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Rapport de la Commission des Lois relatif à l’examen du Projet de loi n°11/2023 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale
Publié le vendredi 21 juillet 2023  |  aDakar.com
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© aDakar.com par SB
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Dakar, le 15 septembre 2017 - La 13e législature de l`Assemblée nationale a été installée. Le président Moustapha Niass a été réélu pour un mandat de 5 ans à la tête de l`institution parlementaire forte de 165 députés.
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Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,

La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le mardi 18 juillet 2023, sous la présidence de Monsieur Abdou MBOW, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de loi n°11/2023 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale.

Le Gouvernement était représenté par Monsieur Ismaila Madior FALL, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, assisté de ses principaux collaborateurs.

Ouvrant la séance, Monsieur le Président a, d’abord, au nom de la Commission, souhaité la bienvenue à Monsieur le Ministre et à ses collaborateurs. Il lui a, ensuite, renouvelé ses félicitations et encouragements, avant de l’inviter à présenter l’exposé des motifs justifiant l’élaboration dudit projet de loi.

À l’entame de son propos, Monsieur le Ministre a adressé ses chaleureuses salutations à Monsieur le Président et à tous les membres de la Commission. Il s’est, ensuite, réjoui d’être devant les Représentants du peuple pour aborder les réformes proposées par le Gouvernement.

Relativement à l’exposé des motifs, Monsieur le Ministre a rappelé que depuis son accession à l'indépendance, l’Etat du Sénégal s'est évertué à mettre en place des mécanismes de nature à protéger les deniers publics et promouvoir la bonne gouvernance économique et financière. C'est dans ce cadre qu'il a été très tôt créé, en 1981, la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).

Selon lui, notre pays s'est également doté de plusieurs autres organes, au fil des ans pour améliorer les mécanismes de lutte contre la grande criminalité financière. La Cour des Comptes, l’Inspection générale d'Etat, le Contrôle financier, la Cellule nationale de Traitement des Informations financières et l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption en sont une parfaite illustration.

Dans ce cadre, Monsieur le Ministre a indiqué que la CREI, compétente pour la répression de l'enrichissement illicite, a su déployer des efforts importants afin de participer de manière efficiente à la sauvegarde des ressources publiques, nécessaire à la mise en œuvre des politiques publiques et au renforcement de l'Etat de droit.

Cependant, dira-t-il, force est de constater que la criminalité financière, devenue transnationale, ne cesse de croitre et de se complexifier. Elle est, par ailleurs, traitée par des magistrats non spécialisés, cumulant cette tâche avec d'autres attributions juridictionnelles, toutes particulièrement importantes.

Ce défaut de spécialisation ainsi que ce cumul de fonctions prévalent aussi au niveau de la CREI, dont les efforts aussi appréciables qu’ils puissent être, n'ont pas permis d'endiguer l'enrichissement illicite et les autres formes de criminalité financière, a-t-il précisé.

À cela s'ajoute, la perception négative de cette juridiction aux yeux d'une bonne partie de l'opinion publique. Elle est surtout critiquée par rapport à l'absence d'un double degré de juridiction, a-t-il fait savoir.
Ainsi, Monsieur le Ministre a annoncé qu’il est apparu nécessaire de mettre en place un organe juridictionnel qui allie à la fois, l’efficacité dans la répression de la criminalité économique et financière et le respect des principes directeurs du procès pénal.

C’est pourquoi, il est envisagé d'instituer un Parquet financier spécialement compétent pour traiter les questions liées à la criminalité économique et financière. Il est également prévu un Collège de juges d'instruction financiers, une Chambre de jugement financière, une Chambre d'accusation financière et une Chambre des appels financière, afin de voir ce nouveau dispositif de répression transparaître à tous les stades de la procédure pénale, a ajouté Monsieur le Ministre.

Il a informé, en outre, que le présent projet de loi porte sur la spécialisation effective des magistrats appelés à traiter les dossiers liés à ce contentieux pénal. Ces magistrats qui disposent d'une compétence sur toute l'étendue du territoire national, seront appuyés dans l’accomplissement de leurs tâches respectives par des assistants spécialisés dans le traitement des infractions à caractère économique et financier.

Monsieur le Ministre a clos la lecture de l’exposé des motifs en annonçant que, pour assurer la cohérence dans la conduite de l'action publique liée à cette criminalité, le Procureur général près la Cour d'Appel de Dakar sera chargé, en relation avec les autres procureurs généraux, d'en coordonner l’exercice.

Prenant la parole, vos Commissaires ont renouvelé leurs encouragements à Monsieur le Ministre, avant de faire part de leurs préoccupations et suggestions qui, pour l’essentiel, se résument aux points ci-après :
Ils ont, d’emblée, salué la réforme proposée qui consacre la suppression de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI) qui a fait l’objet de nombreuses critiques, depuis sa réactivation en 2012.

