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Assemblée nationale: Rapport de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du travail et des droits humains sur le projet de loi N°03/2024 relatif à la Commission nationale des droits de l’Homme
Publié le mardi 10 septembre 2024  |  aDakar.com
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.
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Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Chers Collègues,

La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le samedi 07 septembre 2024, sous la présidence de Monsieur Moussa DIAKHATE, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de loi n°03/2024 relatif à la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH).

Le Gouvernement était représenté par Monsieur Ousmane DIAGNE, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, assisté de ses principaux collaborateurs.
Ouvrant la séance, Monsieur le Président a, d’abord, au nom de la Commission, souhaité la bienvenue à Monsieur le Ministre et à ses collaborateurs. Il lui a, ensuite, adressé ses félicitations et encouragements, avant de l’inviter à présenter l’exposé des motifs justifiant l’élaboration dudit projet de loi.

À l’entame de son propos, Monsieur le Ministre a adressé ses chaleureuses salutations à Monsieur le Président et à tous les membres de la Commission. Il s’est, ensuite, réjoui de se retrouver devant les Représentants du peuple, pour aborder la réforme proposée par le Gouvernement.

Relativement à l’exposé des motifs, Monsieur le Ministre a indiqué que, dès 1946, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) a invité les Etats à créer des groupes d’information ou comités locaux afin de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux de la personne humaine.

Cette dynamique, dira-t-il, a abouti à l’atelier international tenu du 07 au 09 octobre 1991 à Paris à l’intention des institutions des droits de l’homme et qui a formulé des recommandations approuvées par la Résolution 1992/54 de la Commission des Droits de l’Homme du 03 mars 1992 sous le titre de « Principes de Paris ».

Monsieur le Ministre a, à cet égard, informé que les « Principes de Paris » concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales des droits de l’homme ont été adoptés en annexe de la Résolution 48/134 du 20 décembre 1993 de l’Assemblée générale de l’ONU.

En application de ses engagements internationaux, précisera-t-il, la République du Sénégal a créé, par décret du 22 avril 1970, une institution des droits de l’homme dénommée « Comité sénégalais des Droits de l’Homme » (CSDH), institution dont le statut est consolidé par l’adoption de la loi n°97-04 du 10 mars 1997 relative au Comité sénégalais des Droits de l’Homme afin de tenir compte de l’évolution des normes internationales et des recommandations des Conférences des Nations-Unies.

C’est justement cette réforme qui a permis, en 2000, l’accréditation du CSDH au statut A, a-t-il fait savoir.

Monsieur le Ministre a, en outre, rappelé qu’en novembre 2012, le CSDH a été rétrogradé au statut B. En effet, le Sous-Comité d’Accréditation a formulé des recommandations portant sur l’allocation de financement adéquat par l’Etat, le processus de sélection et de nomination, la nécessité de nommer des membres à temps plein, ainsi que le pouvoir du CSDH à recruter son personnel librement.

C’est pour corriger, soutiendra-t-il, tous ces manquements et dysfonctionnements que le présent projet de loi a été élaboré.

Monsieur le Ministre a ainsi annoncé que ce texte abroge et remplace la loi n°97-04 du 10 mars 1997 relative au Comité sénégalais des Droits de l’Homme.

Il a clos sa lecture de l’exposé des motifs en indiquant que la réforme proposée introduit les innovations majeures suivantes :
- le changement de dénomination de Comité à Commission nationale pour harmoniser avec la dénomination généralement octroyée aux institutions similaires sur le plan international, mais aussi lever tout équivoque quant au statut de l’institution car étant souvent perçue comme une organisation de la société civile avec l’appellation Comité ;
- le changement de dénomination de membre à commissaire ;
- la réduction du nombre des membres de l’institution ;
- la mise en place d’un processus transparent et pluraliste pour la désignation des membres ;
- la nomination de membres à temps plein ;
- le renforcement des garanties d’indépendance des commissaires ;
- le renforcement des attributions de l’institution en matière de protection ;
- le renforcement de l’autonomie financière, budgétaire et des moyens de l’institution.

