Les avocats de l’opposant Ousmane Sonko ont dénoncé, jeudi, à Dakar, ‘’une justice expéditive’’ visant à rendre leur client inéligible à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
‘’Dans cette affaire, il n’y a pas eu de procès. Un procès, ce n’est pas seulement un cadre formel. C’est aussi un contenu […] Il faut que le procès soit indépendant, juste et équitable, ce qui suppose l’existence d’un tribunal indépendant et impartial’’, a soutenu Me Amadou Diallo.
‘’C’est la première fois que je vois une composition de tribunal aussi modulable […] Entre le premier jour du procès et le jour où le tribunal a rendu une décision, sa composition a changé trois fois’’, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse des avocats de l’opposant.
Le leader du parti d’opposition Pastef et maire de Ziguinchor (sud), candidat à la prochaine élection présidentielle, a été reconnu coupable de diffamation et condamné fin mars à deux mois de prison avec sursis.
Il est également condamné à payer 200 millions de francs CFA, en guise de dommages et intérêts, à la partie civile, en l’occurrence le ministre Mame Mbaye Niang, militant de l’APR, le parti au pouvoir.
La ‘’méfiance’’ et le ‘’manque de confiance’’ de M. Sonko ‘’vis-à-vis de la justice’’ sont raisonnables, a argué Me Diallo.
‘’Il y a de la précipitation […] C’est évident qu’il y a un agenda qui lui est imposé, ce qui est inacceptable dans un Etat de droit’’, a-t-il ajouté en dénonçant ‘’une justice expéditive’’.
‘’M. Ousmane Sonko et ses avocats ont fait l’objet de violences physiques. Certains [de ses avocats] ont fait l’objet de sanctions disciplinaires. De ce point de vue, M. Ousmane Sonko a […] le droit de dire que sa défense a été amputée […] Raison pour laquelle les avocats de la défense et M. Ousmane Sonko doivent s’organiser pour que ses droits soient préservés’’, a martelé Me Diallo.
Son confrère Bamba Cissé a confirmé l’appel fait par le parquet de la décision judiciaire rendue le 30 mars.
‘’A-t-on le droit d’utiliser la justice pour écarter des adversaires politiques ?’’
L’appel vise à condamner leur client à une peine synonyme d’inéligibilité à l’élection présidentielle, selon Me Cissé. ‘’Quelles que soient les […] positions des uns et des autres, il s’agit simplement de le rendre inéligible’’, a-t-il soutenu.
On cherche à ‘’le rendre inéligible, pour qu’il ne participe pas à l’élection présidentielle de 2024. A-t-on le droit d’utiliser la justice pour écarter des adversaires politiques ?’’ a ajouté Bamba Cissé.
Les candidatures de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, et de l’ancien ministre Karim Wade avaient été invalidées à cause de condamnations judiciaires qui les avaient rendus inéligibles à l’élection présidentielle de 2019, a-t-il rappelé.
L’appel fait par Mame Mbaye Niang de la décision du 30 mars ne peut porter que sur ses intérêts civils, selon Me Cissé. ‘’Seul l’appel du parquet peut remettre en question les dispositions pénales du jugement […] et corser la peine. On passera donc d’une peine de deux mois à une peine de trois mois’’, a-t-il dit.
‘’S’il est condamné en appel à trois mois, Ousmane Sonko ne pourra plus être candidat, a poursuivi Me Cissé. S’il est condamné à une amende […] égale ou supérieure à 200.000 francs CFA et que la décision en cassation confirme [celle] du juge d’appel, il ne pourra plus être candidat. C’est une pente dangereuse.’’
Il précise que son client n’a pas été condamné à payer une amende mais à verser des dommages et intérêts à la partie civile.
‘’Il y a fort à craindre que l’affaire soit enrôlée dans les meilleurs délais, que la peine soit aggravée et que la décision de cassation la confirme, afin qu’Ousmane Sonko ne soit pas candidat à l’élection présidentielle de 2024’’, a insisté Bamba Cissé.