D’après le rapport du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss), au mois de mars dernier, 4 % de la population sénégalaise souffraient d’une crise alimentaire. Le même document prédit que la situation va s'aggraver pendant la prochaine période de soudure, de juin à août 2023.
Le rapport régional du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss) sur les crises alimentaires dans la région du Sahel et en Afrique de l'Ouest a été rendu public. Il est présenté comme un produit dérivé du rapport mondial sur les crises alimentaires (GRFC 2023). Il est donc le résultat d'un processus complexe, multipartite et consensuel impliquant l'engagement et les contributions d'une multitude d'agences et de personnes, et est facilité par le Réseau d'information sur la sécurité alimentaire (FSIN). Treize pays de l’Afrique de l’Ouest sont concernés par ce rapport.
Selon le rapport parcouru par ‘’EnQuête’’, au Sénégal, entre mars et mai 2023, 0,6 million de personnes ou 4 % de la population analysée sont dans la phase cadre harmonisé (CH3), autrement dit dans une crise alimentaire. Pendant la période de mars à mai 2023, environ 680 000 personnes étaient en phases CH 3 à CH 5 (urgence alimentaire) en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires de base, des intrants et d'autres chocs macroéconomiques, selon la même source. L'ampleur de la crise alimentaire, prédit-on dans le document, va s'aggraver pendant la prochaine période de soudure, de juin à août 2023, car le nombre de personnes en phases CH 3 à 5 devrait atteindre 1,26 million de personnes, soit une augmentation significative de 43% par rapport à la période de soudure de 2022.
‘’Ces niveaux d'insécurité alimentaire sont sans précédent au Sénégal, avec le nombre de personnes en phases CH 3 à CH5 dépassant le seuil d’un million pour la première fois en huit ans depuis la période de juin à août 2015, et représentant 7 % de la population analysée’’, a confié le document.
En outre, pour la classification du cadre harmonisé (CH), ils sont de l’ordre de cinq phases. Du fait des évolutions techniques des outils et processus du CH et des efforts d'harmonisation menés au cours de la dernière décennie, les approches de classification intégrées de la phase de sécurité alimentaire (IPC) et CH de l'insécurité alimentaire aiguë sont très proches l'une de l'autre et donnent des chiffres comparables sur l'insécurité alimentaire aiguë.
La classification en cinq phases CH1 (aucune/minimale), CH2 (sous pression), CH3 (crise), CH 4 (urgence), CH5 (catastrophe/famine). Ce dernier, selon le document, est basé sur une convergence des preuves disponibles, y compris des indicateurs liés à la consommation alimentaire, aux moyens de subsistance, malnutrition et mortalité.
Chaque phase, a expliqué le rapport, a des implications importantes et distinctes pour savoir où et comment intervenir au mieux pour influencer les objectifs de réponse prioritaires. ‘’Les populations en crise (phase 3 du CH), en situation d'urgence (phase 4 du CH) et en catastrophe (phase 5 du CH) sont considérées comme celles qui ont un besoin urgent d'aide alimentaire, de moyens de subsistance et de nutrition. Les populations sous pression (phase 2 du CH) nécessitent un ensemble distinct d'actions, idéalement des interventions de réduction des risques de catastrophe et de protection des moyens de subsistance. La classification d'une zone en état de famine nécessite des preuves sur la sécurité alimentaire, la nutrition et la mortalité égales ou supérieures aux seuils de la phase 5 du CH. S'il n'y a pas suffisamment de données pour la classification famine, mais que les informations disponibles indiquent qu'une famine se produit ou se produira probablement, alors la classification famine est appelée ‘famine probable’. Il est important de noter que ‘famine’ et ‘famine probable’ sont tout aussi graves’’, a expliqué le document.
Aperçu des crises alimentaires et nutritionnelles 2023
Le nombre de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle (phases CH 3 à 5) était estimé à 28,6 millions de personnes pendant la période de mars à mai 2023 dans 13 pays, selon la même source. Pendant la soudure de juin à août 2023, ce chiffre devrait atteindre 41,47 millions de personnes, soit les niveaux les plus élevés depuis le début du cadre harmonisé en 2013, 104,01 millions de personnes, soit 27 % de la population analysée dans 16 pays sont projetés en sous pression (phase CH 2) de juin à août 2023. Sur ces 41,47 millions de personnes en phases CH 3 à 5 dans 16 pays, environ 45 200 devraient être en situation de catastrophe (phase CH 5), dont 42 700 personnes dans les régions de la boucle du Mouhoun et du Sahel au Burkina Faso et environ 2 500 dans la région de Ménaka au Mali. La hausse de ce chiffre est attribuable, d’une part, à une augmentation de la population analysée et à la saisonnalité de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Les principaux facteurs des crises alimentaires sont associés aux effets cumulatifs de chocs tels que : la persistance des conflits et l’aggravation de l’insécurité civile, les chocs économiques, l’impact accru des phénomènes météorologiques extrêmes.
En outre, renseigne le rapport, près de 90 % des 12,25 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aiguë dans huit pays de la région en 2023 se trouvent seulement dans quatre pays : le nord du Nigeria, le Niger, le Tchad et le Mali.
En outre, environ 1,18 million des femmes enceintes ou allaitantes souffrait de malnutrition aiguë en 2022. ‘’Bien que l’état nutritionnel des enfants et femmes soit déterminé par de multiples éléments, les principaux facteurs sont : les pratiques d’alimentation maternelle et infantile inadéquates, les niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, la faible couverture des services de santé, le manque d’accès aux services d’eau, d’hygiène et d’assainissement et la prévalence élevée des maladies infectieuses. Bien que la malnutrition infantile reste obstinément préoccupante, la disponibilité des données dans la région est un grand défi. Le manque d’accès humanitaire à certaines zones à cause de l’insécurité empêche la réalisation d’enquêtes régulières sur la nutrition, tandis que la réduction des financements humanitaires amène les pays à réduire la couverture de leurs enquêtes nutritionnelles et/ou leur fréquence.
La région est confrontée à une crise croissante de déplacement, avec 6,62 millions de personnes déplacées internes (PDI) dans les cinq pays touchés par les conflits : le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le nord du Nigeria et l’ouest du Tchad où le nombre d’événements d’insécurité et de conflits a augmenté de 27 % en 2022 par rapport à l’année précédente. Le Nigeria et le Burkina Faso comptent à eux seuls 83 % de la région, avec ces populations en augmentation rapide. Le déplacement a entraîné une perturbation sérieuse des moyens de subsistance agricoles, de la transhumance pastorale, des marchés et du commerce’’, a souligné le document.
Dans les zones les plus gravement touchées, la fourniture d’une assistance humanitaire a été presque entravée. Il a exacerbé la pression sur des ressources naturelles limitées, aboutissant à une exploitation excessive, et mettant en péril la cohésion sociale et alimentant les conflits communautaires. Presque la moitié de réfugiés et demandeurs d’asile dans la région était accueillie au Tchad, principalement en provenance du Soudan.
Depuis la recrudescence du conflit armé au Soudan à la mi-avril 2023, le nombre de réfugiés au Tchad est passé de 592 000 en décembre 2022 à 680 000 en mai 2023.