Intervenant à leur tour, vos Commissaires ont adressé leurs félicitations et encouragements à Monsieur le Ministre, avant de faire part de leurs préoccupations et suggestions qui, pour l’essentiel, se résument aux points ci-après :
Ils ont, d’emblée, félicité Madame la Présidente Amsatou SOW SIDIBE pour sa nomination à la tête du Comité sénégalais des Droits de l’Homme. Ils en ont profité pour magnifier son engagement constant dans l’édification et la consolidation de l’Etat de droit au Sénégal, tout en fondant beaucoup d’espoirs sur elle pour promouvoir davantage les droits de l’homme dans notre pays.

Cette nomination a, néanmoins, suscité des réactions, compte tenu du fait que la Présidente nouvellement élue, bien qu’étant compétente et jouissant d’une bonne intégrité morale, appartient à une formation politique, dont elle assure la présidence.

Or, sous le régime précédent, la nomination d’une personnalité politique à la tête de cette structure a été dénoncée pour des raisons de neutralité et d’impartialité. Sur la base de ces considérations, il a été soutenu que le Chef de l’Etat aurait dû nommer une personnalité apolitique pour lui permettre d’avoir les coudées franches dans l’accomplissement de sa mission.

Relativement au projet de loi, vos Commissaires se sont unanimement réjouis de son examen qui était une demande pressante et une exigence pour se conformer aux engagements internationaux souscrits par notre pays en matière de protection et de promotion des droits de l’homme.

Ils ont, dans ce cadre, rappelé que le CSDH a été rétrogradé au statut B, pour non-respect des exigences des « Principes de Paris » ; d’où la pertinence de l’élaboration de ce présent texte en vue de corriger les manquements et dysfonctionnements constatés. Selon eux, cette réforme vient doter notre pays d’une structure moderne chargée des droits de l’homme, arrimée aux standards internationaux, en lui consacrant, notamment, une plus grande indépendance, un renforcement de ses compétences et missions et en l’érigeant en une véritable Autorité administrative indépendante.

Sur ce point, Monsieur le Ministre a été invité à fournir des explications sur le passage du statut A au statut B.

Ils ont également salué la mise en place d’un processus transparent pour la désignation des membres, devenus commissaires et le renforcement de l’autonomie financière de la nouvelle structure.

En tant que pays leader dans le domaine de la protection des droits de l’homme, il était temps que le Gouvernement ait décidé de mettre aux normes sa structure chargée des droits de l’homme, d’autant plus que les pays ayant le statut B n’ont pas droit à la parole lors des travaux des instances internationales concernées.

Pailleurs, pour des soucis de clarté et d’amélioration du projet de loi, des remarques et suggestions ont été portées à l’attention de Monsieur le Ministre.

À cet effet, il a été suggéré de remplacer, au 5ème alinéa de l’article 5, « société civile » par « organisations de la société civile » et de substituer également « membres de la CNDH » par « commissaires », dans tout le corps du texte.

De même, il a été recommandé à Monsieur le Ministre de revoir la cohérence rédactionnelle des alinéas 13 et 14 de l’article 9 du texte qui traite des modalités de désignation des commissaires par leurs pairs selon un processus inclusif et transparent, tenant compte de l’équilibre homme et femme.

En outre, la composition de la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a été jugée relativement restrictive du fait qu’elle ne tient pas compte de la réforme constitutionnelle de 2016 consacrant le droit à un environnement sain. A ce propos, il a été préconisé l’intégration des organisations qui s’occupent spécifiquement de la défense des droits environnementaux dans la composition de la CNDH, d’autant plus que les questions liées à la justice climatique et à la transition énergétique juste et équitable occupent de plus en plus l’agenda international.

Néanmoins, la pertinence de la présence de l’Assemblée nationale dans la composition de la CNDH a été évoquée du moment où elle fait partie des destinataires du rapport de cette structure.

Poursuivant leurs propos, vos Commissaires ont plaidé l’accompagnement de cette nouvelle Commission par l’Etat, en lui permettant de disposer des moyens humains et logistiques suffisants, mais surtout de ressources financières conséquentes pour l’atteinte des objectifs qui lui sont assignés et d’augmenter ainsi ses chances de retrouver son statut A, conformément aux recommandations du Sous-Comité d’Accréditation. Plus largement, il a été plaidé l’augmentation des crédits budgétaires alloués aux programmes du Ministère de la Justice relatifs aux droits de l’homme.

