L’État continue la politique du raidissement. Dans l’affaire Ousmane Sonko, c’est à croire que l’autorité a déjà atteint un point de non-retour. Alors que certains parlaient déjà d’un vent de dégel avec les libérations multiples de certains détenus arrêtés dans le cadre de ce dossier, de hautes autorités ont tenu à apporter quelques précisions.
‘’Il faut savoir que placer sous mandat de dépôt quand il y a des indices graves et concordants, libérer ceux sur qui il n’y a pas suffisamment de preuves ou placer en liberté provisoire, c’est le quotidien des magistrats. Ce n’est pas parce que des gens ont été jugés et relaxés ou placés en liberté provisoire qu’on va aller chercher je ne sais quel pseudo-dégel ou négociation. L’État reste droit dans ses bottes. C’est à la justice de faire son travail et elle est en train de le faire sans faiblesse’’, fulmine un de nos interlocuteurs.
Pourtant, depuis quelques jours, profitant de la ferveur autour du Magal de Touba, ils ont été nombreux à brandir un vent de dégel et à espérer une implication des chefs religieux, en particulier du khalife général des mourides, pour faire revenir l'État à de meilleurs sentiments, précisément sur le cas Sonko.
Sur son compte Twitter il y a quelques jours, le préposé à la communication de l’ex-Pastef, El Malick Ndiaye, estimait qu’il n’y a aucun doute que le patriarche s’emploie à ce que le détenu le plus célèbre du Sénégal soit libéré. ‘’C'est un secret de polichinelle : le khalife des mourides, Cheikh Mouhamadoul Mountakha Bachir et ses frères ont toujours et continuent d'œuvrer pour la libération des détenus politiques dont le plus remarquable, le président Ousmane Sonko. Nous remercions le khalife pour les dattes qu'il a offertes au président Ousmane Sonko et saluons ses efforts, sans relâche, pour un Sénégal de paix et de concorde’’, avait-il dit.
En fait, pour l’ex-Pastef et ses alliés, la ligne de communication depuis mars 2021 a été de se présenter comme respectueux des recommandations du patriarche de Touba et de montrer que c’est le camp adverse qui défie ses consignes. Lors de sa dernière visite, le chef de l’État ne s’est d’ailleurs pas empêché de jouer sur le même registre, en s’adjugeant bien évidemment le bon rôle. D’après le journal ‘’Vox populi’’ qui avait eu la primeur de ce tête-à-tête, Macky Sall avait confié au khalife que l'Administration pénitentiaire avait même permis aux émissaires de Yewwi Askan Wi de rendre visite à Sonko, dans le but de lui remettre sa commission, à savoir les dattes qu’il lui avait envoyées, afin de lui demander d’arrêter sa grève de la faim. ‘’Le reste est une affaire personnelle le concernant’’, confiait le chef de l’État, selon ‘’Vox Pop’’.
Il fallait tout simplement comprendre par-là qu’à tort ou à raison, le président voulait signifier au khalife, de manière diplomatique, que c’est Ousmane Sonko qui n’a pas voulu de ses dattes. À cette insinuation, Serigne Mountakha, toujours selon Vox Pop, avait répondu : "Je n’ai fait que mon devoir en tant que musulman, sur demande de la délégation. J'ai remis une commission à qui de droit. Le reste relève du choix personnel. Le concerné est libre de prendre ou de laisser.’’ Les coulisses présumées de cette rencontre ont été rendues publiques le vendredi 1er septembre. Le lendemain, Ousmane Sonko a déclaré mettre un terme à sa grève de la faim.
Depuis, l’espoir a été retrouvé par ses militants qui croient dur comme fer en une possible libération. Mais du côté de l’État, c’est plutôt l’intransigeance. ‘’Il a été amené à l’hôpital pour des raisons sanitaires, dès que son état lui permettra de retourner en prison, l’Administration pénitentiaire va le ramener en prison. Il faut savoir que ce serait un précédent dangereux, si on doit libérer quelqu’un juste parce qu’il a fait une grève de la faim. Si on l’accepte pour lui, il faudra l’accepter pour tout le monde’’.