Monsieur SANA BANGUI, Gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, cher frère,
Chers membres du Gouvernement de la BEAC,
Mesdames et Messieurs les Conseillers du Gouverneur, Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs les Directeurs, Mesdames et Messieurs, en vos rangs et qualités
Je voudrais tout d’abord vous exprimer ma grande joie de me retrouver parmi vous, ici à Yaoundé, au Siège de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale.
Je tiens personnellement à vous remercier, Monsieur le Gouverneur SANA BANGUI, ainsi que vos collaborateurs, pour l’accueil fraternel et chaleureux, et toute l’attention dont ma délégation et moi-même sommes l’objet depuis notre arrivée à Yaoundé, au Siège de la BEAC.
Monsieur le Gouverneur SANA BANGUI,
Je voudrais vous réitérer mes chaleureuses félicitations pour la confiance que les Chefs d’Etat de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) vous ont accordé en vous confiant la plus haute charge à la tête de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale en février 2024. Je formule à votre endroit mes vœux de succès dans l’exercice de vos nouvelles fonctions et me réjouis de poursuivre avec vous l’excellente et fructueuse coopération entre nos deux institutions.
Monsieur le Gouverneur de la BEAC, Mesdames et Messieurs,
Notre rencontre de ce jour vient donner corps à une ambition commune de redynamisation des relations de coopération entre la BCEAO et la BEAC, en vue de les renforcer. Cette vision a été réaffirmée en avril 2024 lors de notre rencontre en marge des réunions de printemps des Institutions de Bretton Woods, au cours de laquelle nous avons échangé sur les enjeux et défis communs pour nos deux institutions et sur l’importance d’une meilleure coordination de nos actions pour soutenir le développement des économies de nos deux zones. Spontanément le Gouverneur SANA BANGUI s’est proposé d’accueillir la première rencontre, qui marquerait le point de départ du renouveau de cette coopération.
La rencontre d’aujourd’hui constitue donc un jour de retrouvailles depuis la dernière du genre qui remonte à l’année 2014. Elle s’inscrit en droite ligne dans la vision des premiers Gouverneurs de nos Institutions, à savoir feu les Gouverneurs Casimir OYÉ MBA et Abdoulaye FADIGA, tradition qui s’est perpétuée jusqu'aujourd’hui. Nos deux Institutions partagent en effet beaucoup de similitudes, construites à travers une histoire partagée.
La rencontre nous offre donc l’opportunité d'échanger directement sur nos priorités, dans le but de relever les défis multiformes qui se dressent devant nous dans un monde en constante mutation.
Depuis la signature en novembre 2008 à Dakar, de l’accord de coopération entre nos deux banques centrales, nous avons bâti une relation solide, fondée sur le partage d’expériences, l’assistance réciproque et l'harmonisation de nos positions sur des enjeux internationaux.
Ces échanges nous ont mutuellement enrichis. Par ailleurs, des événements emblématiques, tels que la célébration du 50ème anniversaire de la BEAC et du 60ème anniversaire de la BCEAO en 2022, nous ont offert des occasions de mettre en valeur la solidité de notre relation et de consolider nos liens.
Il me plait également d'évoquer ici l’étroite collaboration entre nos deux banques centrales dans le cadre de la réforme du Comité de Liaison Anti-Blanchiment (CLAB). En effet, la concertation entre nos institutions a notamment permis de faire valoir nos positions communes au sein des différents groupes de travail mis en place dans le cadre de cette réforme. Ces travaux ont abouti à l’adoption d’une Charte régissant les activités du nouveau Cadre de Concertation sur la Lutte Anti-Blanchiment, dont la BCEAO assure la présidence pour les années 2025 et 2026.
Cependant, les défis actuels et futurs qui deviennent de plus en plus complexes avec la récurrence des chocs macroéconomiques notamment énergétiques et climatiques, dans un contexte international difficile, l’essor des nouvelles technologies ainsi que le risque de fragmentation économique mondiale, nous incitent à aller encore plus loi en renforçant la synergie de nos actions.
