Les Sénégalais pourraient se lever vendredi prochain sans voir leurs journaux dans les kiosques ou écouter les informations à travers les ondes des radios et télévisions. La Coordination des associations de presse (Cap) a, dans son plan d’actions pour lutter contre les entraves à la liberté de la presse, annoncé une journée sans presse vendredi prochain. Un combat pour lequel la Cap appelle tous les confrères à la solidarité.
Par Justin GOMIS – Répression aveugle des Forces de défense et de sécurité sur le terrain, des membres envoyés en prison pour des raisons fallacieuses et saugrenues, des journalistes livrés à la vindicte populaire par des politiciens manipulateurs, voilà quelques-unes des gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase de la Cap. «Face aux attaques, agressions et tentatives de musellement de part et d’autre, la Cap demande à tous les professionnels de s’ériger en bouclier et de faire face», a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse qui s’est tenue hier à la Maison de la presse.
Dans cette dynamique de combat, les journalistes ont mis en place leur stratégie. «Nous allons lancer cette lutte par un édito commun qui sera publié le lundi dans tous les supports. Nous en ferons une version française et wolofe pour la presse audiovisuelle. Le mercredi, nous tiendrons notre traditionnel Conseil des médias à la Maison de la presse, avant de terminer par une journée sans presse le vendredi. Nous avons aussi prévu une grande marche nationale au mois de juillet», a décliné Makhaly Ndack Ndoye, le chargé des revendications du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics). D’après le journaliste de L’Observateur, chargé de faire la lecture de la déclaration liminaire, «toutes les dispositions nécessaires seront prises pour que cette fois-ci, les thuriféraires ne pointent pas notre division ou nos divergences». Mais, en attendant cette semaine cruciale pour ce combat pour la liberté de la presse, les membres de la Cap exigent au gouvernement «d’enlever son genou du cou de la presse».
«La presse sénégalaise ne respire plus. Nous avons honte de regarder nos frères et sœurs africains en face, eux qui venaient souvent ici pour se ressourcer, pour prendre des exemples. Aujourd’hui, nous sommes la risée de tout le monde à cause de ce recul», ont-ils fait savoir. D’après eux, «cet acharnement dépasse le fait de mettre des journalistes en prison, de couper le signal, même si ces derniers actes sont les manifestations abjectes les plus inadmissibles». Pour la Cap, il y a une volonté manifeste «de museler la presse à travers l’arme sournoise de la fiscalité et un refus indéniable de donner à la presse les moyens de son indépendance». Et c’est pourquoi, face à cette volonté d’affaiblir la presse, ils exigent «la fin immédiate de ces brimades et agressions contre les professionnels des médias», sans oublier «la libération de tous les journalistes mis en prison pour des délits liés à l’exercice de leur profession». Car «la presse n’en peut plus d’endurer ces coups de Jarnac insupportables du pouvoir et la tyrannie de la pensée unique», martèlent-ils.
Appel à la solidarité
Pour une réussite de cette journée sans presse, la Cap appelle les journalistes à la solidarité. «Nous avons déjà organisé une journée sans presse sous Wade, quand Madiambal Diagne avait été arrêté. C’était une belle réussite. Il n’y a pas longtemps, nos confrères de la Guinée l’ont réussie de la plus belle des manières. Même la presse gouvernementale avait suivi le mouvement. On ne peut pas faire moins», avertit Ibrahima Lissa Faye, qui a appelé tous ses confrères à la solidarité. En attendant, la Cap promet de discuter avec les patrons de presse pour une réussite de cette journée.
Entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition
La situation délicate de la presse sénégalaise n’est pas du seul fait des autorités gouvernementales. Selon la Cap, la corporation est pour ainsi dire prise en otage entre deux factions. «Les médias sont aujourd’hui entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition. Un journaliste ou une rédaction critique ou à cheval sur les principes fondamentaux du métier est accusé de pro ou anti», dénoncent-ils, en invitant la population et les différentes composantes des médias à «ne pas courber l’échine et à faire attention à ces pyromanes qui veulent faire croire que tel média est corrompu, tel autre partisan».