La communication des jihadistes montre une impressionnante facilité de mobilisation.
Tué au combat en zone syro-irakienne, le « Calife » de l’Etat islamique (EI) Abou al Hassan al Hachimi al Qourachi a été remplacé par Abou al Hussein al Husseini al Qourachi, selon un message audio du porte-parole de l’organisation jihadiste diffusé mercredi 30 novembre. Dans cet élément sonore de près de 10 minutes, Abou Omar al Mouhajir a invité les partisans de l’EI à faire allégeance au nouveau chef décrit comme un « vétéran du jihad ».
Au lendemain de cette annonce, les différentes « provinces » de l’organisation jihadiste se sont exécutées, à commencer par le Nigéria, en Afrique de l’Ouest. Dans ce pays le plus peuplé du Continent les allégeances relayées par les canaux de propagande de l’Etat islamique, sont faites à partir de six zones, essentiellement dans le nord-est.
La branche sahélienne érigée en « province » en mars dernier a également mobilisé plusieurs dizaines de combattants armés pour la « cérémonie d’allégeance » dans le sud de Ménaka, m à la frontière entre le Mali et le Niger, mais aussi dans le Gourma malien.
« Démonstration de force »
« Le message de l’EI Sahel est clair. Ils veulent faire une démonstration de force en montrant qu’ils sont nombreux, mais aussi qu’ils jouissent d’une liberté de mouvement comme en témoignent les convois longs et sinueux et les grands rassemblements en plein champ », estime Héni Nsaibi, chercheur à Acled (Armed Conflict Location and Event Data Project).
Selon Rida Lyammouri, chercheur associé au Think tank marocain, Policy Center for the News South (PCNS), « l’EI Sahel a saisi cette occasion pour consolider sa montée en puissance amorcée depuis quelques mois dans les régions de Gao et de Ménaka, au Mali ». Dans ces deux régions du nord du Mali, les jihadistes sont soupçonnés par des organisations de défense des droits humains d’exactions contre les civils de la tribu touarègue des Daoussahak. Ils se livrent également à une guerre fratricide avec le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), l’autre groupe jiahdiste implanté dans la région mais affilié au rival Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Comme au Nigeria, la communication de l’organisation jihadiste montre une impressionnante facilité de mobilisation avec des centaines de fantassins se déplaçant à moto sans être inquiétés par les forces de défense et de sécurité des pays, comme en témoignent les images diffusés sur les réseaux sociaux par les jihadistes eux-mêmes.
« Il est facile pour eux de se déplacer en grand nombre parce qu’il n’y a pas à l’heure actuelle d’adversaires suffisamment capables de les inquiéter de manière imminente dans les zones concernées », explique Héni Nsaibi, soulignant « l’impact du départ des forces françaises du Mali.
Dans le Liptako malien et le Gourma burkinabé et malien , les forces françaises sont parties et n’interviennent que du côté burkinabé dans des circonstances particulières », ajoute-t-il.
Le président français a annoncé la « fin officielle de Barkhane » mercredi 9 novembre dans un contexte de crise diplomatique avec le Mali dirigé depuis mai 2021 par des militaires.
Rida Lyammouri soutient, lui aussi, que la filiale de l’Etat islamique bénéficie du « vide laissé par l’Opération Barkhane au Mali et l’instabilité politique au Burkina Faso ».
Au Mali, « la présence de l’armée et de ses partenaires de la compagnie militaire privée russe controversée Wagner se limite aux zones urbaines tandis que les milices ne peuvent pas faire grand-chose de plus que récupérer du bétail errant », insiste M. Nsaibia.