Avec cette réforme, ont-ils soutenu, notre pays va pouvoir se doter d’une juridiction spécialisée, arrimée aux standards internationaux, notamment l’instauration du double degré de juridiction qui est un principe directeur dans le procès pénal.

Elle permettra, en outre, de mieux lutter contre les infractions à caractère économique ou financier qui sont de plus en plus difficile à poursuivre.

Dans le souci de favoriser l’appropriation de ce dispositif, il a été préconisé de mettre en place une stratégie de communication efficace, pour sensibiliser les populations sur la pertinence d’un tel dispositif.
Toutefois, Monsieur le Ministre a été interpellé sur les raisons qui justifient l’examen de ce projet texte suivant la procédure d’urgence. En effet, compte tenu de l’importance de la réforme, il fallait impliquer toutes les parties prenantes et prendre le temps nécessaire pour procéder à l’examen du texte, afin de mieux cerner ses différentes implications.

À ce niveau, certains Commissaires ont estimé que le procureur de cette nouvelle juridiction ne doit pas être placé sous la tutelle du Ministère de la Justice, car cela va impacter fortement son indépendance.

S’agissant de son mode de désignation, il a été proposé qu’il soit choisi démocratiquement par ses pairs.
De même, l’attention de Monsieur le Ministre a été attirée sur le marqueur d’efficacité de ce nouveau dispositif répressif, en termes de capacité et d’aptitude des juges à saisir le phénomène de la criminalité financière sous toutes ses formes. Ainsi, il a été demandé si le spectre de compétences du Pool judiciaire financier qui est assez large ne va pas constituer un facteur inhibant à son fonctionnement.

Parallèlement, des Commissaires ont plaidé en faveur de l’élargissement des domaines de compétences de cette juridiction, en y intégrant le délit foncier, le vol de bétail et les infractions issues de l’Acte uniforme de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) (distribution de dividendes fictifs, l’abus de bien sociaux…).

Sur le même sujet, il a été souhaité de revoir à la baisse le montant de 50 000 000 FCFA exigé pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions à caractère économique ou financier prévues aux articles 677-93 et suivants du présent texte.

Par ailleurs, la procédure de médiation pénale a été recommandée surtout pour les infractions douanières et fiscales qui sont essentiellement traitées à travers la transaction.

De plus, ils ont suggéré la mise en place d’un greffe spécialisé dédié exclusivement à cette nouvelle juridiction.

Des éclaircissements ont été également demandés sur le statut des assistants spécialisés qui ont pour fonction d’assister les magistrats.

Enfin, Monsieur le Ministre a été interpellé sur la réhabilitation des locaux du Tribunal de Grande instance de Sédhiou et sur l’impératif de veiller à l’humanisation des conditions de détention en milieu carcéral.
Reprenant la parole pour donner suite aux interpellations de vos Commissaires, Monsieur le Ministre les a d’abord vivement remerciés pour les mots d’encouragements qui lui ont été adressés et l’intérêt accordé à ce projet de loi, avant d’apporter les éléments de réponses suivants :

Sur la question relative à la procédure d’urgence qui a prévalu à l’examen dudit projet de loi, Monsieur le Ministre a indiqué qu’il s’agit tout simplement d’une procédure accélérée, adoptée dans un souci d’efficacité et de pragmatisme. À cela s’ajoute, l’opportunité de mettre en exécution les conclusions ressorties du dialogue national ainsi que la tenue prochaine de l’élection présidentielle, en février 2024.

Dans la même dynamique, il a rassuré que ce texte est le fruit d’un processus inclusif, nourri par des réflexions approfondies. À cet effet, il fera savoir que ledit projet de loi a été adopté en Conseil des ministres, à la veille des élections législatives de 2017 et que c’est simplement en raison de considérations visant à l’améliorer et y intégrer des préoccupations exprimées par d’autres acteurs qu’il a tardé à être soumis à l’Assemblée nationale pour adoption.

Considérant la nécessité d’avoir un dispositif juridictionnel efficace de lutte contre la criminalité économique et financière, Monsieur le Ministre a indiqué que le Sénégal a, très tôt, opté de faire face à la question de la criminalité économique et financière, de sorte qu’il a été inventé le délit d’enrichissement illicite que la plupart des démocraties occidentales vont intégrer plus tard dans leur législation.
Ainsi, a-t-il ajouté, dès 1981 il a été adopté deux lois, dont la première relative à la répression de l’enrichissement illicite a permis d’intégrer dans le Code pénal, le délit d’enrichissement illicite ainsi que le quantum de peine prévu pour la répression d’un tel délit et la seconde qui a instauré une juridiction spécialisée qu’ est la CREI qui est chargée de la répression des auteurs de telles infractions.

Toutefois, il a précisé que, aujourd’hui, face à la complexité et ou à la complexification de ces genres d’infraction, la CREI s’est révélée inadaptée pour apporter des réponses appropriées à cette problématique.

