Ancien ministre et fervent «disciple» de Me Abdoulaye Wade, Alioune Sow n’a de cesse d’évoquer ses ambitions présidentielles. Il y croit. Dans cet entretien, il parle de ses moyens pour y parvenir.L’actualité, c’est la Déclaration de politique générale du Premier ministre Aminata Touré, comment l’avez-vous trouvée ?Pour dire vrai, je ne l’ai pas suivie en direct. J’ai lu le texte après, et j’ai trouvé que l’approche méthodologique était bonne, on a annoncé le plan, ce qu’on compte faire, les voies à emprunter… on a soutenu que c’est une feuille de route sous-tendue par le programme «Yonnu Yokkuté», un programme d’ailleurs dépourvu de vision. C’est une compilation de vœux pieux, d’annonces, de promesses électorales sans indication claire des voies et moyens qui seront empruntées pour tenir ces engagements. Ma déception fut grande en notant que cette Dpg n’a pas pris en charge, de façon claire, les principaux engagements pour lesquels Macky Sall a été élu. Macky Sall avait promis à la jeunesse un demi-million d’emplois. Cette Dpg devait être l’expression claire d’un plan de création de ces 500 000 emplois après avoir fait le point sur le nombre d’emplois déjà créés. Je n’ai pas vu une nouvelle initiative majeure qui nous rapproche ne serait-ce que du tiers du nombre d’emplois annoncés. Il y a aussi le coût de la vie. Sur ce point-là également, rien de clair ne nous a été dit.
Donc la Dpg n’a pas répondu à vos attentes ?
Absolument pas. Quand j’entends les gens dire que Mimi Touré a bien parlé, mais il ne s’agit pas de bien parler ; tous les Sénégalais parlent bien. Il s’agit de parler par l’action, de convaincre par un bilan à mi-parcours, par le courage d’assumer ce qui est fait, les performances et contre-performances, bref tout ce dont elle parle, c’est d’accélérer la cadence. Mais si on accélère la cadence d’une mauvaise vision, on se précipite vers le trou. Cette cadence accélérée n’est qu’une précipitation du Sénégal vers l’abîme. Aujourd’hui, il faut oser reconnaître que le pays va mal, le pays est mal gouverné. L’invocation du passé pour justifier les contre-performances et les incompétences du présent est la méthode de gouvernance. Il faut noter, pour s’en désoler, que rien ne marche aujourd’hui.
Vous avez lancé un mouvement il y a quelque temps, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Le Mouvement des patriotes pour le développement (Mpd/Liggey) va, sous peu de temps, devenir un parti politique. Pour moi, la création d’un parti doit être le reflet d’une ambition de conquête du pouvoir politique et de la mise en œuvre d’une vision. Il nous fallait réfléchir sur la vision et sur la mission que nous nous assignons pour ce pays. J’ai donc créé ce mouvement qui a tous les atouts d’un parti et j’ai lancé un appel à mes compatriotes. Et grâce à Dieu, en un temps record, des Sénégalais, toutes catégories sociales confondues, sont venus en masse répondre à mon appel. Ce qui fait que pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, on a vu un parti en voie de création vendre ses cartes à 1 000 FCfa. Notre ambition, ce n’est pas d’être associés à un gouvernement ou de démolir quelqu’un, notre ambition c’est de préparer une vision au service d’une mission, à l’effet de remporter les élections présidentielles.
Vous serez-donc candidat à la Présidentielle de 2017 ?
Absolument ! Je pense qu’après avoir fait une décennie de gouvernement, avoir été député, élu local…, mon rôle c’est une obligation d’ambition, un devoir d’ambition. Je convoite la Station présidentielle et j’annonce dès à présent mon ambition présidentielle.
Avez-vous des nouvelles de Me Abdoulaye Wade ?
Je suis allé rendre visite à son épouse, Mme Viviane Wade, à sa résidence de Fann. Pendant une heure, nous nous sommes entretenus, loin des oreilles curieuses et fouineuses, loin des opportunistes, nous avons parlé de choses profondes. Je lui ai demandé de transmettre un message particulier à Me Wade. Il reste mon maître, ma source d’inspiration, un homme avec qui je suis lié par une profonde affection filiale et rien ne pourra changer ça. Mon affection et mon respect pour Abdoulaye Wade ne sont pas tributaires de situation politique, de posture ou de position, c’est un sentiment enfoui au plus profond de moi.