En outre, la similitude de nos modèles institutionnels nous soumet à des défis quasi similaires.
En effet, en notre qualité de banques centrales d’unions monétaires, regroupant des pays en développement, nous devons constamment œuvrer à une bonne coordination entre la politique monétaire et les politiques budgétaires conduites par nos Etats membres. Nous devons agir pour mettre en œuvre des politiques monétaires appropriées qui préservent nos équilibres interne et externe, au regard de nos régimes de change qui, faut-il le rappeler, ont des similarités.
A ce titre, au niveau de l’UEMOA, je voudrais indiquer, qu’en dépit d’un environnement international peu favorable et des contraintes socio-politiques et sécuritaires régionales, les Etats de l’UEMOA ont fait preuve d’une résilience remarquable. Le taux de croissance du PIB s’est maintenu au-dessus de 5% dès 2021 après 1,5% en 2020 du fait de la pandémie. La croissance économique est attendue à 6,3% en 2025 après une estimation de 6,2% pour 2024. Ce regain de dynamisme sera tiré, entre autres, par l’exploitation du pétrole, du gaz, de l’or dans certains pays et le dynamisme des services et du secteur agricole.
Sur le plan de l’inflation, les économies de l’UEMOA, à l’instar de toutes les économies du monde, ont eu à faire face ces dernières années à des tensions inflationnistes qui ont culminé en août 2022 avec un pic d’inflation à 8,8%. Les facteurs à l’origine de cette poussée inflationniste sont notamment la perturbation des circuits d’approvisionnement entraînant la hausse des coûts des produits énergétiques et alimentaires liée aux tensions internationales, la faiblesse de la production agricole locale en lien avec les effets du changement climatique, ainsi que la perturbation des circuits de commercialisation du fait de l’insécurité dans certains Etats membres.
Les actions coordonnées entre la politique monétaire et la politique budgétaire ont permis de juguler progressivement l’inflation qui a baissé pour atteindre 3,5% en 2024. Au niveau de la politique monétaire, nous avons mis fin aux mesures exceptionnelles prises durant la Covid et relevé progressivement nos taux directeurs à six reprises pour un cumul de 150 points de base entre juin 2022 et décembre 2023. En 2025, l’inflation devra se situer à l’intérieur de la cible poursuivie par la Banque Centrale (1% -3%).
Le marché financier régional s’est ressenti des tensions de liquidité en 2023 résultant du resserrement des conditions de financement à l’international, ayant limité la capacité des Etats membres de l’Union à mobiliser des ressources ainsi que de l’atteinte des quotas d’exposition au risque souverain par les banques. Pour préserver l’efficacité de ses instruments et la stabilité financière, la BCEAO est intervenue sur le marché secondaire pour racheter des titres publics de court terme, pour l’équivalent de 3 milliards de dollars, en vue d’atténuer les tensions et ramener les taux courts dans les limites compatibles avec ses objectifs. Cette intervention a contribué à soulager la trésorerie des banques, leur permettant de participer aux opérations d’adjudication d’émission de titres publics avec des rendements plus cohérents avec l’orientation de la politique monétaire.
Monsieur le Gouverneur SANA BANGUI, Mesdames et Messieurs,
C’est dans ce contexte que nous avons donné, après notre rencontre d’avril 2024, des orientations à nos équipes respectives pour identifier des axes stratégiques à explorer ensemble. Le choix de ces axes repose sur des enjeux communs, tout en tenant compte des évolutions globales. J’en citerai particulièrement quelques-uns.
