La seule fois que le fils de l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, a été candidat à une élection au Sénégal, il a été sévèrement battu. Malgré l’enthousiasme autour de sa participation à la Présidentielle de 2024, Karim Wade part loin derrière ses adversaires politiques.
Une modification du Code électoral et le tour est joué ! Après sept ans d’exil au Qatar, Karim Wade entrevoit l’espoir d’un retour au Sénégal. Les consensus annoncés dans les discussions du Dialogue national, en attente d’un accord du président de la République et de l’Assemblée nationale, devraient permettre au candidat annoncé du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’être sur la ligne de départ de l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Si les militants libéraux s’enthousiasment déjà, le fils de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade (2000-2012) n’arrive pas pour autant en terrain conquis. Loin de là ! Pour gagner la prochaine Présidentielle, Karim Wade part très loin.
Une des premières conséquences d’un retour de Karim Wade, en l’état actuel, serait son emprisonnement. Condamné le 23 mars 2015 par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei), une juridiction spéciale, à une peine de six ans d'emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA, le fils de Wade a bénéficié d’une grâce présidentielle en 2016, avant de quitter le pays manu militari. Mais son retour est conditionné au paiement de cette amende, sous peine de l’exécution d’une contrainte par corps.
Régler les détails d’un retour toujours annoncé, jamais effectif
Malgré tout, ceci pourrait être annulé, si la révision de ce procès, comme annoncé parmi les compromis du Dialogue national, devait être effective. Une éventualité qui fait regretter à Aminata Touré, ministre de la Justice au moment des faits, que les Sénégalais ‘’ feront ainsi le deuil des 138 milliards que Karim Wade doit au Trésor public’’.
L’intéressé avait pris les devants en s’inscrivant sur les listes électorales, en Turquie, lors de la période de révision exceptionnelle. Et s’il s’apprête à revenir comme un héros dans le jeu électoral, Karim Wade l’a quitté par la petite porte, après la chute de son père, en 2012. Cristallisant toute la colère des Sénégalais lors de la fin de règne du président Abdoulaye Wade, l’ancien ministre de l’Énergie a été poursuivi pour justifier une fortune colossale que la Crei lui prêtait.
C’est ainsi qu’il a été sévèrement battu lors des élections locales de 2009, alors qu’il briguait la mairie de Dakar. Lors de cette unique expérience électorale, Karim Wade a été battu jusque dans son propre bureau de vote, malgré la mise en place du mouvement Génération du concret dans le parti de son père et tous les moyens dégagés par le pouvoir pour conserver le contrôle de la capitale. Ces élections locales de 2009 marquent même un tournant vers la chute du régime, trois ans plus tard, de nombreuses villes, dont Dakar, tombant entre les mains de l’opposition.
Un profond désamour avec les Sénégalais
Ce désamour n’a fait que grandir lorsque Abdoulaye Wade, malgré l’avertissement électoral, nomme son fils ministre de l'Énergie en mai 2009, puis ministre d'État, ministre de la Coopération internationale, de l'Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Autant de portefeuilles qui lui valent le surnom de ‘’ministre du Ciel et de la Terre’’. Et l’impopularité croissante de Karim va crescendo, le fils du président symbolisant la dérive affairiste des années Wade.
Ce sentiment populaire atteint son paroxysme lorsque, le 23 juin 2011, Abdoulaye Wade essaie de faire voter à l’Assemblée nationale une révision électorale visant un "ticket présidentiel" pour élire à la fois un président et un vice-président dès le premier tour de la Présidentielle avec 25 % des votants. Les violentes manifestations pour s’opposer à ce projet destiné à ‘’léguer’’ le pouvoir à son fils et le retrait du texte constituent un grand camouflet dont les Wade ont peiné à se relever.
Emprisonné, gracié et exilé, Karim Wade a-t-il su se reconstruire ? Présenté comme le candidat du PDS à l’élection présidentielle 2019, après le retrait de son père de la compétition électorale, l’ancien super ministre a surfé sur un sentiment d’injustice légitimé par les juridictions internationales après son procès. La Cour de justice de la CEDEAO a reconnu que ses droits avaient été violés lors de son procès. Le Comité des Droits de l’homme des Nations Unies, en novembre 2018, a estimé que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade, qui ne dispose pas d’un double degré de juridiction, ‘’doit être réexaminée’’.
Un positionnement efficace
Malgré son absence du territoire, Karim Wade reste très présent dans la sphère politique. D’abord en faisant le vide au sein du PDS. Omar Sarr, Pape Diop, Babacar Gaye, El Hadj Amadou Sall, tous les cadres du parti qui n’avaient pas rejoint la majorité présidentielle ont été écartés au bénéfice de nouveaux profils affiliés à Wade fils. Ensuite, malgré son inéligibilité, Karim Wade est toujours présenté comme le candidat du PDS à la Présidentielle 2019. Une stratégie gagnante, puisque sa non-participation, combinée à celle de Khalifa Sall dans des circonstances similaires, le fait passer pour une victime de la volonté du président sortant d’écarter des élections les candidatures gênantes.
Surfant sur cet élan et au gré des alliances politiques et électorales, les élections locales de janvier et législatives de juillet 2022 ont acté le retour au premier plan du PDS. Avec les accords obtenus au sein du Dialogue national et sa probable candidature en 2024, Karim Wade va enfin jauger sa valeur au révélateur d’une élection présidentielle.
Mais cette fois-ci, en comptant sur l’appareil d’un PDS qui a retrouvé de l’élan politique.
Toutefois, l’enfant banni a-t-il soigné ses maux ? ‘’Pas assez sénégalais’’ ; ‘’il ne parle pas wolof’’ ; ‘’un fils à papa déconnecté des réalités locales’’, etc.
L’équation Sonko
En plus du pouvoir en place, Karim Wade devra également faire ses preuves devant Ousmane Sonko, qui a occupé le vide qu’il a laissé pendant sept ans. Le leader de Pastef reste le seul opposant qui a fait vaciller le pouvoir de Macky Sall et l’a poussé dans ses retranchements. Alors que la participation du maire de Ziguinchor à la Présidentielle 2024 reste floue, du fait de ses condamnations judiciaires, l’approbation de l’opposant le plus populaire du moment sera précieuse dans huit mois, pour qui réussira à l’obtenir.