Bassirou Diomaye Faye, porté à la présidence par le désir de changement des Sénégalais, fera face dès son investiture mardi à des défis aussi considérables que le sont les attentes.
Quelles seront ses priorités et comment va-t-il procéder ? Quelques éléments de réponse.
- Quels sont les chantiers prioritaires ?
- Bassirou Diomaye Faye a mentionné ses chantiers prioritaires lors de sa première déclaration
publique après sa victoire: "Baisse du coût de la vie", "lutte contre la corruption" et "réconciliation nationale et reconstruction des bases de notre vivre-ensemble".
En ce sens, et malgré trois années de tensions, il a salué le chef de l’Etat sortant, Macky Sall,
l’un de ses principaux adversaires, "dont la vigilance et l’engagement ont permis de garantir
un scrutin libre, démocratique et transparent", et s’est entretenu jeudi avec lui à la présidence.
Dans son programme, il promet de rétablir une "souveraineté" bradée selon lui à l’étranger. Il
souhaite renégocier les contrats pétroliers et gaziers et les accords de pêche, quitter le franc
CFA, investir dans l’agriculture pour se rapprocher de l’autosufisance alimentaire.
Mais son principal défi sera "la création d’emplois", estime l’économiste Mame Mor Sene, de
l’université de Dakar. Dans ce pays où 75% de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage s’élève oficiellement à 20%, les jeunes sont de plus en plus nombreux à fuir la
pauvreté et prendre le chemin de l’émigration clandestine vers l’Europe, en dépit des périls.
- Pourquoi cela sera-t-il dificile ?
- "Résoudre le problème du chômage prendra du temps et ne sera pas facile. C’est toute la
structure de l’économie qui est à réviser", estime Mar Mome Sene.
Le chercheur souligne qu’il faudra investir massivement dans le secteur industriel, alors que
l’économie repose traditionnellement sur les services.
M. Sene recommande au prochain président de ne pas endosser seul la responsabilité sur la
création d’emplois. Selon lui, l’Etat doit accompagner le secteur privé, investir dans le capital
humain et créer un climat favorable aux afaires.
Frappée par la crise du Covid puis les conséquences de la guerre en Ukraine, l’économie a
beaucoup soufert des chocs exogènes. Les prix des biens de première nécessité et les coûts
du loyer ont fortement augmenté.
La population attend des résultats rapides mais M. Sene prévient qu’"elle devra être
patiente". "Tout ne pourra être réglé du jour au lendemain", dit-il.
- A quoi s’attendre vite ?
- La première mission sera de créer un "environnement favorable et rétablir la confiance entre
Sénégalais" rompue sous le précédent régime, déclare M. Sene.
M. Faye s’est employé à rassurer les bailleurs, en afirmant que son pays resterait "l’allié sûr et
fiable" de tous les partenaires étrangers, à la condition que ceux-ci s’engagent "dans une
coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive".
Pour le politologue El Hadji Mamadou Mbaye, "baisser rapidement le prix de produits de
base", comme le riz, l’huile, ou le coût de l’électricité, pourrait être l’une des premières
mesures pour donner rapidement des gages à l’électorat.
Les réformes institutionnelles et la lutte contre la corruption, via la création d’un parquet
national financier, pourraient aussi être mises en place rapidement, estime-t-il.
Il note que le nouveau président devra décider ou non de dissoudre l’Assemblée nationale,
installée en septembre 2022, où il ne dispose pas de majorité. La Constitution interdit cette
pratique durant les deux premières années de législature. Des élections seraient possibles à
partir de mi-novembre.
M. Faye devrait nommer son premier gouvernement prochainement. "Il sera composé
d’hommes et de femmes de valeur et de vertu. De Sénégalaises et Sénégalais de l’intérieur et
de la diaspora connus pour leur compétence, leur intégrité et leur patriotisme", a-t-il indiqué.