La Cour de répression de l’enrichissement illicite est « une juridiction d’exception qui ne garantit pas le droit à un procès équitable ». Telle est la conviction réitérée des organisations de défense des droits de l’homme implantées au Sénégal comme à l’extérieur du pays (Fidh, Lsdh, Raddho et autre Ondh) qui ont tenu encore une fois à disqualifier la Crei dans sa volonté de juger Karim Wade, le 31 juillet prochain, dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis.
Pour ces organisations, il est tout simplement regrettable que « la lutte légitime contre la corruption soit menée par une juridiction ayant tous les attributs d’une juridiction d’exception violant les droits de la défense des personnes inculpées et ne garantissant pas le droit à un procès équitable ».
La croisade des organisations des droits de l’homme implantées au Sénégal (Lsdh, Raddho et autre Ondh) contre la Cour de répression de l’enrichissement illicite continue encore de battre son plein. Et à quelques semaines de la date arrêtée pour le jugement de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, poursuivi dans le cadre de la traque des biens dits mal acquis, voilà que la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (Fidh) vient suppléer les organisations sénégalaises pour adresser un carton rouge à la Crei.
Dans une note en date du 05 juin 2014, la fédération en question a tenu à mettre son bémol à la volonté affichée par Alioune Ndao, le Procureur spécial près la Crei, de faire passer Karim Wade en jugement, le 31 juillet prochain. Pour autant, la Fidh a dit fortement regretter, à l’instar des organisations de droits de l’homme du Sénégal, que la lutte « légitime » contre la corruption soit menée par une Cour ayant « tous les attributs d’une juridiction d’exception violant les droits de la défense des personnes inculpées et ne garantissant pas le droit à un procès équitable, conformément aux dispositions de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
Me Patrick Baudouin, Président d’honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire (Gaj) de la Fidh, n’a pas pris de gants, pour sa part, pour affirmer que : « La Crei ne garantit pas les droits des personnes inculpées par cette juridiction d’exception ». Et de préciser dans la foulée qu’«Il est regrettable que cet organe d’un autre âge ait été réactivé sans avoir été mis en conformité avec les principes les plus élémentaires du droit et des droits de la défense ».
Une telle position est largement partagée d’ailleurs par Me Assane Dioma Ndiaye, Président de la Lsdh et avocat du Gaj de la Fidh qui a tenu à indiquer que: « Lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite est légitime mais la Crei ne prévoit aucune possibilité d’appel et, avec ses règles de procédures qui renversent la charge de la preuve …autant dire que vous êtes présumé coupable et que c’est à vous de démontrer votre innocence ».
Ces tirs groupés contre la Crei avaient en fait intéressé pratiquement toutes les organisations sénégalaises de droits de l’homme, à l’instar de la Raddho dont le secrétaire général, Aboubacry Mbodji, n’a cessé de se liguer contre l’institution chargée de mener la traque des biens dits mal acquis. « La Crei est une juridiction spéciale avec des règles de procédures attentatoires au droit à un procès équitable », clamait ainsi récemment l’actuel patron de la Raddho avant de se faire relayer par Me Patrick Baudouin, le Président d’honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire de la Fidh qui affirmera qu’ « Il faudrait supprimer la Crei ou à tout le moins la conformer aux principes du droit pour la rendre conforme aux engagements internationaux du Sénégal ».
Pour rappel, c’est la loi du 10 juillet 1981 qui a introduit dans le Code pénal sénégalais le délit d’enrichissement illicite. Outre ce délit, une juridiction ad hoc et en sommeil depuis lors, la Crei, a été réactivée en mai 2012 par le gouvernement de Macky Sall. La juridiction en question est « chargée de réprimer l’enrichissement illicite et tout délit de corruption ou de recel connexe ». A ce jour, huit personnes sont poursuivies par la Crei, dont le fils du Président sortant Abdoulaye Wade.