Le Sénégal a franchi une étape majeure dans sa lutte contre la criminalité économique et financière avec l’installation officielle des magistrats du Pool judiciaire financier (PJF) par le ministère de la Justice. Cet événement marque la mise en place effective d’une juridiction spécialisée, destinée à lutter contre « les infractions à caractère économique et financier. » Le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, qui a présidé la cérémonie ce mardi à la Salle 4 du Palais de Justice Lat Dior de Dakar, a rappelé « l'importance de cette nouvelle structure dans un contexte de mondialisation des flux financiers et de développement des technologies de l’information et de la communication. » Il a également souligné que le « Pool judiciaire financier est une réponse aux attentes citoyennes en matière de reddition des comptes et de lutte contre la corruption». "Le PJF bénéficie d'une compétence élargie par rapport à la CREI" « La mise en place du Pool judiciaire financier est une réponse aux nombreux défis posés par l'exigence citoyenne de redevabilité, la mondialisation de l'économie, les flux rapides de capitaux, ainsi que les multiples réseaux criminels qui ne connaissent pas de frontières », a déclaré le ministre de la Justice. Selon le ministre, « ce nouveau dispositif judiciaire bénéficie d'une compétence élargie par rapport à la CREI, prenant en compte des infractions telles que la corruption, le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme, le trafic de migrants, et les infractions liées aux marchés publics ou aux technologies de l'information et de la communication. » Le garde des Sceaux n’a pas manqué de souligner que « le PJF partage certaines de ses compétences avec les juridictions de droit commun, mais exerce une compétence exclusive sur d'autres infractions. » En effet, cette structure entend répondre de manière plus efficace aux crimes financiers qui affecte les fondements de l'économie sénégalaise et menacent la sécurité nationale. Renforcement de la gouvernance financière Aly Fall, bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal, a salué l’installation du PJF, soulignant l’importance d’avoir des magistrats exclusivement dédiés à la répression des crimes économiques et financiers. Il a insisté sur le rôle crucial du Barreau dans ce nouveau dispositif, tant dans la défense des mises en cause que dans la préservation du droit à un procès équitable. « Le fait qu'il y ait une juridiction spécialisée, logée au niveau de la Cour d'appel et du Tribunal de grande instance de Dakar, est une excellente chose », a-t-il affirmé, exprimant son optimisme quant à l’impact du Pool judiciaire financier sur la gouvernance économique du pays. L'installation du PJF s’inscrit dans une démarche globale de renforcement des structures de lutte contre la mal-gouvernance. « Le Sénégal, depuis plusieurs années, a montré une volonté de combattre la corruption, avec la mise en place d'institutions telles que l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), la Cour des comptes et la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). Le PJF vient compléter cet arsenal en offrant une réponse judiciaire adaptée aux défis contemporains », a indiqué Aly Fall. Ce dernier a souligné que « si la CREI avait suscité de nombreuses critiques, notamment en raison de son manque de transparence et de l’impossibilité pour les condamnés de faire appel, le PJF, quant à lui, fonctionne selon les règles ordinaires du droit commun. Les parties impliquées bénéficieront donc des garanties offertes par le système judiciaire classique, ce qui devrait renforcer la crédibilité des décisions rendues. » Le Pool judiciaire financier est désormais opérationnel. Il a été créé en vertu de la loi n°2023-14 du 2 août 2023, modifiant le Code de procédure pénale. Cette nouvelle juridiction remplace la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI).