En raison de son rôle déterminant dans les investissements structurants de l’Etat dans l’activité économique, la commande publique ne doit pas souffrir de lenteurs, ni d’opacité, encore moins d’inefficience, a soutenu le secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye. Il présidait, hier, une table ronde sur les sept ans de la réforme du système de passation des marchés publics.
L’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) et la direction centrale des marchés publics (Dcmp) ont, conjointement, organisé une table ronde sur les sept ans de la réforme du système de passation des marchés publics. Présidant cette tribune d’échanges, Seydou Guèye, secrétaire général du gouvernement, a souligné que la commande publique ne doit pas subir des souffrances liées aux lenteurs, ni de l’opacité, en raison des effets négatifs que chacun de ces maux génère dans l’acquisition, en quantité et en qualité, de service publics et de biens destinés à la collectivité. C’est pourquoi, pense-t-il, l’efficacité du système de passation des marchés publics apparaît comme une variable fondamentale pour l’émergence. Autrement dit, un système de commande publique, intelligent, souple, diligent et efficace est nécessaire pour le succès des projets et programmes de développement de l’Etat. « C’est conscient de cela que le gouvernement a initié la révision de la loi relative aux contrats de partenariat public-privé votée en février 2014 », explique Seydou Guèye. Il a rappelé l’adoption du nouveau Code des marchés publics en mai 2014. Selon lui, ces efforts sont certes appréciables, mais ils sont loin d’être suffisants pour rendre le système performant. A ce titre, il invite les autorités contractantes à se doter de services opérationnels compétents et efficaces, soucieux de performance dans l’exécution de leur budget à temps, pour fournir des services de qualité aux populations.
S’agissant des entreprises candidates aux marchés publics, le secrétaire général du gouvernement les invite à faire montre de loyauté dans la saine compétition et de professionnalisme dans la préparation et la présentation de leurs offres, mais également dans l’exécution des marchés publics à date due.
Quant au dispositif de contrôle, M. Guèye indique qu’il doit favoriser l’appui conseil et l’accompagnement des autorités contractantes, pour qu’elles s’affranchissent des contraintes du contrôle. A son avis, « les enjeux du moment et les défis auxquels notre pays fait face, notamment celui de la croissance économique, exige un système de passation des marchés publics adapté aux contingences internes et externes », a-t-il laissé entendre.
Environ 500 milliards de dollars par an de dessous de table
Citant les résultats d’une étude de Transparency international, le directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), Saer Niang, révèle que les Etats consacrent, à l’échelle mondiale, entre 10 et 15 % de leur Pib à la commande publique.
Or, cette même source mentionne que la corruption qui gangrène les marchés publics majore de 15 à 20 % le coût total de ces marchés engagés par les différents pays.
« Ce qui signifie qu’environ 400 à 500 milliards de dollars se retrouvent, tous les ans, dans des mallettes distribuées sous formes de dessous de table, de pots de vin », a fait savoir le patron de l’Armp.
85 % d’absorption des crédits
Interpelé sur les lourdeurs souvent agités dans les passations, Saer Niang reconnaît que d’aucuns se sont plaints en soutenant que des procédures empêchent de réaliser les différents projets. Alors qu’en réalité, dit-il, les crédits sont absorbés à près de 85 et 90 % annuellement durant les quatre dernières années », confie-t-il. Mieux, ajoute le patron de l’Armp, les faits ont également démontré que la plupart des ministères des autorités contractantes qui ont de grands projets structurants de l’Etat arrivent à consommer des crédits mis à leur disposition entre 90 et 100 %. Il déclare que la récrimination qui consiste à dire que l’absorption de crédit est compromise par le Code des marchés publics ne tient pas la route. A en croire M. Niang, avec les procédures des bailleurs de fonds, le taux d’absorption ne dépasse pas les 60 %. Ce qui signifie, à son avis, que les textes au Sénégal ne sont pas si contraignants qu’on semble le dire. « Nous devons avoir des procédures qui garantissent la rationalisation de l’utilisation des ressources. Le problème majeur, dans les marchés publics, est d’arriver à concilier transparence et efficacité, et il faut un savant dosage pour y arriver », a indiqué le directeur de l’Armp.
