Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall a publié un communiqué, le lundi 31 octobre, avec des chiffres pour apporter une réplique à Amnesty International qui a dressé un bilan de la situation des droits humains au Sénégal particulièrement sur les dernières manifestations du mois de mars 2021 ainsi que les lenteurs judiciaires qui y sont notées.
En effet, la Directrice Générale de Amnesty International, Agnès Callamard, qui s’est entretenue, au cours de sa visite au Sénégal, avec le Premier ministre, Amadou Ba, le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, et le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, a tiré sur la sonnette d’alarme le 28 octobre. Estimant que le Sénégal s’achemine vers « un régime d’autorisation des manifestations », alors même que les rassemblements politiques sont « primordiaux dans un contexte électoral », à l’approche de la prochaine élection présidentielle de février 2024.
IMG brandit ses chiffres
Pour répondra à la déclaration de Mme Callamard, le Garde des Sceaux affirme que « le Sénégal n’a jamais manqué au respect de ces principes comme le démontrent les statistiques relatives à l’exercice des libertés publiques des quatre dernières années avec les pourcentages d’interdiction de manifestation sur la voie publique et de réunions publiques ».
Pour étayer son argumentaire, Ismaila Madior Fall souligne dans un communiqué publié par ses services que « sur les 4828 déclarations reçues, 108 sont interdites, soit, 2,24% en 2018 ; sur 5535 déclarations, 75 sont interdites, soit 1,36% en 2019 ; sur 2516 déclarations, seules 79 sont interdites, soit 4,33% en 2020 dont la hausse était liée aux mesures restrictives, prises par l’autorité dans le cadre de la proclamation de l’état d’urgence le 30 mars 2020 dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19, telles que l’interdiction des réunions et des rassemblements dans certains lieux publics jusqu’au 05 janvier 2021. Au cours de cette dernière année, 45 interdictions, soit 1,95% sur les 6256 déclarations reçues ».
Une mauvaise foi mal masquée
Les chiffres du ministre de la Justice sur les pourcentages de manifestations autorisées et interdites sont probablement vrais. Mai ils sont trompeurs et teintés d’une mauvaise foi qui frise le manque de respect. En effet, Ismaila Madior Fall n’a pas répondu directement à l’interpellation de l’ONG Amnesty International qui s’inquiète plutôt sur la récurrence des interdictions de manifestions de mouvements, associations et formations politiques pour dénoncer les agissements et autres actes posés du régime en place. Le garde des Sceaux choisi sciemment d’expliquer la nature des rassemblements qui sont souvent autorisés. Il s’agit en effet de rassemblements qui n’ont souvent rien à voir avec la politique et les combats de la Société civile. Pour la plupart, c’est des fêtes familiales (baptêmes, mariages etc.), des activités religieuses (Thiant, Gamou Magal, Ziarra…), des activités récréatives organisées par des tiers ou associations de quartiers, villes, communes, départements etc. Il y en a des milliers chaque année sur le territoire sénégalais.
Un ratio sur les manifestations politiques ou de la société civile interdites et autorisées par le régime en place ces dernières années édifierait l’opinion sur la violation des libertés au Sénégal. Sur une trentaine de déclarations de manifestation auprès de l’autorité administrative, au moins 25 seraient interdites, si l’on fait le compte. Et pour rappel, l’interdiction de la manifestation de l’opposition, le 17 juin dernier avait entraîné des manifestations qui avaient fait 3 morts entre Dakar et Bignona. Pourtant, 9 jours auparavant, une manifestation de la même opposition autorisée à la Place de la Nation s’était déroulée sans problème.
A souligner que « la liberté de manifestation » est garantie par la Constitution du Sénégal en son article 8, alinéa 1.