Une grande librairie au Sénégal a annoncé mercredi annuler la cérémonie de dédicace d'un livre sur la Casamance, région du sud du pays en proie à une vieille rébellion indépendantiste, dont la publication prochaine a donné lieu à de vives protestations.
Publié aux éditions françaises Karthala, l'ouvrage devait être présenté samedi à Dakar par son auteure, l'historienne française Séverine Awenengo Dalberto, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il est intitulé "L'idée de la Casamance autonome
- Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal".
La librairie "Aux quatre vents" a annoncé l'annulation de la dédicace sur Facebook, sans explication. L'auteure et les autorités n'ont pas réagi aux sollicitations de l'AFP.
"L'enquête montre que l'autonomie de la Casamance a été l'un des possibles non advenus de la colonisation et de la décolonisation, envisagée par des acteurs français comme casamançais", dit la note d'annonce de la présentation de l'ouvrage.
L'Alliance pour la République, parti au pouvoir jusqu'à la présidentielle de mars, a protesté dans un communiqué contre la publication d'un ouvrage qui "remet en question les acquis" sur la paix en Casamance et est "dangereux" pour l'unité nationale.
"L’ouvrage traite de l’idée de Casamance dans le temps long, ce n’est pas un manuel de séparatisme armé. Les sciences sociales doivent être discutées, au besoin contredites, mais pas censurées", a réagi sur X Elara Bertho, autre chercheuse au CNRS.
Le livre a suscité de vifs débats sur les réseaux sociaux au Sénégal, où l'évocation du conflit en Casamance reste sensible. L'Etat sénégalais rejette l'autonomie.
Un précédent ouvrage d'un autre chercheur français, Jean-Claude Marut ("Le conflit de Casamance - Ce que disent les armes", Karthala), avait été interdit en 2010.
La Casamance, séparée du nord du Sénégal par la Gambie, est le théâtre d'un des plus vieux conflits du continent depuis que des indépendantistes ont pris le maquis en décembre 1982.
Après avoir fait des milliers de victimes et ravagé l'économie, le conflit a fortement baissé d'intensité mais persiste à petit feu.