Après l’inscription de Karim Wade, Secrétaire général adjoint du Parti démocratique sénégalais (Pds) sur les listes électorales, le débat sur son éligibilité a été reposé. Des spécialistes interpellés estiment que cette inscription n’est pas automatique et « qu’il reste inéligible sauf si une modification du Code électoral en ses articles L57, L29 et L30 est effectuée ou qu’une loi d’amnistie est adoptée ».
Le lundi 17 avril dernier, une photo de Karim Meissa Wade s’inscrivant sur les listes électorales en Turquie a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Sur le récépissé destiné au demandeur, on lit que Karim Wade a sollicité, auprès de la commission administrative de Turquie, une inscription sur la liste électorale de la commune de Point E. Pour beaucoup d’observateurs politiques, cette inscription vient confirmer la volonté du Secrétaire général adjoint (Sga) du Parti démocratique sénégalais (Pds) d’être candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Toutefois, il y a toujours un bémol à cette volonté du fils de l’ancien Président du point de vue du code électoral.
Serigne Thiam, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), interrogé par « Le Soleil », explique qu’être enregistré sur les listes électorales ne signifie pas automatiquement avoir la qualité d’électeur. « S’il y a des situations d’inéligibilité comme des condamnations faisant obstacle au maintien dans les listes, le concerné sera simplement enlevé du fichier. Par conséquent, même si Karim a été reçu par la Commission et que son inscription a été enregistrée, il n’en demeure pas moins qu’il reste inéligible sauf si une modification du Code électoral en ses articles L57, L29 et L30 est effectuée ou autrement une loi amnistiante votée », a affirmé le Professeur Serigne Thiam. Ce dernier a rappelé qu’en 2019, Karim Wade était inscrit sur les listes, mais il a été déclaré inéligible à cause de sa condamnation dont les effets d’interdiction sont toujours à l’ordre du jour.
Allant dans le même sens, l’expert électoral Ndiaga Sylla a soutenu que « Karim Wade et Khalifa Sall, étant déchus de leur droit de vote en vertu de l’article L. 29 du Code électoral, sont privés définitivement de s’inscrire sur une liste électorale à moins qu’ils ne bénéficient d’une réhabilitation ou font l’objet d’une mesure d’amnistie prévue par l’article L.28 ». Pour lui, Karim Wade a formulé une demande d’inscription sur la liste électorale de sa commune d’origine (Point E.) à partir d’une Commission administrative de l’extérieur, en application de L.36 du code électoral. En lui délivrant un récépissé d’inscription, la Commission administrative n’a pas rejeté sa demande, ce qui veut dire qu’il n’est pas ouvert un contentieux concomitant à l’enrôlement.
Les différents niveaux de contentieux
Selon M. Sylla, il existe trois niveaux de contentieux sur les inscriptions. Premièrement, il s’agit du contentieux concomitant à la révision qui oblige le président de la Commission administrative à notifier, séance tenante, à l’intéressé, sa décision. Celui-ci dispose de 48h pour saisir le Président du Tribunal d’instance ou le Chef de la représentation diplomatique ou consulaire. Le deuxième niveau concerne la phase de traitement et la validation par les services centraux des demandes reçues par les Commissions administratives, qui sera suivie de la publication de la liste des mouvements issus de la révision exceptionnelle. Le troisième niveau coïncide avec la phase de consolidation du fichier électoral, après la publication des listes ; il peut intervenir la radiation d’office. Celle-ci est initiée dans les cas suivants : le décès dûment prouvé par un certificat de décès, la contestation avérée de l’inscription, la perte du statut d’électeur inscrit suite à une décision de justice ou le renoncement à la nationalité sénégalaise.
« Tout électeur faisant l’objet d’une radiation d’office dispose d’un délai de cinq jours à compter de la notification écrite pour saisir le Président du Tribunal d’Instance compétent ou le Chef de la Représentation diplomatique ou consulaire », a précisé l’expert électoral. La décision rendue par ces derniers, a-t-il renseigné, pourrait être déférée en cassation devant la Cour suprême.
Par ailleurs, a renchéri M. Sylla, « on peut mesurer la portée de la démarche de Karim Wade », car « c’est déjà un pas décisif, en attendant la mise en œuvre de la volonté affichée par le Gouvernement de restaurer leur droit de vote et d’éligibilité ».