SociétéMbacké-Touba, premier département du Sénégal : tendance lourde et nouveaux défis (Par Dr Cheikh Guèye - Dr Khadim Bamba Diagne - Cheikh Bamba Dièye)
Leçons du recensement : le poids démographique du département de Mbacké-Touba enfin objectivé et reconnu
Les premiers résultats du Recensement général de la population et de l’habitat viennent d’être publiés par l’ANSD. Parmi les faits marquants, le département de Mbacké dont Touba est la plus grande agglomération, devient désormais le plus peuplé du Sénégal avec 1 359 757 habitants.
Nous vivons effectivement un événement majeur dans la configuration démographique et territoriale du pays. Ce résultat est d’autant plus intéressant que les prévisions de l’ANSD se situaient autour de 900 000 habitants pour la ville en 2022. L’écart d’environ 400 000 habitants noté par rapport au chiffre officiel de la population du département de Mbacké est sans nul doute lié à l’amélioration des conditions et de la démarche du recensement de cette année à Touba. Contrairement aux recensements antérieurs, celui de 2023 a été préparé avec un soin particulier. Avec l’appui très précieux de Touba ca kanam dans la communication, le recrutement de ressources humaines locales pour le recensement et la supervision, la prise en compte de spécificités langagières, et surtout le ndigël du khalife transmis par son porte-parole Cheikh Bassirou Abdou Khadre, l’exercice permet d’avoir des chiffres plus réalistes et plus conformes à l’observation de visu du poids démographique du département de Mbacké-Touba.
Le caractère « spectaculaire » de ce nouveau classement du département de Mbacké Touba est lié au fait qu’il passe devant celui de Dakar, capitale historique, administrative et économique qui pèse de tout son poids sur l’espace national avec ses infrastructures portuaires, aéroportuaires, routières, sportives, culturelles, etc. Pourtant Dakar et son agglomération régionale ont pendant longtemps été le symbole d’une urbanisation principalement côtière et d’une concentration de la population à l’ouest. La première place du département de Mbacké-Touba s’explique également par le redécoupage de la région de Dakar et la départementalisation de Keur Massar amputé à Pikine, et qui a remis en question les classements antérieurs.
La macrocéphalie qui caractérisait le réseau urbain est freinée ou rééquilibrée depuis une trentaine d’années. Ce surplace de Dakar est le fait de raisons internes ainsi que des dynamiques de plusieurs petites et moyennes villes, notamment les capitales régionales, les nouvelles communes mais surtout Touba, Richard Toll, Mbour, Joal, ainsi que le renouveau de villes secondaires de l'ancien bassin arachidier.
Cette projection de Mbacké comme premier département du Sénégal en termes de concentration démographique est le résultat d’une « longue marche » de la capitale de la Mouridiyya qui en a fait un « pôle urbain » de l’intérieur. Des taux de croissance exceptionnels de la ville de Touba sur une durée de 40 ans sont les principaux déterminants. L’évolution de la répartition de la population sénégalaise a ainsi été caractérisée par le « phénomène démographique » qu’a représenté l’ancienne communauté rurale (village) de Touba Mosquée qui regroupait 47% de la population de la région de Diourbel en 2004 alors que cette région était l’une des moins urbanisées du Sénégal (taux d’urbanisation de 15,4% en 2004).
Touba et son hinterland deviennent une capitale de l’intérieur. L’accroissement naturel, l’immigration et l’apport des villages intégrés en sont les principaux ingrédients. Mais les statistiques sur la population de Touba ont toujours fait l’objet d’un grand doute scientifique qui interroge les méthodes, les auteurs et les moments des recensements. Depuis 2000, c’est l’incertitude totale sur les chiffres de populations de Touba qui s’étalent selon les sources et les estimations entre 500 000 et 2 000 000 habitants.
