La capitale sénégalaise devient de plus en plus attrayante avec l’installation de floriculteurs dans les coins et recoins de la ville. Cette activité qui se développe avec des moyens personnels et sans marché, reste très prometteur, malgré quelques difficultés.
La floriculture ou culture des fleurs, a commencé à Dakar vers les années 60 avec des expatriés français. Ibra Ndiaye, professeur d’aménagement à l’école nationale de l’horticulture de Dakar, raconte que les Français ont entretenu les premiers jardins de la capitale. Ainsi, Jardiparc était spécialisée dans les aménagements tandis que la Roseraie produisait des fleurs coupées servant à décorer les tables lors des cérémonies, rappelle ce professeur d’aménagement à l’Ecole nationale de l’horticulture de Dakar. Aujourd’hui, ce sont les Sénégalais qui ont pris le relais. Tous les petits espaces vides de la ville sont occupés par les fleuristes. « L’activité est souvent financée par les gens qui y travaillent. Il y a parfois des institutions de micro finances qui nous font des prêts», informe le professeur.
M. Ndiaye, la cinquantaine, est très connu dans le milieu horticole. Il est le fournisseur de beaucoup de fleuristes de la capitale. Le professeur d’aménagement, Ibra reste un passionné des fleurs. Il entretient un jardin de 1.125m² sur la route de Cambérène à près de 500 mètres du rond point de Cambérène. Dans cet espace, la végétation est dense. On trouve presque toutes les variétés de fleurs, ainsi que des palmiers et autres arbustes. L’humidité de la terre et la fraicheur du vent mettent le visiteur à l’abri de la pollution. Une cantine de vente de produits agricoles est dressée à l’entrée du jardin. Le prix des fleurs varie de 50 à 200 FCfa pour les saisonnières. Les arbustes coûtent entre 500 et 2500 FCfa. Pour ce qui est des palmiers ils coûtent entre 50.000 et 300.000f Cfa. «Les plantes qui viennent d’arriver dans le pays sont plus chères et le palmier reste plus vendu au Sénégal. Notre chiffre d’affaire augmente pendant l’hivernage et les périodes de fêtes», révèle un autre jardinier, résidant à Yarakh Capa.
Des revenus en dents de scie
Selon M. Ndiaye, même si «les gens s’intéressent de plus en plus à la filière, il reste difficile d’évaluer le revenu d’un vendeur de fleurs». Les ventes ne sont pas régulières. «On peut rester des jours sans voir un client. Et parfois, il nous arrive de gagner plus de 500.000 F Cfa en un jour», confie ce vendeur de fleurs qui entretient son jardin aux abords du Technopôle. Thiaw, comme l’appelle ses voisins, dit que les prix des plantes varient selon leur taille et leur résistance. «Je peux vendre un cocotier d’un à deux mètres à 50.000 FCfa. Ceux qui sont dans les pots sécurisés coûtent plus chers», ajoute ce chauffeur de profession qui, depuis plus de 15 ans, s’active dans ce business. «Les cocotiers sont plus chers et font notre affaire. C’est la raison pour laquelle nous nous battons pour les préserver. Les acheteurs les aiment beaucoup», se réjouit Oumar Sène, un jeune fleuriste installé aux abords de l’autoroute à hauteur du rond point de la cité des Eaux. Ils sont nombreux à pratiquer la floriculture aux abords de l’autoroute. Jeunes comme vieux, ces hommes, en majorité venus du monde rural, travaillent très souvent en équipe. Oumar Sène est avec trois jeunes amis, tous originaires de Fatick. Ils font cette activité depuis 2012. Coupe-coupe à la main, il s’occupe du désherbage, tandis que les trois autres arrosent les fleurs.
A quelques pas de là, Daouda Youm et son neveu Ousseynou sont au labeur. Tous les jours, ils commencent le travail à 8 h et ne rentrent que le soir à 19 h. Selon Daouda, c’est la mairie de la localité qui leur a octroyé les terres. Chaque jardinier a, au moins, une surface de 20 mètres carrés. Daouda n’a pas manqué de féliciter la mairie pour cette «belle initiative ». « Elle nous autorise à travailler tout au long de l’autoroute pour éviter que les gens y déposent des ordures. Même si nous payons 5.000 FCfa chaque fin du mois, j’avoue que c’est pour la bonne cause», dit-il, l’arrosoir à la main. Les floriculteurs doivent leur succès à la prolifération des hôtels, de villas et de résidences dans les nouveaux quartiers, mais aussi au plan d’aménagement de la capitale conçu par l’Etat.
Les floriculteurs de chaque zone ont un problème spécifique. A Yarakh, Dali Ndione fait part de la cherté des frais. «Nous achetons le chargement de feuilles de filao qui sert de fertilisant chez les charretiers à 10.000 FCfa et le fumier à 4 000 FCfa. Nous recrutons aussi des jeunes. Mais parfois, les affaires ne bougent pas», se désole ce jardinier. L’eau reste une équation pour les fleuristes autour du Technopole et ceux de l’autoroute déplorent le manque de matériel moderne pour développer leur activité qui, d’après eux, peut participer à l’essor économique du pays. «L’eau reste notre souci majeur, on s’approvisionne à partir de nos puits et du cours d’eau du Technopôle. Mais, cette eau devient de plus en plus salée et ne sert plus qu’à arroser le gazon et les cocotiers», confie Thiaw. Pour Ibra Ndiaye, l’eau des inondations que l’Etat rejette en mer pourrait servir à arroser les fleurs. «C’est dommage qu’on n’ait pas accès à cette eau», regrette-t-il. Hormis ces soucis, les floriculteurs soulignent qu’au Sénégal, il n’y a ni marché, ni espace dédiés à leur activité. C’est ce qui explique leur installation aux bords des routes. Ce qui fait qu’ils sont visibles et accessibles.