Risques élevés de malversations dans les demandes de renseignement et prix
« Nous avons proposé 50 millions pour ce qui est du seuil des Demandes de renseignements et prix (Drp), car de notre expérience, c’est dans les Drp qu’il y a plus de malversations », a souligné Saer Niang. Selon lui, élever davantage cette somme, c’est augmenter les espaces de risques. Il estime que la bonne procédure consisterait à arriver non seulement à concilier efficacité et transparence, mais aussi à verrouiller toutes les possibilités de risques.
« Certes, il y a une élévation des seuils de demande de renseignements et de prix, mais il va falloir un retour d’informations des autorités pour savoir exactement le montant qui a été retenu ».
Mouhamadou Makhtar Cissé, ministre délégue chargé du budget : « Les procédures ne doivent pas faire rater à notre pays le décollage économique »
Pour le ministre délégué chargé du Budget, Mouhamadou Makhtar Cissé, la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse) devrait permettre au Sénégal d’entrer dans la modernité économique. Selon lui, il ne faudrait pas, pour des considérations procédurales, que notre pays rate le train du décollage économique. « Nous avons mis en place un ensemble de dispositifs législatifs et réglementaires comme l’Ofnac. Tout ceci devrait nous permettre à alléger les procédures de passation », indique le ministre.
A son avis, si l’Etat élève le seuil de passation des marchés publics, c’est pour éviter une démultiplication des procédures et des marchés dans les ministères. Ce qui ralentit, à son avis, inutilement la commande publique. Il estime que la célérité et la transparence constituent un des objectifs de cette nouvelle réforme. « La transparence est un principe avec lequel nous ne pouvons pas transiger dans la gestion publique. Car, c’est la bonne gouvernance qui permet d’impulser l’essentiel de l’activité économique pour avoir des résultats escomptés », justifie-t-il.
M. Cissé rappelle que 20 % du Pib sont représentés par la commande de l’Etat. D’où la nécessité, dit-il, d’organiser davantage ce secteur afin d’aller plus vite, mais dans la transparence.
Saer Niang insiste sur la « vigilance permanente »
Le directeur de l’Armp estime que l’évolution des marchés publics est un processus dynamique où il faut garder une vigilance permanente dans les procédures tout en cherchant à les rendre plus transparentes et mieux adaptées à la satisfaction de l’intérêt et pour la vitalité de l’économie nationale.
Il ajoute que les marchés publics constituent un enjeu économique, financier et social d’une grande importance. Toutefois, M. Niang remarque que l’activité de passation de marchés est caractérisée par sa « vulnérabilité » et, de ce fait, est l’objet d’une surveillance permanente.
Cependant, il juge élevé le niveau de risque de déperdition des ressources publiques dans les marchés. D’où la nécessité, à son avis, d’accorder une attention ardue et une vigilance permanente et soutenue à toutes les étapes de mise en œuvre des procédures de la commande publique. Il s’agit notamment de la phase d’identification des projets, de la préparation des marchés, l’attribution, l’exécution, la réception et la liquidation. C’est tout le sens et l’intérêt, justifie M. Niang, de la réforme entreprise en 2008 dans une dynamique communautaire au sein de l’espace Uemoa. Une réforme qui avait pour souci majeur de renforcer la lutte contre la fraude, le gaspillage et la corruption dans les marchés publics. Ce texte induisait également un nouveau paradigme fondé sur un changement d’attitude et de comportement des différents acteurs, dans le sens de la consolidation des principes de bonne gouvernance. Pour M. Niang, un système de passation de marchés, sans vertu des acteurs, ni règles de procédures claires, ne saurait prospérer.