Les attaques contre certaines représentations diplomatiques et la décision de fermeture provisoire des consulats généraux du Sénégal à l'étranger qui s’en est suivie sont fortement condamnées par la diaspora. L’expert électoral Ndiaga Sylla revient sur les conséquences de la mesure qui a été levée, sur le processus électoral et préconise quelques solutions.
Le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur (MAESE) a décidé, il y a quelques jours, de la fermeture provisoire des consulats généraux du Sénégal à l'étranger. Il a expliqué cette mesure par la série ‘’d'agressions’’ récemment perpétrées contre les missions diplomatiques et consulaires du Sénégal à l'étranger, notamment à Paris, Bordeaux, Milan et New York. Ces actes, expliquait une note rendue publique, ont entraîné de sérieux dommages, particulièrement au consulat général du Sénégal à Milan où les machines de production des passeports et cartes nationales d'identité ont été détruites.
Devant la vague d’indignation et de condamnation qui a sanctionné cette décision, les services du ministre Aissata Tall Sall ont décidé de revenir sur cette décision. À travers un communiqué publié hier, il a été annoncé la reprise des activités des consulats, pour compter de ce vendredi 9 juin 2023.
Toutefois, cette reprise, précise le document, se fera en tenant compte de l'état de dégradation du matériel et des locaux, pour ce qui concerne les consulats ayant subi des actes de vandalisme. De ce fait, le ministère ‘’invite nos compatriotes de l'étranger à contribuer à la sauvegarde de nos structures et à la préservation de l'intégrité physique des membres du personnel qui sont au service de la communauté’’.
Aux yeux des compatriotes vivant aux quatre coins du monde, cette décision est excessive. Ils n’oublient pas de condamner les actes posés par les manifestants.
Dame Mbengue vit en Italie depuis plusieurs années. Il est d’avis que ceux qui ont attaqué l’institution n’ont pas rendu service à la diaspora. Au contraire, il s’agit d’une difficulté de plus qui est venue s’ajouter à d’autres qui étaient là auparavant. ‘’Nous sommes dans tous nos états. Les auteurs de cet acte sont incompréhensibles. S’ils sont mécontents d’une situation et/ou de la gestion de Macky Sall et ne trouvent rien d’autre comme solution que de saccager des consulats, ça devient inquiétant. Ils n’ont même pas épargné les machines de passeports.
Ce n’est pas joli. Les documents trouvés dans les consulats et les ambassades nous appartiennent. Il n’y a aucun document de Macky Sall ou de son fils. Aujourd’hui, les gens qui doivent renouveler leur passeport, ils ne peuvent plus le faire. Avant cette fermeture, ils pouvaient avoir un document livré par le consul qui leur permettrait de rentrer et de revenir, mais ce n’est plus possible avec cette situation. La diaspora va vivoter avec cette nouvelle donne. Les auteurs de ces actes n’ont pas fait du mal à Macky Sall, mais à la diaspora. Il faut que cela soit clair : ils nous ont fait du tort. On a implanté ces consulats pour prendre en charge les difficultés des Sénégalais. Donc, essayer de les détruire est un acte inhumain’’, tonne celui qui dirige une association de plusieurs Sénégalais vivant en Italie.
Il ajoute : ‘’Quand on manifeste, on doit chercher une bonne technique de lutte et non pas faire du tort à une personne qui n’est nullement concernée. Ils disent qu’ils mènent un combat contre l’État et ils ont pris la décision de saccager les consulats et ambassades où il y a nos documents et ceux de nos enfants. C’est une mauvaise image qu’on montre aux pays qui nous reçoivent. Ici en Italie, les gens font des manifestations tous les jours, mais ils le font dans les règles de l’art. Mais nous, nous montrons une image qui écorne notre pays.’’