Parallèlement, Monsieur le Ministre a été invité, en rapport avec sa collègue en charge des Affaires étrangères, à apporter les diligences nécessaires pour la ratification des traités internationaux déjà signés par notre pays, notamment, le traité de Marrakech qui promeut les droits de l’homme, particulièrement les droits des minorités.

Ils ont également préconisé l’adoption d’une stratégie de communication innovante pour mieux faire connaitre les missions de la nouvelle Commission auprès de la population, ainsi que de susciter la création d’un cadre d’échanges et de partage entre cette structure et les autorités sénégalaises travaillant dans les instances internationales de promotion des droits humains.

Dans un autre registre, vos Commissaires se sont informés sur les attributions juridictionnelles de la Commission puisqu’ il est prévu à l’article 5 du texte, en ses alinéas 9 et 10, la possibilité pour elle de recevoir des plaintes individuelles ou collectives et de s’autosaisir en cas de violation des droits de l’homme. Ils ont, dans cette dynamique, demandé si la Commission est habilitée à intervenir en dehors du territoire national pour assister les sénégalais de l’Extérieur qui se trouvent dans les liens de la détention.

Dans la même veine, ils ont demandé d’être édifiés sur les rapports entre la Commission et les juridictions compétentes. Il en est de même des rapports qu’elle peut entretenir avec les structures telles que les organisations de protection et de défense des droits de l’homme, l’Observateur national des Lieux de Privation de Liberté et l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix de la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD).

Ils ont, en outre, interpellé Monsieur le Ministre sur les motivations qui justifient la limitation du mandat du Président de la Commission à six (06) ans non renouvelable, la réduction du nombre des membres de l’institution à onze (11) et sur le nombre actuel des membres du Comité sénégalais des Droits de l’Homme.

Parallèlement, l’attention de Monsieur le Ministre a été attirée sur les dossiers transmis aux autorités sénégalaises venant des pays occidentaux, notamment la France, dans le cadre des procédures d’enquête sur les sénégalais demandeurs de papiers ou d’asile et ayant déclaré être victimes d’oppression sur la base de leur appartenance à une minorité. Il a été, à ce propos, plaidé le traitement diligent de ces dossiers pour réduire le temps d’attente de nos compatriotes concernés dans les camps de rétention où ils sont logés.

Vos Commissaires ont, en outre, évoqué la problématique des mandats de dépôt et des retours de parquet, ainsi que les lenteurs notées dans le traitement des procédures des appels interjetés par les justiciables concernés. Sur ce dernier point, il a été demandé si le département envisage de prendre des mesures appropriées pour diligenter les procédures des appels en instance.

Il en est de même des dispositions à prendre pour faire respecter la loi de 2014 interdisant de fumer dans les lieux publics.

Par ailleurs, la situation du Camp pénal de Koutal, confronté à un problème d’assainissement indisposant les populations riveraines qui voient leurs maisons envahies par les eaux usées, a été signalée.

Vos Commissaires ont également sollicité la construction d’une prison à Pikine, dans l’enceinte de Technopôle et l’édification d’un Tribunal à Guinguinéo.

De même, l’augmentation du budget du Ministère de la Justice a été plaidée pour lui permettre de mieux jouer son rôle, notamment, en termes d’amélioration des conditions de détention carcérale et de lutte contre les détentions provisoires.

Enfin, un hommage appuyé a été rendu à tous les magistrats du Sénégal qui font un excellent travail en rendant la Justice au nom du Peuple, avec rigueur et professionnalisme et dans le respect de leurs obligations de réserve.

Reprenant la parole pour faire suite aux interpellations de vos Commissaires, Monsieur le Ministre les a remerciés pour les mots aimables qui ont été exprimés à son endroit et l’hommage appuyé rendu à tous les magistrats de notre pays, avant d’apporter les éléments de réponse ci-après :

A cet égard, Monsieur le Ministre est revenu sur les rapports que la CNDH entretient avec les juridictions en précisant que cette structure est une Autorité administrative indépendante qui n’est investie d’aucun pouvoir juridictionnel. Toutefois, il fera noter que, conformément à ses missions de promotion et de protection des droits fondamentaux de la personne humaine, elle peut saisir les juridictions compétentes lorsque des atteintes aux droits de l’homme sont constatées ou portées à sa connaissance aux fins de demande de poursuites.

