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[Entretien] Babacar Ndiaye : “Les choses sérieuses commencent pour PASTEF”
Publié le mardi 19 novembre 2024  |  seneweb
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© aDakar.com par DG
Installation du président de la FSBB pour un nouveau mandat et remise du drapeau aux Lions U19
Dakar, le 19 juin 2019 - Le président de la Fédération sénégalaise de basketball (FSBB) a été installé, ce mercredi, pour un nouveau mandat par le ministre des Sports. Le drapeau national a été également remis au cours de la même cérémonie aux Lions U19 en partance pour la Coupe du monde de la catégorie. Me Babacar Ndiaye, président de la FSBB (Photo)
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Babacar Ndiaye est analyste politique et gouvernance, directeur de la recherche du think tank WATHI. Dans cet entretien accordé à Seneweb, il analyse les premières tendances des élections législatives.

Nous ne disposons pour le moment que de tendances lourdes mais tout porte à croire que PASTEF se dirige vers une large victoire et une majorité absolue. Vous attendiez-vous à un tel écart ?

Vous faites bien de rappeler que nous ne disposons pas encore des résultats officiels mais les principaux candidats de l’opposition ont reconnu la victoire de PASTEF. Il faut saluer cette posture républicaine. Durant la campagne électorale, nous avons malheureusement connu des séquences marquées par la violence et des propos inopportuns. Il est heureux de constater que les populations font encore preuve de maturité et ont voté dans le calme et la sérénité.

Si les tendances se confirment, PASTEF devrait disposer d’une majorité confortable. C’est une tradition au Sénégal. Lorsqu’un nouveau président est élu, les populations lui donnent la majorité pour dérouler son programme. Cela n’est donc pas une surprise de voir les tendances actuelles et une future large victoire de PASTEF. Ce scénario était même attendu si l’on regardait les résultats de la présidentielle et les écarts de voix. Les premiers résultats indiquent une mainmise de PASTEF sur les régions de Dakar, Thiès et Diourbel qui sont les bastions les plus importants en termes de voix. Les résultats annoncés à Mbacké sont édifiants et s’inscrivent dans la dynamique de la présidentielle du 24 mars 2024.

“Beaucoup dans l’opposition ont opté pour des « tirs groupés » sur Ousmane Sonko et la dernière semaine a finalement été marquée par les faits de violence et des déclarations malencontreuses de part et d’autre”

Qu’est ce qui explique d’après vous cette large victoire de PASTEF : la force et l’aura de Ousmane Sonko ou le désaveu d’une opposition composée de figures politiques qui incarnent un peu la vieille garde ?

Il y a sans doute un peu de tout cela. Mais, il y avant tout cette volonté d’accorder au nouveau président de la République une majorité pour dérouler son programme et initier les réformes et changements promis durant la campagne. Le président de la République Faye et le Premier ministre ont lancé le nouveau référentiel des politiques publiques « Sénégal 2050 : Agenda National de Transformation ». Ousmane Sonko a fait campagne sur la base de ce document dans les différentes zones du Sénégal en exposant ce que prévoyait le gouvernement dans chaque pôle dans de nombreux domaines.

L’agenda est décliné en phases d’exécution et sans doute cela a retenu l’attention des électeurs. Il me semble que l’opposition devait créer les contours d’un vrai débat de fond sur ce nouveau programme qui remplace le Plan Sénégal émergent. Nous n’avons pas vraiment eu l’occasion d’avoir des débats de fond et de voir les griefs de l’opposition par rapport à ce nouveau programme. Que pense-t-elle des orientations économiques et de la vision ? Que pense-t-elle des 4 moteurs de croissance qui doivent être le pilier de cette économie dite « compétitive » annoncée par PASTEF ?

“Une certaine classe politique qui était présente depuis 30 ans est en train de s’effacer au profit d’une nouvelle”

Beaucoup ont opté pour des « tirs groupés » sur Ousmane Sonko et la dernière semaine a finalement été marquée par les faits de violence et des déclarations malencontreuses de part et d’autre. Si les tendances se confirment dans les prochaines heures d’une victoire large de PASTEF, il y a aussi ce signal qui est lancé d’avoir un débat sur les préoccupations des Sénégalais à savoir l’économie, le pouvoir d’achat, l’éducation, la santé ou encore la question cruciale de l’emploi des jeunes. Il est certain qu’il est difficile de mener des débats de fond avec 41 têtes de liste. L’absence de système de parrainages explique cette pléthore de candidatures. Dans ce scrutin, nous avons parlé de « bloc générationnel », il me semble que cette nouvelle génération doit s’emparer de ces questions, être dans la proposition et apporter la contradiction au gouvernement sur ces sujets essentiels. Évidemment, nous allons avoir une nouvelle configuration politique amorcée déjà par les résultats de l’élection présidentielle. Une certaine classe politique qui était présente depuis 30 ans est en train de s’effacer au profit d’une nouvelle. Il sera intéressant de connaître le score final de la coalition de l’ancien président Macky Sall et celle de l’ancien Premier ministre Amadou Ba.