Sur ce point, le fait de considérer Touba comme un village, donc habité par des ruraux, est l’une des erreurs majeures de notre organisation administrative depuis les années 70. Il a eu des conséquences statistiques et stratégiques incommensurables, notamment dans la mesure (taux d’urbanisation nationaux) et l’attribution proportionnellement au poids démographique de la cité, de ressources et d’investissements. L’Etat a ainsi perdu beaucoup de temps dans les investissements au bénéfice de Touba et dans la prise en charge de ses besoins en termes d’éducation, de santé, d’accès à l’eau et à l’assainissement, de sécurité, d’hygiène ou d’activités économiques. Le soi-disant « village de Touba Mosquée » accueillait déjà une population de 554 036 en 2004 et était la troisième collectivité locale la plus peuplée du Sénégal (derrière les villes de Dakar et de Pikine). En considérant Touba Mosquée comme une ville il y a 20 ans, le taux d’urbanisation de la région de Diourbel aurait déjà atteint 62,4% et Diourbel serait la deuxième région la plus urbanisée du Sénégal.
Aujourd’hui, d’après toutes les estimations, et notamment si on n’y ajoute la population de l’agglomération de Touba (au moins 1 300 000 en 2023) qui a antérieurement été comptée parmi les ruraux, le taux d’urbanisation du Sénégal a dépassé les 50 %. Cette évolution que nous annonçons depuis plusieurs années va constituer l’autre tournant majeur énoncé par le recensement de 2023. Désormais, s’il y a plus d’urbains que de ruraux, les politiques publiques et les stratégies de développement devront s’adapter en termes d’approche et de stratégie. Il faudra repenser des politiques agricoles et des systèmes alimentaires capables de nourrir les villes, maitriser les marchés urbains avec des modes de consommation de plus en plus extravertis dans un contexte de dépendance alimentaire et d’inflation accentué par des chocs exogènes comme la pandémie du COVID 19, la guerre en Ukraine, la crise au Sahel, etc.
L’autre nouveauté ou confirmation des résultats préliminaires du Recensement général de 2023, c’est le poids démographique du corridor Dakar-Thiès-Touba. Il s’étend sur 200 km et abrite les villes les plus importantes du système urbain sénégalais et les régions les plus peuplées. Cette dynamique est d’ailleurs l’une des principales raisons avancées officiellement pour justifier la construction de la première autoroute interrégionale payante du Sénégal entre Dakar et Touba (Ilaa Touba). Cette nouvelle infrastructure contribue à intégrer le département de Mbacké-Touba dans la vie de relation et à l’articuler aux autres villes et régions du pays. Le département renforce ainsi sa vocation de lieu de rupture de charge (offloading) et de point de passage et de redistribution vers le reste du territoire national.
L’émergence de ce corridor interpelle l’Etat, les collectivités locales qu’il traverse, les services techniques, qui sont confrontés à des défis nouveaux liés à la longueur et la complexité de ces nouveaux organismes territoriaux. Il revalorise et redynamise les territoires concernés, désormais plus accessibles pour leurs ressortissants qui y réinvestissent en habitat et activités économiques.
Le record de participants du magal renforce la primauté démographique du département Mbacké-Touba
Par ailleurs, numériquement, les pèlerins de l’édition du Magal de Touba 2023 (c'est-à-dire les participants au Magal qui ne résident ni à Touba ni à Mbacké), sont estimés à 5,8 millions de personnes. Ce sont donc au moins 7 millions de musulmans venus de tous le Sénégal et du monde entier, ou demeurant à Touba et dans ses environs, de toutes conditions et de tous âges qui sont venus répondre à l’appel de Cheikh A. Bamba.
Le Magal de Touba reste l’événement attendu par les habitants de Touba, nombre de sénégalais et d’étrangers pour développer leurs activités économiques. Pendant la période du Magal, les entreprises voient leurs chiffres d’affaire augmenter grâce au dynamisme du tourisme religieux et des transferts d’argent.
Pendant la période du Magal, Touba devient le point culminant du business au Sénégal. En l’espace de quelques jours, la ville devient un carrefour commercial pour troquer, acheter, vendre. Avec le Magal, l’activité économique de Dakar prend un répit en faveur de la ville religieuse qui accueille tous les marchands ambulants, surtout aux alentours du quartier Touba mosquée, rendez-vous de milliers de pèlerins qui font des emplettes après avoir visité le mausolée du fondateur du Mouridisme.