Fort de cette réalité, Monsieur le Ministre a informé qu’il est prévu, dans le cadre dudit projet de loi, de supprimer la CREI et d’instaurer un Pool judiciaire financier spécialisé dans la répression des crimes et délits économiques ou financiers, doté de magistrats spécialisés dans le domaine de la criminalité économique et financière chargés des poursuites et du jugement des infractions y relatives.

En outre, il a révélé que les magistrats du Parquet financier et les juges d'instruction financiers exercent leur fonction de membre du Pool judiciaire financier à l'exclusion de tout autre emploi.

Poursuivant dans le même sens, il est revenu sur la composition du Pool qui comporte un Parquet financier, un Collège des juges d'instruction financiers, d'assistants de justice spécialisés, d’une Chambre de jugement financière, d’une Chambre d'accusation financière et d’une Chambre des appels financière.

Sur ce dernier point, Monsieur le Ministre reste d’avis avec vos Commissaires sur l’importance de cette réforme qui permettra, notamment, de renouer avec l’un des principes directeur du procès pénal, en l’occurrence le principe du double degré de juridiction qui constitue une garantie fondamentale pour les droits de la défense et pour un procès équitable. Donc, cette question du double degré de juridiction qui constituait une des faiblesses de la CREI a trouvé une réponse dans le cadre de ce texte, a-t-il rassuré.

S’agissant de la sphère de compétence du Pool judiciaire financier Monsieur le Ministre a fait comprendre qu’il exerce une compétence concurrente à celle des juridictions de droit commun, pour la poursuite,
l'instruction et le jugement de certaines infractions à caractère économique ou financier, prévues à l’article 677-93, présentant une grande complexité, en raison notamment du nombre important d'auteurs, de complices ou de victimes, de l’importance du préjudice, ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent.

En revanche, il fera noter qu’en dépit de ces compétences partagées, le Pool exerce une compétence exclusive pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions à caractère économique ou financier, dans les domaines prévus à l’article 677-94.

Par rapport à la demande de réduction du seuil financier de 50.000.000 de FCFA exigé dans le cadre de la compétence matériel du Pool judiciaire financier dans certaines matières, il dira que ce montant est fixé pour éviter que le Pool soit encombré par des questions d’escroquerie dont le montant n’est pas exorbitant. Toutefois, il a tenu a rassuré que ces cas d’infractions concernés, restent justiciables devant les juridictions de droit commun.

Concernant la question de la nécessité d’avoir un greffe spécifique, dédié à la nouvelle juridiction, il a estimé que cette question peut faire l’objet d’amendement. A défaut, elle pourra être prise en charge par un arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

Mesurant à juste titre l’importance de la communication dans la perception et l’acceptation de cette réforme par les citoyens, Monsieur le Ministre dira être en phase avec vos Commissaires sur le fort besoin de mettre l’accent sur cette question, pour parer à toutes éventualités d’incompréhensions. Il en a profité pour faire comprendre que le Pool judiciaire financier est plus redouté que la CREI. Il sera plus outillé.

L’expertises ainsi que la technicité des magistrats spécialisés dans le domaine de la criminalité économique et financière feront que la traque va être plus facile pour eux et plus corsée pour ceux qui vont être traqués.

S’agissant de la demande d’intégrer la question du vol de bétail parmi les infractions rentrant dans les domaines de compétences du Pool judiciaire financier, Monsieur le Ministre a indiqué que cela pourrait poser un problème opérationnel, du moment où le Pool est situé à Dakar, alors que le vol du bétail est plus exacerbé à l’intérieur du pays.

De même, pour ce qui est des délits fonciers, il a relevé qu’ils sont souvent associés au blanchiment de capitaux, à l’escroquerie, entre autres infractions, qui sont bien pris en compte dans les compétences du Pool judiciaire financier.

Par rapport à la demande de réhabilitation des bâtiments du tribunal de grande instance de Sédhiou, Monsieur le Ministre a rassuré que le nécessaire sera fait par ses services.

Revenant sur les mesures d’humanisation des conditions de détention, il a rappelé que beaucoup de progrès ont été fait dans ce cadre. Pour preuve, l’usage des bracelets électroniques, les grâces accordées à des milliers de prisonniers à l’occasion des fêtes, les libérations conditionnelles accordées à certains prisonniers ainsi que la mise en place d’une autorité administrative indépendante, chargée de veiller au respect des conditions de détention des prisonniers, à travers des contrôles réguliers effectués au niveau des prisons, des commissariats, de la gendarmerie, entre autres, pour s’enquérir de la situation des détenus et établir des rapports périodiques.

En guise de conclusion, le Ministre dira prendre bonne note des propositions et suggestions faites par vos Commissaires.

Satisfaits des réponses apportées par Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont adopté, à la majorité, le projet de loi n°11/2023 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.
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