles des générations qui se suivent et qui racontent à leurs descendances cette même histoire. Triste scénario d’un film sans fin…

Vous avez dit démocratie et jeu d’échecs. Le Sénégal d’aujourd’hui saurait-il en faire l’économie ? Là est toute la question au moment où le Parti démocratique sénégalais implose, où la coalition à la tête du pays souffre des envies et prétention de « loups » qui cherchent des postes au lieu de servir le pays. Au moment où le président Macky Sall, n’est pas au mieux aux plans économique, social, culturel et que la demande sociale se fait de plus en plus pressante.

C’est en cela qu’il est intéressant de revenir sur le travail de Roland Colin. Un livre mémoire qui a fait le pari de raconter l’histoire du Sénégal aux enfants et aux adultes d’une Fédération du Mali et d’un Sénégal qu’on construisait pour eux et qui, comme dans une symphonie inachevée, ne verront jamais le jour. Le pari était osé comme le rappelle le professeur Elikia M’bokolo dans la préface, mais « avouons qu’il a été relevé » se plaît-il d’ajouter. Léopold Sédar Senghor, Ibrahima Seydou Ndaw (1), Lamine Guèye (2), Mamadou Dia, Amadou Mahtar Mbow, Abdoulaye Ly, Abdou Diouf, sont racontés tels que vous ne les avez pas connus. C’est cela le charme de ce livre revisité par Sud Quotidien pour ces lecteurs avec la finesse d’un homme du milieu qui a su écouter et rendre compte. Ce que les universités et les instituts n’ont pas su faire, c’est un collaborateur de Dia et Senghor, Français et Sénégalais réunis en une seule personne, qui va le faire. Au nom des principes et de la fidélité à un pays et à ses hommes.

Quel travail de mémoire au final pour qui prend le temps de s’y attarder en lisant « Sénégal, Notre pirogue. Au soleil de la Liberté ». Sans rancune ni orgueil. Voila qui pourrait résumer ce journal de bord. Le plus étonnant est que jusqu’ici aucun débat de fond sur ce travail de fouille digne des anciens travaux de l’Institut Fondamental d’Afrique noire (Ifan), n’a été enregistré. Parlons de l’homme d’abord qui a eu cette idée géniale de mettre sur papier l’épisode le plus marquant de l’histoire du Sénégal et du Soudan post-colonial. Ancien de l’Ecole nationale de la France d’Outre-mer (Enfom), élève de George Balandier (3) qui a encadré sa thèse de doctorat en 1980 (4) ; fidèle de Mamadou Dia, ancien étudiant de Senghor, devenu par la suite, ami très proche du professeur Assane Seck et du philosophe Alassane Ndao qu’il rencontre grâce aux conseils d’un ami guinéen, l’avocat Fadiala Keita qui mourra dans les prisons du Camp Boiro, après son retour à Conakry, suite à l’appel de Sékou Touré, Roland Colin est un historien fascinant.

Pour qui finalement, seul le travail de mémoire compte. Un autre défi lancé par l’auteur à la génération d’assistants et d’étudiants d’aujourd’hui. Aux jeunes africains dont le rôle est de refaire l’histoire et de la réécrire au seul bénéfice du continent. Voilà donc pour camper le décor de ce livre passionnant. La première partie du livre est un coup de cœur sur Dakar et ses habitants. Sa grande administration comparée à Saint-Louis la douce. L’homme a du vécu. D’abord, au Mali du côté du cercle de Kénédougou (1951-1954) qu’il a du mal à quitter. Aux côtés Don Jean Colombani, d’abord commandant de la circonscription de Dakar et du Cap vert, puis Gouverneur du Sénégal, comme ses retrouvailles avec Senghor, « le premier maître d’initiation qu’il avait été pour moi à l’Enfom… » ; enfin dans son compagnonnage avec Mamadou Dia, devenu président du conseil et son patron, l’homme aura fait du chemin.