L’ETAT INTERPELÉ POUR INVESTIR DANS LE DÉPARTEMENT PROPORTIONNELLEMENT À SON POIDS DÉMOGRAPHIQUE
La diversité des fonctions urbaines et les multiples dimensions prises par la ville font la spécificité de Touba, son originalité et son unicité. Touba est la ville du volontarisme urbain, du gigantisme ambitieux, et cultive le beau et la puissance pour ressembler à l’image que la confrérie veut se donner. C’est à la fois une ville rêvée, un lieu de retour produit par les mourides, une ville postcoloniale qui a le paradoxe d’avoir été fabriquée et peuplée par des ruraux (90% de la population provenaient directement du milieu rural dans les années 90, mais les origines se diversifient depuis lors), nécropole (l’une des villes d’enterrement les plus importantes au monde), pôle d’équilibre économique (activités économiques, flux de biens, financiers, communicationnels, numériques etc.), spatial et démographique national. Mais Touba représente également le laboratoire de l’autonomisme et de l’harmonie du pays en préservant son caractère émetteur de normes et de valeurs positives pour la société sénégalaise.
La longue marche de la communauté Mouride vers le développement de Touba doit se poursuivre avec une stratégie de territorialisation des politiques publiques. La contribution faible de l’État dans le développement du département de Mbacké a poussé les Mourides à être résilients depuis l’indépendance et cette résilience est également à l’inverse, l’un des facteurs du retard d’investissement de l’État dans Touba, devenue la deuxième ville du Sénégal. Cette politique d’exclusion a conduit cette communauté à développer une philosophie du travail et de l’austérité.
Les habitants du département de Mbacké sont dans tous les sous-secteurs du commerce et du sous-secteur agricole. Aujourd’hui, ils se présentent comme les principaux acteurs de la « débrouillardise » que l’on a souvent assimilée à un travail « informel », une « économie souterraine » ou « périphérique » parallèle à « l’économie centrale », bureaucratique et administrative. Ils ont forgé un nouveau modèle : un comportement économique typique, en marge des pouvoirs publics et des procédures économiques formelles. Le succès des Mourides dans tous les secteurs de l’économie surtout informel a remis en cause l’opinion qui a toujours associé l’ascension sociale au niveau de formation ou aux diplômes de l’école coloniale. Une manière de continuer la résistance de Cheikh Ahmadou Bamba face aux colons. Malheureusement, 63 ans après l’indépendance, les autorités Sénégalaises n’ont pas mis de stratégie suivi pour corriger ce secteur et intégrer Touba dans les politiques publiques en tant que pôle économique.
Les derniers recensements de l’ANSD ont montré que Mbacké est devenu le département le plus peuplé du pays. L’heure est venue de sentir les politiques publiques dans cette zone.
La majorité de la population de ce département vit du commerce et de l’agriculture. Pour une meilleure justice sociale et économique, l’État doit augmenter significativement ses investissements à Touba. Les mourides sont les plus grands producteurs d’arachides du pays et avec presque 200 unités de production de transformation d’arachides, ces hommes résilients ont enclenché déjà la transformation de leur produit primaire. L’État doit activer ce secteur en transformant la mission de la Société Nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal implantée à Diourbel, pour collecter avec ces unités de production, mettre en place des mesures incitatives pour encourager ces unités de transformation. Dans cette remontée de filière, l’État doit aider les entrepreneurs à investir dans d’autre unités de transformations au-delà de l’huile d’arachide (aliments de bétails, céréales,). Pour diminuer le chômage des populations, l’État doit, avec un partenariat avec le secteur privé local, construire le plus grand centre commercial de la sous-région. Dans l’optique de territorialiser les politiques publiques, la vision de l’État, dans un département où le commerce et l’agriculture dominent l’activité économique, doit être l’implantation de la plus grande foire internationale de la sous-région. Touba a besoin d’un État stratège pour absorber la vulnérabilité des populations avec l’agriculture, l’industrie légère et le commerce.
RÉINVENTER LA GOUVERNANCE DE LA COLLECTIVITÉ LOCALE LA PLUS PEUPLÉE DU SÉNÉGAL
(Cheikh Bamba Dièye)
Sortant des logiques antérieures de création urbaine, Touba, qui englobe désormais Mbacké, s’individualise dans un réseau urbain au sein duquel les villes secondaires, victimes de leur immobilisme et lieux de transposition de modèles de décentralisation souvent forgés de l’extérieur, stagnent pour la plupart. L’explosion urbaine de Touba est une nouvelle donne pour l’armature urbaine sénégalaise qui voit naître depuis quelques années au centre du pays une autre grande agglomération de rééquilibrage territorial.