D’ailleurs, les conséquences sont nombreuses et multiformes. Les dépôts de passeports, de cartes de séjour, les voyages vers le Sénégal, les papiers pour les enfants, les mariages et les décès sont impactés. ‘’La prochaine fois, s’ils doivent manifester, qu’ils changent de stratégie, car celle-là ne les honore pas, en sus de faire du mal à nous la diaspora et non au régime de Macky Sall. J’ai eu vent qu’il y a une personne qui est décédée ici et qui devrait être acheminée au Sénégal. Vous imaginez la galère déjà ?’’, s’offusque Dame Mbengue.
‘’On ne doit pas fermer des consulats pour un problème privé’’
Mor Kane, ancien député de la diaspora, pense, lui, qu’on n’aurait jamais dû prendre la décision de fermer les consulats. ‘’Le gouvernement doit savoir qu’il est là pour tout le monde. Il doit vérifier avant de prendre une décision, pour éviter certaines conséquences. Ce genre de décision pourrait être évité, s’il avait ouvert ses portes et pris conseil. Cette décision de fermer les consulats me chagrine. On ne doit pas fermer des consulats pour un problème privé. J’allais comprendre, si c’était un problème national. Mais pas pour un souci qui est politisé’’.
Il s’en prend aussi à ceux qui ont attaqué les représentations diplomatiques. Car, à ses yeux, un consulat est un bien public qui appartient à tous. ‘’Nous avions vraiment une belle diplomatie qui faisait un excellent job. Nous sommes dans une période de révision électorale. Ce pays a besoin d’unité, puisque nous avons découvert du gaz et du pétrole. On ne doit pas accepter la division, sinon les Occidentaux vont faire comme ce qu’ils ont fait au Congo. Autrement dit, prendre leurs ressources et les exporter. Pour éviter une telle situation, il urge pour nous tous de nous unir, de discuter et de prendre des décisions consensuelles’’, déclare Mor Kane.
Les implications de la fermeture des consulats sur le processus électoral
Pour l’expert électoral Ndiaga Sylla, la fermeture provisoire des consulats impactera le processus électoral.
En effet, explique Ndiaga Sylla, le chef de la représentation diplomatique ou consulaire est compétent en matière de traitement du contentieux de la révision des listes électorales. Il convient, selon lui, de rappeler que cette phase du contentieux préélectoral, précédée par l'affichage des listes électorales depuis le 31 mai 2023, se déroule du 1er au 18 juin 2023 sur l'étendue du territoire national et à l'étranger, en vertu du décret instituant la révision exceptionnelle des listes électorales en vue de la Présidentielle de 2024.
‘’Également, les compétences dans le cadre de la gestion du processus électoral sont principalement dévolues, non pas au chef de la représentation diplomatique, mais au consulat. Sous ce rapport, le Code électoral précise que lorsque, dans un pays étranger, il y a coïncidence entre les deux représentations, il revient au consul de gérer le processus électoral. À titre d'exemple, la juridiction de Paris. En outre, ces autorités diplomatiques et consulaires ont les mêmes compétences, en matière de contentieux sur les inscriptions, que le président du tribunal d'instance, juge en premier et dernier ressort. C'est pourquoi, nonobstant le contexte tendu et les scènes de violence notées dans certains consulats, nous tenons à alerter les autorités et l'opinion sur les perturbations que la fermeture de ces établissements aura sur les opérations préparatoires à l'élection présidentielle’’, souligne le président du Dialogue citoyen.
En outre, tout en regrettant, pour les déplorer, de tels actes à l'encontre des autorités diplomatiques et des symboles de l'État, il souhaite que des mesures idoines soient prises dans les meilleurs délais, pour faire respecter le droit des électeurs résidents ou établis à l’étranger à former un recours auprès les consulats.
‘’Ce qui est un dérivé du droit fondamental de suffrage. En définitive, l'État du Sénégal doit solliciter la sécurité des ambassades et consulats auprès des autorités locales. A défaut, il y a la voie de la prorogation de la période contentieuse à titre exceptionnel’’, explique l’expert électoral.