Saint-Louis, ville tricentenaire, culturelle et historique, a abrité des activités célébrant le centième anniversaire de la naissance de l’homme multidimensionnel Sembène Ousmane. C’est dans ce cadre que le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Pr. Aliou Sow, a présidé hier à l’UGB l’ouverture d’un colloque international de trois jours dont le thème porte sur "Hétérotopie des possibles".
Ousmane Sembène, né le 1er janvier 1923 à Ziguinchor, aurait eu cent ans ce 1er janvier 2023. Figure majeure du Sénégal et de l’Afrique au XXe et au début du XXIe siècle, Sembène aura marqué son époque par son rôle de précurseur dans le domaine du cinéma, de militant infatigable au service de la cause des peuples noirs.
Venu présider cette rencontre intellectuelle de dimension mondiale à l’université Gaston Berger (UGB), le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Pr. Aliou Sow, au nom du président de la République, s’est réjoui que l’université Gaston Berger de Saint-Louis ait choisi de s’associer à la célébration du centenaire de la naissance de Sembène Ousmane, l’écrivain, le cinéaste, l’homme de culture, le militant engagé, le défenseur des faibles et des opprimés, le panafricaniste, en organisant ce colloque international.
Pour lui, il est important que le centenaire de la naissance de Sembène Ousmane, valeureux fils du Sénégal, de l’Afrique et du monde noir en général, soit célébré selon la dimension qu’il représente. Car, a-t-il ajouté, une commémoration, un anniversaire, sont des moments importants où le souvenir est magnifié, où la contribution de la personnalité à la marche de l’histoire est célébrée et évaluée.
"Donc, célébrer Sembène Ousmane est pour l’institution que je représente, le ministère de la Culture et du Patrimoine historique, l’État du Sénégal, un devoir et un privilège, une manière aussi de donner cette figure imposante en exemple à notre jeunesse, et notamment celle des créateurs, dans un contexte où la jeunesse, soumise à toutes sortes de tentations susceptibles de la dévier du chemin du devoir citoyen, a plus que jamais besoin de repères et de références solides", a déclaré Aliou Sow.
Selon lui, la création de Sembène s’est nourrie de sa riche expérience de vie ainsi que de son engagement militant. "Cette posture doit naturellement nous orienter davantage à ne pas appréhender cette figure d’envergure avec les représentations habituelles que nous nous faisons de l’intellectuel, du créateur, du militant. Il aura été maçon, mécanicien, docker, écrivain, cinéaste, syndicaliste, militant politique. Nourri de ses diverses expériences de vie, de travail et d’engagement militant, il s’est posé en fin sociologue, en observateur avisé, sans nécessairement posséder les outils formels qui organisent cette science. Cette posture est aussi une leçon pour nous tous", a-t-il précisé.
Avant d’ajouter qu’il est surtout essentiel que la jeunesse d’aujourd’hui et les générations futures puissent s’approprier, pour en faire des viatiques de vie, de pensée et d’action, les messages fondamentaux portés par Sembène et que reflètent aussi bien sa vie elle-même, si riche de chemins divers, que sa création cinématographique et romanesque.
D’ailleurs, ces espaces divers, fragmentés, mais aussi complémentaires, enrichissent ses expériences de vie et crédibilisent son parcours de créateur et de militant. En une vie, Sembène a vécu en réalité plusieurs vies. "Ce qui fait son originalité, n’est pas cet intellectuel de stéréotype, rêveur coupé du réel, comme souvent on l’entend abusivement sous nos latitudes. Il n’est pas non plus un universitaire moulé dans les savoirs fondamentaux ; c’est un autodidacte façonné à l’expérience édifiant du monde ; sa pensée et son action ne s’inscrivent pas dans une représentation sans ancrage sur le réel", a déclaré le ministre.
Raison pour laquelle, a-t-il soutenu, son œuvre est une interpellation permanente sur la condition humaine, qu’il est utile et nécessaire de lire et même de relire Sembène Ousmane dont l’œuvre, marquée du sceau de l’intemporalité est, comme le "Grenier du Patriarche". "C’est une mémoire en mouvement distillant des enseignements qui permettent, assurément, de comprendre le présent et de se projeter, avec des repères substantiels, vers un futur qui, nous l’espérons tous, réconciliera l’humanité avec elle-même pour bâtir la Civilisation de l’Universel", a poursuivi le ministre Sow.
L’homme Sembène, un modèle pour la jeunesse
À en croire toujours le Pr. Aliou Sow, Sembène Ousmane est une figure tutélaire de l’intellectuel total au sens noble. Puisque, a-t-il expliqué, l’intellectuel se distingue par le courage physique de défendre ses convictions en toutes circonstances, par sa valeur de guide et de conscience de son Peuple, par la curiosité et l’engagement au service de tout ce qui touche l’humain. "Sembène Ousmane aura pris le parti courageux de ne pas se poser en spectateur ni en témoin passif de l’Histoire. Il a assumé, s’appuyant sur un remarquable volontarisme, le rôle d’acteur engagé à infléchir la marche de l’histoire, lorsque celle-ci ne lui semble pas épouser la destinée de son peuple, en prenant des chemins de traverse. Nous devons donc offrir Sembène en viatique à notre jeunesse en raison de son engagement désintéressé pour la collectivité, de son courage, de sa fidélité dans ses convictions et la défense de ses idées ", a soutenu M. Sow.
Revenant sur la portée de la célébration du centenaire de la naissance de Sembène, le ministre de la Culture a rappelé que la célébration de ceux d’entre nous qui ont été des vigies et des acteurs de notre histoire s’avère une nécessité incontournable. " Entretenir la mémoire des grands événements historiques, en tirer les enseignements pour le présent et le futur, les magnifier comme des marques indélébiles du temps qui passe, voilà ce à quoi s’attache la conscience des Nations fortes. Si le philosophe Paul Ricœur, dans son ouvrage intitulé La mémoire, l’histoire, l’oubli nous met en garde contre les excès de commémoration, lesquels pourraient s’avérer en fin de compte contre-productifs, en allant à l’encontre du l’objectif, il demeure que, pour nos jeunes Nations en quête de voies balisées, inscrites dans la construction d’une conscience collective et de mythologies assez remarquables pour aider à fédérer les énergies, à entretenir le sentiment d’une appartenance commune" a signalé Aliou Sow.
Selon toujours le ministre de la Culture, il appartient aux institutions diverses, aux militants de la pensée africaine, de vivifier la mémoire et le legs de Sembène Ousmane.
À ce propos, il dit marquer toute la disponibilité de l’État du Sénégal à prendre des mesures pertinentes pour la préservation et la valorisation du patrimoine créatif et des lieux de vie de Sembène Ousmane.
Je sais pouvoir compter sur les acteurs engagés que sont les universitaires ainsi que sur les créateurs dans toutes les disciplines. "Que donc la pensée, le courage, la générosité, l’engagement désintéressé de Sembène Ousmane continue à inspirer des générations de jeunes dans le monde pour une humanité réconciliée avec ses valeurs fondamentales" a conclu le ministre Aliou Sow.