Du principe de subsidiarité à la compétence générale, l’esprit de la décentralisation renvoie à un ensemble de dispositifs et d’ambitions pour offrir de réelles opportunités de prise en charge de la destinée d’un territoire par les populations qui y vivent.
Territorialiser les politiques publiques est un moyen de rechercher pour un État plus de pertinence et d’efficience dans l’exécution des politiques publiques. Par cette option, il assure le succès de ses politiques en associant localement les populations dans la définition et la mise en œuvre de politiques à fort impact sur leur qualité de vie et leur cadre de vie. Production de la pensée et définition de l’action ne doivent se faire qu’en partant des réalités de la société. Il ne sert à rien de transposer dans la facilité du copier-coller une réalité autre et un cheminement inadapté dans un écosystème qui peut développer une dynamique et des règles qui lui sont propres. Il faut se donner de manière intelligente une liberté et une autonomie dans la réflexion loin de la perfusion d’idées, de choix, de moyens et de modes de vivre qui a prévalu dans la définition des politiques publiques en Afrique.
Au-delà de la rigueur dans la gestion des affaires publiques, de la transparence, de l’inclusivité et de la culture de la redevabilité qui sont intrinsèques à tous les modèles de management public, il nous faut être inventif pour assumer un modèle endogène de gestion de nos territoires. Un modèle de gestion souple qui préserve la cohésion nationale en offrant à nos gouvernements locaux, les moyens de prendre en charge une partie importante de l’effort de développement.
La réussite d’une politique de décentralisation est mesurable par le niveau d’implication et de participation des populations. Plus elles seront engagées dans le management de leur terroir, plus la territorialisation des politiques publiques trouvera des relais efficaces pour promouvoir le tout du territoire. La gouvernance de nos territoires doit être ancrée dans nos réalités en s’inspirant de nos valeurs et de notre identité, elle doit être ancrée dans nos sociétés en s’appuyant sur les dynamiques et les légitimités locales.
Il importe pour nos pays traumatisés par la colonisation et son modèle d’acculturation de nous départir de ce carcan pour oser inaugurer des schémas endogènes rigoureux parce que calés sur notre vécu propre et pertinents pour avoir offert des résultats probants à l’instar du modèle de Serigne Touba.
C’est pour construire ce projet de vie que la ville de Touba a été créée en 1887-1888. Il est utile de rappeler que Cheikh Ahmadou Bamba n’a pas construit sa cité pour le simple plaisir de voir son nom résister à l’usure du temps. Il n’a pas initié ce projet pour trouver un refuge ou un foyer de repli dans des moments difficiles. Son objectif n’était pas aussi de revitaliser un foyer familial désuet. La royauté, la prise de pouvoir ou la volonté d’installer une chefferie locale n’ont jamais habité Khadimou Rassoul. Dans son sillage, la Mouridiyya a pour unique vocation de cultiver en chacun de ses membres une somme de vertus qui fera d’eux des êtres socialement accomplis, respectueux des lois de la République et totalement soumis à Allah.
Serigne Touba a bâti sa ville comme une daara géante, un espace saint entièrement voué à Dieu où toutes les énergies concourent à préparer les talibés, à les encadrer pour qu’ils deviennent des serviteurs et imitateurs du saint prophète (SAW). Cette cité qu’il a voulue unique est différente de tous les autres modèles d’établissements humains.
La volonté de Khadimou Rassoul est de domestiquer un territoire pour l’aménager dans le but de permettre l’éclosion du mouride parfait. Sa voie spirituelle est dynamique et volontaire, elle est intelligente et salutaire pour construire une intelligentsia mouride support du rayonnement de la Mouridiyya. Admettre la spécificité de Touba, la qualité et la capacité pour les mourides de promouvoir son développement suppose qu’il faille au préalable reconnaitre la présence sur ce territoire d’une légitimité spirituelle incarnée par le khalife basée sur la religion, l’histoire, la terre et les usages qui rythment la vie et les interactions dans la ville sainte depuis sa création.
