Des travailleurs, commerçants, marchands ambulants et autres personnes qui ont rallié Dakar pour des besoins spécifiques n’oublieront pas de sitôt leur journée d’hier, jeudi 16 mars 2023, qualifiée par certains de «3 mars 2021 bis»
Un «3 mars 2021 bis», le mot est lâché par certains, tellement la situation était indescriptible. Après des échauffourées la veille à la Cité Keur Gorgui du fait que toutes les voies menant au domicile d’Ousmane Sonko avaient été barricadées par les Forces de l’ordre, la journée d’hier, jeudi 16 mars 2023, a été très tendue dans plusieurs quartiers de Dakar, avec des manifestations sporadiques partout. Les choses ont dégénéré aussitôt après l’exfiltration du leader de Pastef de force de son véhicule, à hauteur de Mermoz, par les Forces de l’ordre pour le conduire au Palais de Justice Lat-Dior, où il se rendait justement, pour le procès dans l’affaire des 29 milliards du Prodac qui l’oppose au ministre Mame Mbaye Niang. Il s’en est suivi une intifada transformant Dakar en une ville morte.
Des travailleurs, commerçants, marchands ambulants et autres personnes qui ont rallié Dakar pour des besoins spécifiques n’oublieront pas de sitôt leur journée d’hier, jeudi 16 mars 2023, qualifiée par certains de «3 mars 2021 bis». Ville morte ou simplement ville fantôme, c’est l’image que renvoyait plusieurs parties du centre-ville de la capitale Sénégalaise. De la Place du Tirailleur aux avenues Lamine Gueye, Blaise Diagne, Malick Sy, en passant plusieurs artères et coins comme la rue Vincent, le rond-point de la Rts, Pétersen… tous les services et commerces ou presque ont déjà baissé rideaux face à une sorte d’intifada ou guérilla urbaine menée par des groupes de jeunes en furie qui dressaient des barricades, brulaient des pneus, des troncs et branches d’arbres, abattus dans le cadre des travaux du BRT, et étales en bois partout sur les voies. Avant de disparaitre à l’approche des Forces de l’ordre à bord de pick-up, fourgonnettes et autres véhicules blindés chargés de dégager les restes de brulures de pneus et autres barricades de la chaussé, après des échanges de tirs de grenades lacrymogènes contre des jets de pierres.
Déjà, sur l’autoroute, à l’approche de l’autopont de Pompier, en venant de la Colobane et la banlieue, l’on se fait une idée de cette situation indescriptible. Aucun véhicule ne roulait sur le pont, vers 10h-11h, l’avenue Lamine Gueye étant fermée à la circulation automobile sur une bonne partie de la voie, de la descente du pont de Pompier, juste avant l’intendance des Armées, à Parc Lambaye. Des jeunes y ont brûlé des pneus, obligeant la Police à intervenir. Pis, il suffisait de lever la tête pour voir d’épais nuages de fumée noirâtre qui assombrissaient le ciel, depuis plusieurs coins de la capitale. Cela, mélangé à celle âcre de gaz lacrymogènes, rendait l’atmosphère chargée et l’air irrespirable, surtout quand on marche à contrevent. Foulards, masques (dont les prix ont augmenté pour la circonstance passant de 25 à 100 F CFA l’unité), chapeaux, mouchoirs, les mains, tous les moins étaient les bienvenus pour se protéger le nez pour ne pas respirer ce gaz qui faisait couler narines et yeux.
GARE ROUTIERE POMPIER «RESSUSCITEE», LE TEMPS D’UNE CHAUDE JOURNEE
Ce sont de petits groupes qui surgissaient, brûlaient des pneus et disparaissaient dès que la Police approchait, pour aller bloquer la circulation dans un autre axe. Pendant que les flics s’affairaient à libérer le blocus qu’ils viennent de créer. Conséquence, après les énormes bouchons déplorés dès le début des affrontements, place au vide. Plus de véhicules ni même de taxis sur certains axes, l’heure était à la marche. Pétersen inaccessible parce qu’encerclé par les manifestations jusqu’à la Médina, il fallait marcher jusqu’au pont de Pompier, transformé en gare routière pour la circonstance, pour trouver un car de transport en commun à destination de GandYoff, Patte d’Oie, Pikine, Thiaroye, Rufisque, Keur Massar et autres quartier de la banlieue. Face à cette situation, des marcheurs se lâchent : «rien ne peut justifier cela. Le Sénégal ne mérite pas une telle image. On empêche les gens de travailler ; tous les services et commerces sont fermés ; il n’y a pas de voiture. Tout ça à cause de manœuvres politiques. Toutes les autorités religieuses et coutumières lancent des appels à la paix ; alors qu’ils savent que seul le président Macky Sall détient la clé pour cette paix. Ils n’ont qu’à le lui dire pour que la tension s’estompe», lance une dame évoluant dans l’informel, furieuse de perdre une journée de travail.
La banlieue aussi n’était pas en reste. A titre d’exemple, une fois à Keur Massar, l’état de la route principale des Niayes renseignait de la situation sur place. De la gare routière des Ndiaga Ndiaye, sise à l’entrée de la forêt classée, jusqu’au Conseil départemental et même au-delà, tous les commerces et services étaient fermés. Même le marché et autres établissements marchands sur les connexes n’échappaient pas à la donne. Des véhicules avec des éléments de la gendarmerie stationnés sous le nouvel autopont veillaient à rétablir l’ordre.