De Saint-Louis la belle à Dakar l’agitée, Ballade au cœur d’un pays fascinant

Dakar, Saint-Louis. Saint-Louis, ses mulâtres, ses belles métisses, Sène le chef cuisinier du gouverneur, rien n’échappe à Colin jusqu’à son dernier retour à Dakar avec l’avènement du président Dia. Le souvenir de ce dernier lui disant dès les débuts de sa nouvelle affectation à ses côtés, « Nous ne devons pas confondre la dignité de la fonction avec le luxe et le gaspillage, inadmissible chez les représentants d’un peuple aussi démuni que le nôtre… »

Lui homme blanc habitué à un certain standing de vie et de travail est réduit dans un petit espace dans l’immeuble Rondon qui sera son lieu de travail après le luxe des murs de l’immeuble imposant aux côtés de Don Jean Colombani. Traumatisme et déception. L’homme les connaîtra dans son parcours. C’est aussi cela le sens du livre. Sa rencontre avec le Sénégal est le fruit d’un véritable coup du destin. Car, explique Roland Colin, « Au sortir de l’Ecole nationale de la France d’Outre-mer, je m’étais juré de fuir les grandes villes, et le Sénégal m’apparaissait comme le pays où l’influence politicienne du monde blanc avait le plus mis à mal l’authenticité culturelle du peuple… »

De son retour à Dakar le 25 janvier 1955, il raconte sa rencontre avec le gouverneur de la colonie du Sénégal, le même Don Jean Colombani. Le vieil administrateur le veut au moment là où le Soudan français ne semble plus vouloir de lui, selon un des responsables de l’administration des colonies.

Et le voilà devant son nouveau patron qui va lui faire découvrir le Sénégal et ses réalités : le Chef supérieur de la collectivité léboue, les Khalifes et plus particulièrement Falilou Mbacké, Khalife général des Mourides, Seydou Nourou Tall, Abdoul Aziz Sy et encore. Devant ses réticences, c’est Colombani qui arrivera à le convaincre, après lui avoir raconté au passage, ses débuts dans le pays dans la zone excentrée de Bakel où une rencontre inédite va changer sa vie. Colombani de lui faire le récit de ce film assez inédit : « En 1927, j’étais l’adjoint de Louveau qui commandait dans le cercle de Bakel dans la haute vallée du fleuve. Ce fut une aventure. Je me souviens d’un lendemain d’élections qui concernaient à l’époque les « citoyens des quatre communes » et les métropolitains.

Louveau m’avait chargé avec la voiture branlante du Cercle, d’aller porter l’urne à Matam où siégeait un bureau de vote principal. La piste cahoteuse était rude. Et, à la tombée du soleil, surprise, un grand lion secouant sa crinière était couché en plein milieu du passage sans manifester l’intention de bouger. Nous sommes restés là baignant dans l’angoisse… » Avec Colombani, l’homme était aux côtés d’un connaisseur du pays. De ses premiers pas dans le bureau, l’accueil d’un guide spécial, le planton, « de véritable personnage, » selon lui. Colombani assurant l’intérim du gouverneur Jourdain, lui permet de découvrir la vieille ville de Saint-Louis, « la capitale mythique du Territoire, son atmosphère à nulle autre pareille, imprégnée d’une histoire fascinante, où, depuis trois siècles, Blancs, Noirs et Mulâtres avaient élaboré la subtile alchimie d’une culture singulière… » Entretemps, est née Maria, la première fille du couple Colin à l’Hôpital Principal de Dakar. Nous sommes en décembre 1955.

Saint-Louis, l’homme en est fasciné. Et il aime cette histoire qui longe les murs de la ville. Avec cet extrait évocateur du rôle de la colonie du Sénégal tiré de Mémoire du chevalier de Boufflers. Ce dernier écrivant au Roi en lui signalant, que « L’importance de la colonie du Sénégal consiste en l’aliment qu’elle offre au commerce : les objets de traite sont de quatre espèces : les esclaves pour la culture de l’Amérique, la gomme, l’or, et le morfil. (…) Les nègres du Sénégal, selon le chevalier, sont préférés aux autres Noirs de la côte d’Afrique. L’espèce est plus belle et on a reconnu qu’ils sont plus laborieux et plus endurcis au travail… »

Français, Roland Colin est aussi un Sénégalais qui a un vécu et résume les grandes périodes de l’histoire politique sénégalaise du milieu des années 50 à la fin des années 70. Balancé entre Dakar et Saint-Louis, il a été un témoin et un des acteurs de cette grande période de réflexion et de partage ; c’est un homme plein d’espoir qui a quitté le Sénégal au moment du référendum pour retourner en France. Mais avant son départ, il aura eu le temps d’aimer ce pays et de faire connaissance avec les deux plus grosses personnalités qui ont marqué la vie politique et économique sénégalaises des débuts d’indépendance et qui nous ont quitté à l’aube du nouveau millénaire : l’un en 2001 (Léopold S. Senghor), l’autre en janvier 2009 (Mamadou Dia). Comme pour dire qu’ils avaient fait leur temps.

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