SAO PAULO (Brésil) : L’y voici, l’y voilà ! 64 ans après un premier passage, la Coupe du monde de football revient au Brésil ! Et c’est une incongruité qui est réparée. « Le pays du football », cinq fois champion du monde (1958, 1962, 1970, 1994 et 2002) qui a vu naître Pelé, Romario, Ronaldo, Garrincha et autres virtuoses du ballon rond retrouve, à partir d’aujourd’hui, l’épreuve qui lui a apporté sa plus grosse désillusion mais qui a également fait sa gloire. Si le Brésil n’a plus accueilli le Mondial depuis 1950, c’est certainement parce qu’il se donnait le temps de faire son deuil du « drame national » qui l’a frappé cette année-là. En effet, lors de la finale de l’épreuve, l’Uruguay que toute la planète voyait se faire passer à la moulinette, avait réussi le crime de lèse-majesté de s’imposer (2 – 1) devant 200.000 spectateurs abasourdis au Maracana. Cinq titres du monde de la Seleçao, record absolu, n’ont toujours pas fait oublier le Maracanaço ou drame du Maracana. En fait, seul un succès final des partenaires de Thiago Silva, le 13 juillet au mythique stade de Rio de Janeiro, aidera les Brésiliens à faire définitivement leur deuil de cet immense traumatisme. La preuve ? Pelé himself, le seul joueur à avoir remporté 3 fois la compétition (1958, 1962 et 1970), voit bien ses héritiers accrocher une sixième étoile sur le maillot auriverde, mais de préférence au soir d’une finale face à … l’Uruguay.
L’attente est donc colossale. Un peu comme en 1950. Sauf que cette fois, les joueurs semblent avoir bien compris l’importance de l’enjeu. Et qu’ils sont, en principe, bien outillés techniquement, individuellement, collectivement, mais aussi psychologiquement pour y faire face. Ramires, le milieu de terrain de Chelsea ne disait-il pas, hier seulement, depuis Térésopolis près de Rio, le centre d’entraînement du Brésil : « Nous avons assez d’expérience pour gérer la pression ». Avec des joueurs d’expérience comme Dani Alvès, Silva, Hulk, David Luiz, Oscar, la Seleçao ne peut, en effet, invoquer aucune circonstance atténuante de ce point de vue.
Dans tous les cas, pour cette 20ème Coupe du monde de football qui débute ce soir (20h Gmt) à l’Arena Corinthians de Sao Paulo par un alléchant Brésil – Croatie, tous les spécialistes attendent que le ballon danse. C’est la moindre des choses au pays du football et de la Samba. Il est vrai qu’alentour, l’humeur n’est pas à 100% à la fête avec tous les mouvements sociaux qui, de Rio de Janeiro à Sao Paulo, polluent un peu l’atmosphère. En fait, le Brésil a beau être « le pays du football », les faramineuses sommes injectées pour la construction ou la réfection de stades ont incommodé plus d’un ; alors qu’une bonne partie de la population n’arrive pas à joindre les deux bouts.
Qu’importe, le vin est tiré et il faut le boire. Mme Dilma Rousseff, la présidente de la République est montée au créneau elle-même pour avertir qu’aucune manifestation tendant à porter un coup au Mondial ne sera tolérée. Le Brésil a trop longtemps attendu ce moment pour qu’un mouvement, si légitime soit-il, vienne gâcher la fête annoncée.
Que résonne alors la Samba et que danse le ballon... !
