Le décor habituel, au niveau de ce carrefour. Taxis derrière clandos, bus et «Ndiaga Ndiaye» qui se croisent. Des voyageurs qui descendent, tandis que d’autres montent. Des «thiak-thiak», le vendeur de lunettes. Le décor habituel, sauf que du papier manque pour faire complet. Sur le mur sur lequel s’adossent chauffeurs de clandos et conducteurs de «thiak-thiak», un homme a pour habitude d’exposer les journaux. Aujourd’hui, seules les lignes et les pinces qui servaient de vitrines sur le mur. L’effet de la journée sans presse de ce mardi 13 août. Absents du décor, journaux et vendeur de journaux.
Par Moussa SECK – L’entrée du couloir de la mort de l’Ucad a aussi son journaliste. Décor habituel : photographe, vendeur de vestes, autres vendeurs d’eau et de jus, celui qui vend des journaux. Ce dernier, aujourd’hui, fait défaut au décor. «Ils ont trop d’argent», ces vendeurs de journaux, pour oser la grève, ironise un élément du décor. Trop d’argent, en excès ou en manque. L’un comme l’autre cas n’émeuvent pas Papa Niang. S’ils doivent, les patrons de presse, «qu’ils paient» ! Une journée sans presse par les journalistes ? «C’est leur affaire.» Le vieux traînait aux alentours de Grand-Dakar. Derrière lui, Point E et le Centre d’état civil principal. En face dudit centre, un autre point de vente de journaux. Exceptionnellement, il y a du papier accroché. Tristement affichées, deux parutions. A l’ombre des arbres, à même le sol couché, le vendeur. Et dessus sa tête, Le Soleil. En l’absence des autres soleils, Walf seconde l’astre de Hann et lui apporte sa bougie. Un, puis deux titres ici. Noire, la journée l’est. «Ndeysaan !» Ndeysaan avait écrit Amadou Dia sur son statut WhatsApp, la veille, pour anticiper. Anticiper la tristesse d’un mardi 13 août 2024 dont l’avènement se pressentait au vu des événements qui l’ont précédé. «Quatrième pouvoir : le mythe s’effondre», avait titré le journaliste de Source A, avant de crier son «ndeysaan». Son papier WhatsApp avait brièvement développé l’idée selon laquelle «une journée sans presse, c’est un aveu d’impuissance» ! Et ça, «c’est malheureux». Journée sans information sur papier alors, dans ce Sénégal dont la résilience démocratique est chantée hors des frontières, démocratie dans laquelle les médias ont joué et continuent de jouer un rôle non négligeable. Le silence d’un certain Le Quotidien fait alors Les Echos dans les pays du Sud : abidjantv.net, afrique-sur7.ci, Actu Cameroun, Arabnews… La directrice de publication d’Enquête range sur son WhatsApp ces médias d’ailleurs qui décrivent la situation sénégalaise. Au Nord, Bbc indique que la grande majorité des médias sénégalais ont suivi le mot d’ordre de la «journée sans presse» décrété par les patrons des médias pour alerter sur les difficultés économiques des entreprises de presse, notamment les mesures fiscales des nouvelles autorités qui leur font craindre pour leur survie. Même chose chez Médiapart qui souligne : «La grande majorité des médias sénégalais ont suivi, mardi, le mot d’ordre de la «journée sans presse» pour alerter sur les mesures fiscales et économiques des nouvelles autorités qui leur font craindre pour leur survie.» Ouest-France, Rfi, aussi informent sur le refus d’informer des journalistes de chez Bassirou Diomaye Diakhar Faye. «Au Sénégal, une «journée sans presse» très suivie pour alerter sur les difficultés des médias», barre à sa une Le Monde qui explique que quelques journaux ont choisi de ne pas respecter le mouvement, «comme le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil et les journaux Walf Quotidien et Yoor-Yoor Bi, un journal dont la ligne éditoriale est favorable au pouvoir. Les chaînes de télévision Rts et Walf Tv ont aussi continué à émettre». Mais voilà, tous ne sont pas convaincus que le mot d’ordre a été bien suivi ou plutôt ont choisi de voir autre chose. «Le but de la journée sans presse, c’est d’accéder à une journée sans impôts. Ce combat est perdu d’avance», ironise à ce propos le Directeur général du port, Waly Diouf Bodian, membre du parti au pouvoir, Pastef, et inspecteur des impôts.