Le système éducatif d'un pays ne peut être performant en éduquant ses enfants par une langue étrangère, a soutenu lundi l’inspecteur général de l’éducation et de la formation en charge des langues nationales au ministère de l’Education nationale, le professeur Mbacké Diagne
‘’On ne peut pas avoir un système éducatif performant en éduquant nos enfants par une langue étrangère’’, a dit M. Diagne dans un entretien accordé à l'APS en prélude à la célébration mardi de la journée internationale des langues maternelles.
Selon lui ‘’l’introduction des langues nationales dans le système éducatif sénégalais il y a plus de 60 ans a été un bilan positif''. ‘’Beaucoup d’avantages peuvent être tirés de l’utilisation de la langue maternelle dans le système éducatif'', a-t-il ajouté.
‘’Le premier résultat, a-t-il expliqué, est que la langue maternelle facilite les apprentissages à nos enfants et leurs permet de pouvoir transférer ses premières acquisitions dans la langue étrangère qu’est le français. De même que pour faciliter l’enseignement apprentissage à nos enfants, il faut d’abord le faire dans leur langue maternelle’’.
‘’Deuxième constat, l’utilisation de la langue première des enfants à l’école évite le traumatise qu’ils subissaient en venant à l’école'', a-t-il poursuivi, ajoutant : ‘’Un enfant grandit au niveau familial, dans son quartier, et découvre le monde par sa langue maternelle, commence à acquérir beaucoup de compétences et de connaissances dans ce monde immédiat. Une fois à l’école, on lui dit de jeter tout cela à la poubelle et recommencer l’apprentissage du monde par une autre langue.''
‘’Cette situation, a déploré l’enseignant-chercheur, fait qu’il perd les six voire sept ans vécus, plus six ans du CEI au Cm2 où il va faire l’apprentissage de la langue française pour y découvrir le monde. Cela nous fait douze ou treize ans de retard mental pour nos enfants.’’
Ces enfants ont des blessures, des frustrations, car ne comprenant pas le français au CEI, pendant que l’enseignant parle en français avec des efforts énormes pour se faire comprendre et cela va briser la carrière de milliers d’enfants sénégalais et africains’’, a insisté M. Diagne.
Il estime que la langue maternelle permet de réconcilier le milieu d’origine de l’enfant et le milieu scolaire pour éviter la rupture et les traumatismes. Aujourd’hui, cet apprentissage des langues maternelles règle aussi la question des valeurs, a-t-il relevé.
‘’Pour que la question des valeurs soit prise en charge par le système éducatif, il faut que l’enseignement se fasse par la langue première de l’enfant.'', a insisté M. Diagne, soulignant que les valeurs de +jom, muñ+, etc., ne peuvent se traduire dans aucune autre langue étrangère’’.
L’Inspecteur en outre signalé que l’on risque de perdre le génie créateur africain car le savoir-faire et le savoir-être endogènes au continent ne peut être traduit dans aucune autre langue que celles du continent.
‘’Nos savoirs ne peuvent être transmis que dans nos langues. Si nous voulons éviter à nos enfants d’être intravertis par rapport aux comportements, il faut qu’ils soient éduqués dans notre propre culture qui commence par la langue’’, a-t-il plaidé.
‘’Toutes ces raisons, expliquent, selon lui, l’option de l’Etat d’aller définitivement vers le modèle harmonisé d’enseignement bilingue dès octobre prochain''.