L’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) du Sénégal a publié, ce lundi à Dakar, ses rapports annuels d’activités pour l’année 2024, révélant une augmentation significative des recours à la médiation financière, tout en soulignant que le dispositif demeure largement sous-exploité par les citoyens sénégalais.
Après une année 2023 marquée par une baisse de 45 % des réclamations, l’année 2024 a connu un rebond impressionnant avec une hausse de 92 % des saisines auprès du médiateur des assurances. Au total, 71 dossiers ont été traités en 2024 contre seulement 38 l’année précédente, représentant un enjeu financier de 235,5 millions de francs CFA.
Du côté du secteur bancaire et de la microfinance, la dynamique est encore plus remarquable. Le médiateur pour les banques, les établissements financiers, les institutions de microfinance et La Poste a enregistré 308 réclamations en 2024, contre 77 en 2023. Cette multiplication par quatre des saisines témoigne d’une prise de conscience progressive des usagers quant à l’existence de ce recours gratuit et efficace.
Depuis sa création en 2009, la médiation des assurances affiche un taux de résolution de près de 90 % pour un montant total de 1,7 milliards de francs CFA. Pour le secteur bancaire, le taux de réussite s’établit à 90 % en 2024, avec une moyenne quinquennale de 92,56 %, démontrant l’efficacité du dispositif dans la résolution amiable des conflits financiers.
Dans le domaine des assurances, 72 % des réclamations concernent des dommages matériels automobiles, 25 % portent sur des dommages corporels dont 13 % impliquent des cas de décès avec plusieurs ayants droit. Pour le secteur bancaire, les difficultés de remboursement de crédit dominent largement avec 69 % des réclamations, suivies des entraves à la mobilité bancaire (11,2 %) et des contestations d’écritures (9 %).
Les campagnes de sensibilisation portent leurs fruits
L’intensification des campagnes régionales de sensibilisation au cours de l’exercice 2024 explique en grande partie cette hausse spectaculaire des saisines. En partenariat avec le Cabinet Grant Thornton et avec le soutien de l’Union Européenne, l’OQSF a organisé des Réunions Publiques d’Information (RPI) dans la quasi-totalité des régions du Sénégal, touchant près de 1 950 participants.
Ces actions ont notamment ciblé les autorités administratives et locales, les juridictions régionales, les chambres consulaires, les opérateurs économiques, les associations de consommateurs ainsi que les Forces de Défense et de Sécurité.
Les résultats sont particulièrement visibles dans certaines régions. Tambacounda représente désormais 53,9 % des saisines bancaires, notamment en raison des difficultés rencontrées par les agriculteurs suite à des calamités naturelles.
« Au Sénégal, la médiation financière de l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF), mécanisme de règlement gratuit, équitable et amiable des différends entre les institutions financières et leurs clients, est devenue un outil incontournable dans le renforcement de la protection des consommateurs et de la confiance dans le système financier », s’est félicité le secrétaire exécutif de l’OQSF, Papa Amadou Diagne.
Des recommandations pour améliorer le système financier
Face aux problématiques récurrentes identifiées dans les réclamations, les médiateurs formulent des recommandations structurantes pour l’ensemble du secteur financier sénégalais.
Dans le secteur des assurances, les médiateurs préconisent notamment l’amélioration de l’information précontractuelle en utilisant les langues nationales pour assurer un consentement éclairé des assurés.
Ils recommandent également le strict respect des délais de règlement contractuels, l’accélération de la production des rapports d’expertise et la transparence tarifaire.
Une recommandation majeure concerne l’instauration d’une chambre de compensation assurantielle, dont le projet est porté par la Fédération des assurances avec l’appui de la Direction des assurances.
Ce dispositif permettrait de fluidifier les échanges entre compagnies et de réduire considérablement les délais de règlement des recours.
Pour le secteur bancaire, les recommandations sont particulièrement ciblées sur les difficultés de remboursement de crédit qui représentent la majorité écrasante des réclamations. Le médiateur préconise la création de fonds d’urgence pour aider les agriculteurs victimes de catastrophes naturelles, ainsi que la mise en place d’assurances agricoles obligatoires et externalisées.
Des mesures de rééchelonnement des dettes ou l’octroi de périodes de grâce pour les agriculteurs sinistrés sont également recommandées.
Concernant les débits à tort constatés après des retraits infructueux aux guichets automatiques, le médiateur appelle à accélérer les procédures de rétablissement de la clientèle dans leurs droits et à garantir un approvisionnement constant des distributeurs en liquidités.
Un appel à une meilleure utilisation du dispositif
Malgré ces résultats encourageants, les responsables de l’OQSF soulignent que le dispositif de médiation demeure largement sous-utilisé par les Sénégalais. Le médiateur des assurances déplore l’absence d’expert en assurance au sein de l’OQSF depuis plus de deux ans, ce qui constitue un frein à l’efficacité du traitement des dossiers techniques.
Parmi les recommandations prioritaires figure le recrutement d’un expert en assurances, l’organisation d’assises de la médiation en 2025 qui marquera les 15 ans du dispositif, ainsi qu’une promotion plus vigoureuse du dispositif par un véritable plan de communication et de publicité au niveau des médias.
Les médiateurs appellent l’ensemble des citoyens, des entreprises et des organisations à davantage recourir à ce service public gratuit qui constitue une alternative efficace aux procédures judiciaires, souvent longues et coûteuses.
Avec un taux de résolution avoisinant les 90 % et des délais de traitement généralement inférieurs à trois mois, la médiation financière s’affirme comme un outil essentiel de la protection des consommateurs et de la promotion d’un secteur financier plus inclusif et transparent au Sénégal.