“Le choix de l’ancien président Macky Sall d’être tête de liste est très étonnant”

Le Président Macky Sall justement , même s’il n’est pas venu battre campagne, s’est investi dans ce scrutin en étant tête de liste de la coalition Takku Wallu Sénégal. Après ce revers, son avenir politique est-il compromis ?

Le choix de l’ancien président Macky Sall d’être tête de liste est très étonnant. Il avait annoncé qu’il allait se consacrer à une carrière à l’international et à des questions liées au changement climatique. Il est revenu au bout de six mois pour conduire sa coalition. Cela pose une question plus générale sur le fonctionnement de nos partis politiques, le fondateur est toujours « condamné » à jouer les premiers rôles quoi qu’il arrive. Ce parti a dirigé le Sénégal pendant 12 ans et après la défaite du 24 mars 2024, nous avons le président Sall qui revient pour diriger la coalition.

Cela pose la question du renouvellement des instances, des dirigeants et plus globalement de la démocratie en interne. Après la défaite, d’anciens ministres et directeurs d’agences ont quitté le navire. Certains ont rejoint Amadou Bâ dans son mouvement politique. Plus loquaces, certaines anciennes figures de l’APR et de l’ancienne coalition présidentielle ont décidé de soutenir PASTEF, ce que certains ont qualifié de « transhumance ». Au demeurant, PASTEF a toujours fustigé cette posture et il y a eu des interrogations légitimes concernant ces soutiens tous azimuts surtout venant d’anciennes figures de l’APR.

Pour en revenir à Macky Sall qui a dirigé la campagne Takku Wallu de sa résidence du Maroc, il faudra voir le nombre de sièges qu’il a obtenu dans ce scrutin. Il semble conserver certains bastions dans le nord du pays mais il semble aussi qu’il a connu de sérieux revers dans son fief de Fatick d’après les premiers résultats. Tout cela aura des conséquences sur son avenir politique. Si le nombre de sièges obtenu est très faible, il faudra voir comment le parti va se relever de ce revers. Certains imaginent Macky Sall candidat à l’élection présidentielle de 2029, il aura 67 ans. Le premier élément d’attention sera le résultat de sa coalition dans ce scrutin législatif.

“Le président Faye et le Premier ministre Sonko avec tout l’espoir suscité n'ont qu’une alternative : prendre en charge les préoccupations des Sénégalais et procéder aux changements idoines”

PASTEF a désormais les coudées franches après cette victoire éclatante qui vient après la large victoire de Diomaye Faye en mars. Pour autant durant les premiers mois de pouvoir, on a senti quelques couacs illustrés notamment par l’affaire Samba Ndiaye. Peut-on dire que pour ce parti que le vrai défi se situe sur le plan de la cohésion interne et de l'entente entre la Premier ministre et le Président ?

Vous savez ce qui intéresse les Sénégalais et c’est sans doute une des leçons de ce scrutin, ce sont les ruptures et les changements annoncés dans la gouvernance, dans l’économie, dans la justice ou encore dans le pouvoir d’achat. Si les résultats d’une large victoire se confirment pour PASTEF, ils auront désormais les coudées franches pour mettre en œuvre le « fameux projet ». J’allais dire que les choses sérieuses commencent avec cette future majorité à l’Assemblée. Les Sénégalais ont donné à l’exécutif une majorité pour dérouler le programme. D’une certaine manière, le président Faye et le Premier ministre Sonko avec tout l’espoir suscité n'ont qu’une alternative prendre en charge les préoccupations des Sénégalais et procéder aux changements idoines. Ils ont souvent indiqué que le projet de transformation du pays qu’ils portent dépasse leur personne. Avec cette large majorité qui se dessine à l’Assemblée, place au travail, aux actes et aux changements annoncés.

Après ce succès qui porte indéniablement la marque de Ousmane Sonko, quel rôle lui voyez-vous jouer : la Primature ou l’Assemblée ?

Les deux institutions n’ont pas la même fonction. Depuis plusieurs mois, Ousmane Sonko est Premier ministre, il coordonne l’action gouvernementale. Il a lancé le nouveau référentiel des politiques publiques, en restant à la primature, il va être le maître d’œuvre de ce programme et des différentes déclinaisons. Il pourra impulser la dynamique des réformes et s’assurer que les résultats sont au rendez-vous dans un contexte de forte attente. S’il devait être le président de l’Assemblée nationale, il aurait pour principale fonction le suivi de l’action du gouvernement. Tous les scénarios sont possibles mais sa posture de ces derniers mois peut faire penser qu’il va rester à la primature et continuer à diriger le gouvernement et l’administration pour s’assurer de la bonne exécution du programme présidentiel. Vous savez cinq ans qui est la durée mandat présidentiel, cela passe vite et il faut des résultats concrets dans les prochaines années dans un pays où tout semble être urgent.

Entretien réalisé par Adama NDIAYE
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