Une délégation ouest-africaine arrivée samedi à Niamey pour trouver une solution à la crise au Niger a rencontré Mohamed Bazoum, président renversé par un coup d’Etat fin juillet et retenu prisonnier, une éclaircie diplomatique au lendemain d’une annonce de la Cedeao se disant prête à une intervention armée.
M. Bazoum "a le moral", a assuré une source au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, précisant que le président déchu n’a "toujours pas" d’électricité. Ses conditions de détention inquiètent la communauté internationale et de nombreux pays, comme les Etats-Unis ou la France, ont régulièrement appelé à sa libération depuis le coup d’Etat.
Cette rencontre s’est déroulée à la demande de la délégation conduite par l’ancien président nigérian Abdulsalami Abubakar et accueillie à l’aéroport par le nouveau Premier ministre nommé par les militaires, Ali Mahaman Lamine Zeine.
Dans une interview au New York Times, ce dernier avait assuré vendredi soir qu’il "n’arrivera rien" à M. Bazoum.
M. Abubakar s’était déjà rendu à Niamey au nom de la Cedeao le 3 août, mais n’avait rencontré ni le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé.
Selon la source de l’organisation ouest-africaine, la délégation a également rencontré certains responsables militaires qui ont pris le pouvoir le 26 juillet, sans préciser si les émissaires ouest-africains avaient échangé avec le général Tiani.
- Diplomatie -
Cette médiation diplomatique survient au lendemain d’une annonce de l’organisation ouest-africaine qui s’est dite prête à utiliser la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.
Vendredi, le commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’organisation régionale, Abdel-Fatau Musah avait annoncé que cette mission avait pour objectif de "continuer à suivre la voie pacifique pour rétablir l’ordre constitutionnel".
"Nous sommes prêts à intervenir dès que l’ordre sera donné. Le jour de l’intervention a aussi été fixé", avait-il également déclaré, à l’issue d’une réunion de deux jours des chefs d’état major ouest-africains à Accra.
Selon lui, ont été convenus lors de cette réunion "les objectifs stratégiques, l’équipement nécessaire et l’engagement des Etats membres" pour cette possible intervention.
Cette option militaire est brandie par la Cedeao depuis plusieurs semaines. Le 10 août, les dirigeants ouest-africains avaient ordonné le déploiement d’une "force en attente", dont les contours ont été dessinés vendredi à Accra.
Ni les modalités ni un éventuel calendrier n’ont toutefois été rendus publics.
Une autre initiative diplomatique a eu lieu vendredi: le nouveau Premier ministre s’est entretenu avec une délégation de l’ONU conduite par Leonardo Santos Simão, le représentant spécial du secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.
A l’issue de la rencontre, M. Simão a souhaité que "le pays rentre aussi rapidement que possible dans la normalité et la légalité constitutionnelle".
"Nous sommes convaincus que c’est toujours possible par le dialogue", a-t-il ajouté.
- Volontaires -
A Niamey, le nouveau régime militaire avait affirmé qu’une intervention armée serait une "agression illégale et insensée".
Samedi matin, des milliers de volontaires se sont rassemblés aux abords du stade Seyni
Kountché, dans le centre-ville de la capitale, répondant à un appel de plusieurs organisations pour se faire inscrire sur des listes en tant qu’auxiliaires civils potentiellement mobilisables en soutien des forces armées, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Samedi, les Etats-Unis, partenaire important du Niger dans la lutte antijihadiste, ont indiqué qu’une nouvelle ambassadrice était installée à Niamey.
Kathleen FitzGibbon ne présentera toutefois pas officiellement sa lettre de mission aux nouvelles autorités en place, a précisé Washington, qui ne les reconnaît pas.
Autre partenaire du Niger, la France qui déploie quelque 1.500 soldats, a été sollicitée dans les heures qui ont suivi le coup d’Etat, pour apporter son appui à une éventuelle intervention de l’armée nigérienne pour libérer M. Bazoum, a-t-on appris samedi de source proche du dossier.
"Mais les loyalistes ont changé de camp et rejoint les putschistes. Les conditions n’étaient donc pas réunies pour satisfaire cette demande d’appui", a précisé cette source.
Le Niger est régulièrement endeuillé par des attaques jihadistes sanglantes depuis plusieurs années.
Mardi, au moins 17 soldats ont été tués dans une attaque près du Burkina Faso, la plus meurtrière depuis le coup d’Etat.
Toujours en début de semaine, au moins 28 civils sont morts dans des violences dans plusieurs villages près du Mali, selon une source officielle locale qui n’a pas précisé la nature de ces violences.