Vous parlez toujours de votre affection et de votre fidélité à Abdoulaye Wade, mais on ne vous entend pas défendre Karim Wade comme le font les autres. Qu’est-ce qui l’explique ?
Karim Wade est un frère, un ami, un ex-collègue. Mon devoir, c’est d’aller le voir, je l’ai fait. Mais il est une identité et j’en suis une autre, il est porteur d’ambitions et je le suis également. Par rapport à son cas, j’exige, comme tous les Sénégalais, que les lois et règlements soient respectés, que ses droits soient respectés, mais le contenu du dossier je n’y connais rien. La seule chose que je peux assurer, c’est la gestion des dossiers qu’on m’avait confiée ; je ne peux pas jurer d’autre chose. Mais la démarche à son encontre est tellement viciée que ça donne l’impression d’un acharnement pour éliminer, fragiliser, à la limite détruire un adversaire. Ce n’est pas acceptable. La seule personne pour la défense de laquelle je prendrais la rue, c’est Abdoulaye Wade. Je ne suis pas le genre de personne à faire de l’activisme débordant dans la rue pour prouver une affection ou une fraternité, parce qu’il est dans une lutte d’allégeance avec d’autres personnes. Karim est un ami, un frère, mais il n’a pas mon allégeance politique.
Avez-vous gelé vos activités au sein du Pds ?
Tout à fait, c’est clair. Je vous répète que mon ambition est d’ordre présidentiel. L’instrument de conquête politique sur lequel je veux m’appuyer, c’est le Mpd et la coalition Liggey que j’aimerais bâtir. Je ne suis candidat à absolument rien du tout dans le Pds. Pour des raisons objectives et subjectives, je n’ai pas ma place dans la direction actuelle du Pds, même si je reste libéral et wadiste. Mais je demande que le minimum soit préservé en termes de fraternité, de bon voisinage et de bonne occupation de l’espace politique pour que, le moment venu, celui qui émergera du lot puisse facilement se retrouver avec les autres.
Est-ce que vos relations avec le coordonateur du Pds, Omar Sarr, se sont améliorées ?
Il n’y a aucune espèce de relation entre lui et moi, pas de relation du tout. Il n’y a rien qui doit empirer ou s’améliorer. Nous n’avons aucun contact, aucune relation. Et je m’interdis de commenter son action, sa personne ou ses ambitions. Je respecte le Pds et les militants qui y sont, parce que beaucoup parmi eux me portent dans leur cœur, me veulent du bien, me fréquentent, me conseillent, échangent avec moi. Par respect à ces gens, je m’abstiens de porter un commentaire sur leur coordonnateur.
Est-ce que vous-vous considérez toujours comme un membre du Pds ?
Membre de cœur oui, mais membre politique actif non. Je ne participe à aucune activité du Pds, n’assiste à aucune réunion de direction et ce qui s’y passe m’intéresse très peu. La seule chose qui m’importe, c’est ma part historique dans le Pds que j’ai rejoins dans l’opposition. Ce qui me lie au Pds, c’est notre attachement au fondateur de ce parti, Abdoulaye Wade. Ce qui nous lie, c’est notre appartenance au Libéralisme et le Sénégal que nous avons en partage. En dehors de cela, il n’y a aucun lien organique entre le Pds et Aliou Sow et le Mpd.
Qu’attendez-vous pour officialiser votre démission du Pds comme d’autres l’ont fait ?
Le jour de la transformation officielle du Mpd en parti politique, j’adresserai mon courrier à Me Wade pour lui notifier la conséquence découlant de la création d’un parti dont je suis membre. Nul citoyen ne peut être membre de deux partis en même temps. Cette lettre sera rendue publique, je suis quelqu’un de très clair. J’expliquerai les raisons de mon départ.
Aujourd’hui, seriez-vous prêt à travailler avec le Président Macky Sall, s’il faisait appel à vous ?
Je préfère seulement que le Président Macky Sall crée les conditions d’une opposition libre, non persécutée, qui peut aspirer à sa place avec les facilités conférées par la démocratie. Mais aussi servir Macky Sall, c’est être un opposant responsable et constructif. Aider Macky Sall, c’est l’aider à comprendre qu’après lui, il y a des hommes prêts à le remplacer sans verser dans la persécution sur des bases politiciennes.