Ceux qui peuvent gâcher la fête…
SAO PAULO : Le football en fête chez lui ! C’est ainsi seulement que l’on peut comprendre ce retour du Mondial au Brésil, 64 ans après ! Alors, forcément on attend de très bons moments sur le terrain et en dehors, même si une forte grogne sociale est venue assombrir les semaines ayant précédé le coup d’envoi de l’épreuve prévue ce soir à Sao Paulo. Mais, pour cette 20ème Coupe du monde, le danger ne vient pas seulement que … de la rue. D’autant que, comme le président du syndicat des travailleurs du métro de Sao Paulo, Altino Prazeres qui a soutenu « aimer le football et (être) un fervent supporter de la Seleçao », aucun de ses collègues qui ont été en grève pendant 5 jours, ne souhaite le pire à l’équipe entraînée par Luis Felipe Scolari. Le danger, il faut surtout l’attendre côté terrain, avec des adversaires tous décidés à rejouer au Brésil le même coup que l’Uruguay en 1950. A commencer par ses voisins sud-américains et l’Uruguay, lui-même. « La Celeste » se ferait, en effet, un immense plaisir de récidiver 64 ans après. Mais, faudra-t-il d’abord qu’elle s’extirpe de son Groupe C de feu qu’elle partage notamment avec l’Angleterre et l’Italie. Pas évident, surtout que son atout majeur, Luis Suarez, n’est pas au mieux de sa forme et pourrait même rater le premier match, samedi face au Costa Rica. Mais son compère de l’attaque, Edinson Cavani, a averti que lui et ses partenaires « ne se sentent plus inférieurs à aucune équipe ». Que dire de l’Argentine, « le meilleur ennemi » du Brésil ? Simplement que rien ne lui ferait plaisir davantage que de faire la nique chez lui-même à ce cousin qui lui fait de l’ombre. D’ailleurs, une pub qui passe à la télé brésilienne montre un montage de Maradona, l’ex-génial capitaine de l’ « Albiceleste », chambrant quelques supporters brésiliens. Et Messi aimerait bien dribbler son coéquipier au Barça, Neymar et clore définitivement la polémique sur le ranking de l’un et l’autre dans la hiérarchie des meilleurs joueurs du monde.
L’Europe a également débarqué au Brésil avec une armada de prétendants sérieux à la couronne mondiale. Un défi d’autant plus costaud qu’aucune formation du Vieux continent ne s’est jamais imposée en coupe du monde sur le sol américain. Lieu ne saurait être plus indiqué que le Brésil pour réussir cette grande première et du coup rendre la monnaie de sa pièce au … Brésil, seule équipe non européenne à être couronnée sur le Vieux continent (en 1958 en Suède). Bien des observateurs voient d’ailleurs l’Allemagne relever le défi et s’offrir un quatrième sacre. A l’image de Franz Beckenbauer, l’un des 2 avec le Brésilien Zagalo à avoir remporté le trophée comme joueur (1974) et comme entraîneur (1990). « L’équipe n’a jamais été aussi bonne. Elle est à son zénith et a de sacrément bonnes chances d’aller au bout de l’aventure », a soutenu la semaine dernière le Kaizer. L’Italie, quelque peu en retrait depuis son dernier sacre il y a 8 ans en Allemagne, se fait assez discrète ; mais n’en est pas moins ambitieuse. Avec ses 4 titres (1934, 1938, 1982 et 2006), elle ambitionne rien moins que d’égaliser sur le Brésil au Brésil même. Avec de bons « anciens » comme Pirlo et des jeunes talentueux tel Balotelli, la Squadra azzura » n’est peut-être jamais aussi forte que lorsqu’on ne l’attend pas trop. Comme cette année. L’Angleterre et La France rêvent également de Graal et d’un second sacre après celui obtenu à domicile, respectivement en 1966 et en 1998. Mais l’Espagne, championne en titre après son sacre lors de la première Coupe du monde en terre africaine en 2010 en Afrique du Sud, a les moyens de conserver son bien. L’essentiel des héros de Johannesburg sont encore là, et même si elle s’était fait laminer il y a un an en finale de la Coupe des confédérations par le Brésil (3 – 0), la « Roja », par ailleurs double championne d’Europe en 2008 et en 2012, reste toujours une belle machine à jouer et à gagner. En plus, elle pourra compter cette fois sur un vrai « 9 », Diégo Costa, né … brésilien qui n’a absolument pas peur de passer pour l’Eternité pour le plus grand traître de l’histoire. Quant à l’Asie et l’Afrique (Cf. par ailleurs), elles semblent encore un peu tendres pour se mêler à la course à la succession de l’Espagne. Encore que le ballon est rond pour tout le monde. Et qu’au pays du football et de la Samba, l’envie peut venir à n’importe qui de s’engager dans une farandole dont on se souviendra plus de cinquante ans après. N’est-ce pas Uruguay ?
• Le Mondial des Africains : Et si cette fois était la bonne ?