D’abord, la transformation digitale : cet enjeu est une nécessité incontournable. En partageant nos expériences, nous pourrons accélérer l'éducation financière de nos populations, promouvoir l'inclusion financière et réfléchir ensemble sur la problématique du renforcement de la digitalisation. Nos réflexions devront, bien évidemment, aborder la question du déploiement de l'Intelligence Artificielle (IA) au sein des activités de nos Banques Centrales. Le sujet relatif à l’IA sera mis en lumière lors d’une conférence dédiée, prévue le 21 mai prochain à Dakar, au Sénégal, à laquelle vous êtes cordialement invité
Monsieur le Gouverneur.
Le deuxième enjeu est relatif à la prise en compte des risques émergents, notamment ceux relatifs à la cybersécurité. En effet, la sécurité des systèmes d'information constitue un enjeu significatif pour la BEAC et la BCEAO, au regard de l’omniprésence des technologies de l’information, de l’évolution des menaces et de la sophistication des cyberattaques. Dans ce contexte, la coopération pourrait accorder une attention particulière aux stratégies visant à prévenir les cyberattaques mais également à favoriser un environnement numérique sûr et résilient.
Enfin, le troisième enjeu concerne la surveillance et l’interconnexion des systèmes et moyens de paiement des deux zones monétaires. Il s’agit d’un important chantier que nos deux institutions ont entrepris pour faciliter nos échanges commerciaux et renforcer notre intégration économique et financière.
La mise en oeuvre du programme d’actions au titre de la coopération entre nos deux Institutions, coïncide avec celle du Plan Stratégique 2025-2027 de la BCEAO, qui repose sur trois axes majeurs à savoir : la stabilité monétaire pour garantir la stabilité des prix et renforcer la crédibilité de notre politique monétaire ; la stabilité et l’inclusion financières ainsi que le financement des économies, afin de promouvoir un secteur financier inclusif et résilient et faciliter l'accès au financement pour tous ; et le dernier axe : la résilience et l’innovation, en réponse aux défis actuels, notamment les risques climatiques, tout en favorisant l'innovation technologique.
Ces initiatives de la BCEAO sont en parfaite adéquation avec les lignes directrices qui ont été définies dans le cadre de la redynamisation de notre coopération. Elles s'inscrivent dans notre vision globale, à savoir “Être une banque centrale innovante et résiliente au service des populations et du développement durable des économies de l’Union”.
Monsieur le Gouverneur SANA BANGUI, Mesdames et Messieurs,
La réalisation de ces ambitieux chantiers implique un engagement résolu de nos deux institutions. Il est crucial que nous mettions en place un cadre de suivi régulier pour évaluer les progrès accomplis et ajuster nos actions en conséquence. Les points focaux seront, à cet effet, chargés de coordonner la mise en œuvre des initiatives prioritaires et de rendre compte de leur avancement lors de nos rencontres annuelles.
24. Permettez-moi, Monsieur le Gouverneur SANA BANGUI, de souligner que la coopération entre la BCEAO et la BEAC ne devrait pas se limiter à un simple partenariat institutionnel. Elle doit être le reflet de notre volonté commune de contribuer à la construction d’une Afrique plus intégrée, prospère et résiliente. Par ailleurs, je souhaite réitérer l’importance de notre collaboration dans le cadre de notre positionnement au sein des institutions financières internationales, notamment le FMI, et dans le cadre de notre organisation à savoir l’Association des Banques Centrales Africaines, pour défendre les intérêts de nos deux unions monétaires au regard de leurs spécificités.
Ensemble, nous pouvons relever les défis à la croissance économique et saisir les opportunités qui s’offrent à nous pour contribuer au bien-être de nos populations. Je reste convaincu que cette rencontre marquera une nouvelle ère de coopération renforcée entre nos deux institutions.
Avant de clore mon propos, permettez-moi de vous adresser mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année 2025, des vœux de bonne santé, de réussite et de moments précieux partagés avec vos proches et vos collaborateurs. Je formule également le vœu de progrès et de succès pour la BEAC et que les relations institutionnelles entre nos deux Banques Centrales aillent en se consolidant et en se renforçant.
Vive nos deux banques centrales, vive la coopération entre la BEAC et la BCEAO.