Le Comité de commémoration du 80ᵉ anniversaire du massacre des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye a présenté, vendredi 17 octobre 2025 à Dakar, le Livre blanc sur le massacre des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye. Ce document scientifique majeur est destiné à lever les zones d’ombre entourant la tragédie du 1ᵉʳ décembre 1944.
Cette présentation publique intervient un jour après la remise officielle du document au président de la République, Bassirou Diomaye Faye, au Palais présidentiel.
Présidée par le professeur Mamadou Diouf, président du Comité de pilotage, la rencontre a permis de partager les principales conclusions du Livre blanc et d’expliquer la démarche historique et méthodologique qui a guidé sa rédaction.
« L’objectif est de déconstruire le récit métropolitain pour ouvrir un espace à un récit africain, celui des victimes et de leurs descendants », a déclaré Pr Diouf.
Le document, qualifié de « base de vérité historique », s’articule autour de quatre grands chapitres à savoir les sources historiques disponibles sur Thiaroye , l’histoire du corps des tirailleurs, le déroulement du massacre, et la construction du récit mémoriel à travers les arts et la littérature.
Le professeur Diouf a souligné les obstacles rencontrés, notamment l’absence d’archives essentielles empêchant une reconstitution complète des faits.
« Aucune liste des tirailleurs embarqués sur le bateau n’a été retrouvée, ce qui est inimaginable pour une unité militaire », a-t-il déploré, évoquant la possible dissimulation de documents par la France.
Le Livre blanc met également en avant le rôle du cimetière de Thiaroye comme archive matérielle. Des fouilles archéologiques menées sous la direction du Pr Moustapha Sall ont confirmé l’existence de fosses communes, laissant penser que le nombre de victimes dépasse largement les 70 souvent citées, contre 35 selon les archives françaises.
« Nous devons aller au-delà des chiffres et rendre leur dignité à ces hommes. Ce qu’ils réclamaient, c’était le respect, l’égalité et la reconnaissance », a affirmé Pr Sall.
Le Livre blanc revient également sur la position ambigüe du tirailleur, à la fois victime de la colonisation et acteur de l’expansion impériale française, et sur la manière dont l’épisode de Thiaroye a été intégré à la mémoire collective ouest-africaine.
Les échanges avec la presse ont permis d’évoquer les difficultés liées au manque de coopération française, un point également soulevé par le président Bassirou Diomaye Faye.
« Certains dossiers existent, mais ne peuvent être consultés à cause de leur classification. D’autres sont déclarés inexistants, ce qui est invraisemblable », a confirmé Pr Diouf.
Pour le Comité, cette publication ne clôt pas le dossier, mais ouvre un processus de vérité, de justice et de mémoire.
« Ce Livre blanc n’est pas une conclusion, mais une étape. Il ouvre un dialogue entre historiens, États et peuples africains pour écrire une mémoire commune », a conclu Pr Mamadou Diouf.