Cette légitimité n’est pas en concurrence avec la légitimité institutionnelle incarnée par l’Etat. Elle doit être perçue comme une force d’appoint que l’Etat intègre à son dispositif pour plus d’efficacité dans les politiques publiques définies pour ce territoire spécifique.
Il n’est pas pertinent d’administrer cette école spirituelle bâtie sur un titre privé qui a pris au cours de son évolution les dimensions d’une ville avec les règles classiques de management.
L’évolution du monde nous met au défi de nous adapter et d’exploiter les avantages comparatifs de nos territoires pour offrir de nouvelles perspectives de développement à nos populations. Les pouvoirs publics dans une recherche permanente de l’efficacité et de l’efficience doivent être assez souple pour repenser leurs stratégies de développement et assumer la redéfinition des relations entre les autorités nationales et les gouvernements locaux. La décentralisation doit avoir pour conséquence la fin du monopole des politiques publiques par l’Etat central.
Le pouvoir économique, démographique et religieux croissant de la ville de Touba nourrit injustement l’inquiétude et la paranoïa qui habitent des cercles d’intellectuels au cœur des pouvoirs publics. Beaucoup fantasment sur un risque d’instabilité souvent exagéré. L’objectif à rappeler ici est celui de parfaire notre système de décentralisation, d’influer sur les facteurs de croissance, sur la compétitivité d’un territoire pour booster son développement.
Le danger pour nos pays est plus à rechercher dans l’absence d’une législation claire, dans le clair-obscur de l’Etat qui fait voter des lois tout en autorisant leur violation. Il faut juste avoir le courage de faire évoluer la loi pour enfin accepter que ce territoire particulier et partie intégrante du Sénégal peut légalement sous le couvert de loi être administré avec un régime spécial.
Les territoires doivent porter la croissance économique nationale. Pour ce faire, il faut définir, en premier, des territoires homogènes, viables parce que compétitifs et porteurs de croissance. Le seul fait qu’il existe au Sénégal, en dehors de la puissance publique, une organisation capable par l’engagement de ses membres de mobiliser une force de travail et des moyens financiers susceptibles d’influer sur la qualité de vie de nos compatriotes devrait inciter à une réflexion en profondeur sur comment adapter la gouvernance de nos territoires aux réalités locales dans le souci d’approfondir la décentralisation.
La disponibilité des ressources est capitale à toute politique. Il ne sert à rien d’avoir la meilleure législation et les projets les plus innovants si les moyens particulièrement financiers font défaut. L’un des problèmes fondamentaux de la décentralisation au Sénégal est le déficit de moyens humains, financiers et matériels.
La Mouridiyya a des moyens pour développer et rendre très attractive la ville sainte de Touba. Cette réalité nous oblige à composer avec cette force surtout lorsque toutes ses ambitions concourent à développer ce territoire.
La territorialisation du mode de management est l’innovation à apporter dans la gouvernance de la ville sainte pour l’aider à mettre dans une seule et même dynamique son identité religieuse, sa cohésion sociale, sa force contributive et la politique nationale de décentralisation pour servir la double ambition convergente de faire de la ville de Touba un foyer spirituel de premier ordre pour la Mouridiyya et un pôle d’attractivité et compétitivité économique pour l’Etat.
Il faut oser réinventer la gouvernance de nos territoires parce que le modèle, jusqu’à présent usité, est d’inspiration occidentale pour ne pas dire exclusivement français. On peut légitimement penser qu’il a des limites quant à sa capacité de prendre en charge les vraies priorités et besoins des citoyens mourides, et leaders religieux de la ville sainte.
Rechercher le moyen de territorialiser le mode de management constituerait une véritable révolution dans la décentralisation au Sénégal. L’Etat accepterait, dans le cadre de la modernisation de son fonctionnement, sans faiblesses, sans contraintes ou complaisances la possibilité, d’offrir à un territoire spécifique, un modèle de management adapté capable d’accélérer son développement tout en l’intégrant harmonieusement au tissu national d’administration des territoires. Le poids démographique, économique, et socio-culturel du département de Mbacké-Touba constitue un argument objectif pour le considérer comme un laboratoire d’une refondation de la décentralisation au Sénégal et en Afrique.