Concernant la question relative aux ressources financières de la CNDH, Monsieur le Ministre informera que le régime administratif et financier de ladite structure est abordé au chapitre V du présent projet de loi. Son article 18 indique que les ressources de la CNDH proviennent, d’une part, d’une dotation inscrite au budget général de l’Etat et, d’autre part, des dons, legs et subventions.

S’agissant de la proposition relative à la réécriture de l’article 5, il dira être en phase avec vos Commissaires. Selon lui, il est plus exhaustif et conforme à l’esprit du texte de parler « d’organisations de la société civile » en lieu et place de « société civile ».
De même, il a fait sienne la remarque sur l’opportunité de reprendre la dénomination « commissaire » à la place de « membre » dans le corps du texte, conformément aux dispositions de l’article 9.

Revenant sur la question de la rétrogradation du CSDH au statut B, Monsieur le Ministre fera savoir que le Sous-Comité d’Accréditation lui a retiré le statut « A » du fait de l’insuffisance de ses ressources humaines et financières, l’absence de processus transparent et pluraliste dans la désignation de ses membres, ainsi que son incapacité à recruter son personnel librement et à temps plein. Fort heureusement, tous ces manquements et dysfonctionnements ont été corrigés dans le cadre de ce projet de loi, en vue de lui permettre de retrouver sa cotation d’origine, a-t-il rassuré.

A ce niveau, Monsieur le Ministre en a profité pour rendre un hommage appuyé aux anciens membres dudit comité, dont l’engagement, la motivation et l’abnégation avaient permis de le propulsé au rang de statut A.

En outre, il a informé qu’à l’origine, le comité comptait 29 membres. Néanmoins, dans l’optique d’assurer une meilleure efficacité du fonctionnement de cette institution, le nombre va passer de 29 à 12, avec cette nouvelle réforme.

Sur la question de la nomination d’une personnalité politique à la tête du CSDH, il a indiqué que ni la loi ni les « Principes de Paris » n’interdisent que la présidence du comité soit assurée par un acteur politique. Il rappellera, à cet égard, qu’il existe un principe juridique selon lequel tout ce qui n’est pas interdit est permis. De surcroît, dira-t-il, l’actuelle Présidente du comité, en l’occurrence le Professeur Amsatou SOW SIDIBE, dispose de toutes les compétences requises pour diriger cette institution.

Par ailleurs, abordant la problématique de la longue attente des détenus ayant interjeté appel, Monsieur le Ministre a estimé que cette situation constitue une rupture au bon fonctionnement du service public de la Justice et porte atteinte à l’exercice d’un droit fondamental du justiciable. Toutefois, il a rassuré que, dans le cadre du projet de réforme de la Justice et conformément aux objectifs assignés, ces dysfonctionnements qui sont préjudiciables aux libertés individuelles seront définitivement corrigés.

Relativement à la demande de ratification du traité de Marrakech, il a rappelé que l’enclenchement du processus relève exclusivement des compétences du Ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. Néanmoins, le message sera transmis et que les dispositions nécessaires seront prises, a-t-il ajouté.

Concernant les pouvoirs d’intervention de la nouvelle Commission en dehors du territoire national, Monsieur le Ministre a soutenu que cette structure peut dénoncer toutes formes de violation des droits de l’homme, quel que soit le lieu. Cependant, il a tenu à préciser que, lorsqu’il s’agit des questions ayant trait à la protection de ces droits, elle ne peut faire des actions concrètes pour leur rétablissement qu’à l’endroit et en direction de l’Etat du Sénégal. Elle peut également agir pour la protection des droits des sénégalais à l’étranger en passant effectivement par les institutions habilitées.

S’agissant du Camp pénal de Koutal, il dira prendre bonne note des doléances exprimées.

Concernant le Tribunal de Pikine, il a informé qu’il a été construit et le personnel est déjà affecté. De même, il a annoncé que le Tribunal de Guinguinéo sera installé bientôt.

En guise de conclusion, Monsieur le Ministre a marqué son adhésion à la plupart des suggestions d’amendements qui ont été formulées par vos Commissaires et s’engage à les prendre en compte lors de la plénière.

Satisfaits des réponses apportées par Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont adopté, à l’unanimité, le projet de loi n°03/2024 relatif à la Commission nationale des Droits de l’Homme. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.

PAR M. Abdoulaye DIAGNE
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