Franchir la ligne rouge des quarts de finale ! Tel est le défi des 5 représentants africains à ce 20ème Mondial de football. Ce ne sera pas plus facile que les autres fois, mais au « pays du Foot », les rêves les plus fous sont permis.
SAO PAULO : « Nos attentes ont toujours été déçues (…). Les résultats ne sont pas positifs ». A l’ouverture, lundi à Sao Paulo, de la 36ème Assemblée générale ordinaire de la Caf, son président Issa Hayatou a dressé un tableau sombre des participations des équipes africaines à la Coupe du monde. Seulement 3 places en quarts de finale : Cameroun en 1990, Sénégal en 2002 et Ghana en 2010. Chiche !
Pourtant, ce serait une belle victoire sur elle-même et un beau clin d’œil à l’histoire si l’Afrique parvenait cette année à placer une de ses 5 représentantes au-delà du Grand huit.
D’abord, parce que l’épreuve se déroule au Brésil, terre de foot par excellence et ensuite, parce que deux illustres fils de ce pays avaient prédit un avenir radieux à un foot africain qui a encore du mal à leur donner raison. Déjà en 1972, Pelé lui-même prédisait que vers les années 2000, une équipe africaine serait championne du monde. Et puis, il y a 30 ans, Joao Havelange, alors président de la Fifa, pronostiquait que le 21ème siècle serait celui du football africain. Ce siècle n’est encore si vieux que ça et laisse au foot africain assez de temps pour s’imposer au monde.
Mais, cela ne semble pas en prendre le chemin. Ce que l’Afrique n’avait pu réussir à 6 (Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigéria) sur son sol, peut-elle y parvenir à 5 (les mêmes, exceptée l’Afrique du Sud), cette fois loin de ses bases ? Les prochaines semaines apporteront la réponse.
En attendant, tout le monde s’accorde donc sur le fait que si l’Afrique n’est toujours pas encore allée au-delà de la ligne rouge des quarts de finale, ce n’est ni un problème de nombre encore moins de cadre. Alors une question de talent ? Même pas puisque le Néerlandais Ruud Gullit a concédé cette semaine même que « beaucoup d’équipes africaines ont des joueurs qui disputent régulièrement la Ligue européenne des champions avec de grands clubs ».
Et le capitaine des « Oranje » qui avait disputé le Mondial de 1990 en Italie de dire son espoir que cette fois sera la bonne.
En fait, le problème de l’organisation et de la manière d’appréhender une compétition de la dimension du Mondial, est, selon un autre fin observateur du football, le Pr Oumar Dioum de l’Ucad, le principal facteur bloquant pour les Africains.
Histoire de primes
Comme à son habitude, le Cameroun pourtant recordman africain de présences en phases finales (7, cette année) l’a encore démontré cette semaine avec cette sempiternelle question d’argent. Eto’o et ses partenaires avaient refusé d’embarquer dans l’avion aussi longtemps que leurs primes ne seraient pas revus à la hausse. Ils ont ainsi pu bénéficier d’une rallonge de 10 millions de francs en plus des 50 octroyés par leurs autorités. Pourtant, cela n’a pas empêché Gullit de placer une piécette sur eux et le Ghana. Issa Hayatou, le président de la Caf lui, s’est contenté de dire, lundi, que son « flair » lui disait que cette fois serait la bonne. On verra bien.
Ce qui est en tout cas sûr, c’est que l’excuse de l’inexpérience ne tient pas pour les 5 représentants africains. Ne serait-ce que parce que c’est le même quintette qui était déjà présent en Afrique du Sud, il y a quatre ans. Mais, seuls les « Black Stars » du Ghana avaient survécu au premier tour avant de frôler l’exploit de se hisser en demi-finales. Finalement, André Ayew et ses partenaires s’étaient contentés d’égaler la performance du Cameroun et du Sénégal. Il leur sera cependant bien difficile de réussir le même parcours, voire de sortir de leur poule qu’ils partagent avec l’Allemagne, le Portugal et à un degré moindre les Etats-Unis.Légèrement mieux loti est le Nigeria, champion d’Afrique en titre, dans la poule de l’Argentine (qu’il avait déjà croisé en 2010 en Afrique du Sud), l’Iran et la Bosnie. Avec coach Keshi, libéro de l’équipe qui s’était fait éliminer en 8ème de finale en 1990 aux Etats-Unis, les « Super Eagles » ont le mentor idéal pour justifier leur titre continental sur la scène mondiale. Presque même situation pour le Cameroun qui a hérité du Brésil, l’épouvantail de la compétition, de la Croatie et du Mexique. Les « Lions indomptables » assurent que les péripéties de ce début de semaine lorsqu’ils avaient décidé de ne pas prendre l’avion pour le Brésil sont derrière eux. On sera fixé après leur entrée en matière, demain face au Mexique, dans ce que Makoun a appelé « un match à 6 points ».
L’Algérie elle, « essaiera de réussir l’exploit », selon son coach Vahid Halilhodzic, dans un groupe où elle devra se frotter à la Belgique, à la Russie et à la Corée du Sud. Finalement, la Côte d’Ivoire semble la mieux gâtée du tirage au sort qui l’a placée dans le Groupe C avec la Colombie, le Japon et la Grèce. Mais sera-ce suffisant pour que les « Eléphants » franchissent, pour la première fois en 3 présences d’affilée au Mondial, le cap du premier tour ? La question restera posée jusqu’au terme des rencontres de groupe pour Drogba et ses partenaires qui risquent de laisser des plumes dans les très longs déplacements qu’ils auront à faire. Ce qui est constant que la « génération dorée qui n’a rien gagné » n’aura pas d’autres occasions pour justifier cette appellation.
• Hors champs
Présidence de la Fifa : Blatter briguera bien un cinquième mandat
« Mon mandat se termine en mai prochain, mais pas ma mission ». Le Suisse Joseph Sepp Blatter va donc briguer un cinquième mandat comme président de la Fifa, lors du congrès du gouvernement du football mondial, l’année prochaine. Il l’a déclaré hier soir à Sao Paulo (Brésil) à la clôture du 64ème congrès de la Fifa. En dépit donc des attaques dont il est la cible suite à l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, M. Blatter espère se succéder à lui-même. Et ses chances sont réelles puisque lundi, il a reçu le soutien sans faille des 54 associations membres de la CAF et dans la foulée, un soutien unanime de l’AFC (la confédération asiatique de football) lui a été accordé. En fait, hier, beaucoup de congressistes sont montés au parloir pour défendre le bilan de Sepp Blatter. Et la bonne santé financière de l’instance (près de 700 milliards de F CFA de réserves) n’est pas des moindres arguments plaidant en sa faveur. Il faut rappeler que ce Point 12.1 de l’ordre du jour d’hier portant sur la limitation du nombre de mandats à la tête de la Fifa et la limite d’âge était l’un des sujets les plus attendus des débats.
ECHOS du Mondial…
Ouverture : La cérémonie d’ouverture du Mondial, cet après-midi à l’Arena Corinthians de Sao Paulo sera un hommage au Brésil à travers ses trois plus grands trésors : sa nature, son peuple et son football. En plus de la prestation des artistes Pitbull, Claudia Leitte, J. Lopez, la cérémonie consistera en une série de tableaux mettant en scène 600 figurants sur le thème « We are one ». Certainement un clin d’œil à tous les racistes qui peuplent le milieu du football.
Fils de pub ! Evènement oblige, les footballeurs actifs ou à la retraite sont très courus par les marques qui cherchent à vendre leurs produits. De Neymar à Ronaldhino en passant par Alves, Ronaldo ou même Pelé (pour les locaux), de l’Espagnol Piqué au Colombien Valderrama, on les voit sur toutes les pages de pub des télés brésiliennes. On a même aperçu le strict technicien brésilien Scolari se « lâchant » littéralement dans un spot.
« Grosse tête » : Il y avait Paul le Pulpe et ses prévisions justes (12 fois sur 14) lors du Mondial 2010 en AfSud. Cette année voici la tortue de mer brésilienne surnommée « Grosse tête ». Elle aussi est censée annoncer à l’avance l’issue des matches. Et vous savez comment ? Simplement en mangeant le poisson placé sous le drapeau national de l’équipe qu’elle a choisie. Pour son baptême du feu, « Gosse Tête » a prédit la victoire de Brésil aujourd’hui sur la Croatie. On attend de voir ce que ça va donner sur le terrain.