Après trois années passées au Sénégal, l’ambassadeur américain Lewis Lukens est arrivé au terme de sa mission. Contexte historique de l’arrivée d’un commando venu sauver une relation diplomatique cahoteuse. Lewis Lukens part en juin prochain.
Il est arrivé au Sénégal dans un contexte où son prédécesseur, la ‘’turbulente’’ Marcia Bernicat, s’affrontait à fleurets mouchetés avec Wade et son gouvernement. Des contradictions qui avaient fini de prendre une autre tournure, jetant un brouillard sur les relations entre le Sénégal et les États-Unis. L’on se rappelle des passes d’armes entre Mme Bernicat et le président Wade, en direct sur la Télévision nationale, suite à une critique de l’ambassadeur à propos de la corruption au Sénégal.
Elle a toujours affiché des positions tranchées sur les principes de bonne gouvernance, le respect des libertés et de la volonté populaire. Ce qui irritera à plusieurs reprises Wade et son régime. Le prédécesseur de Lukens participera grandement, par l’intermédiaire de l’USAID, à l’audit du fichier électoral en prévision du scrutin présidentielle de février 2012.
Une action hautement saluée à l’époque par une bonne partie de la classe politique. En bonne pilote de l’aide américaine au développement, Mme Bernicat a toujours adopté une stratégie de pression pour amener le gouvernement à plus de transparence dans ses actions. Voila pourquoi elle a souvent brandi la menace que les États-Unis n’écartaient pas de retirer le Millenium Challenge Account si le Sénégal s’embourbait dans la mare de la corruption.
Elle est allée jusqu’à demander au gouvernement de sanctionner les personnes coupables de malversation économique ou financière et reconnues par des organes comme la Centif et l’Armp. Ensuite, comme un plongeon dans une grande bassine d’eau, elle avait condamné le processus de découpage administratif imposé à Sangalkam avec son drame emportant le jeune Malick Bâ. Évidemment, le départ de Marcia Bernicat installait le régime d’Obama dans une situation assez délicate. Il fallait lui trouver de façon subtile un remplaçant tout aussi vigilant, mais moins au devant de la scène.
Un profil tout tracé pour Lewis Lukens, dirigeant le secrétariat exécutif au département d’État, ancien consul général à Vancouver, en service en Irak pendant la période de braise. Le premier challenge a été de rendre plus fluide les relations entre le Sénégal et son pays. Lukens, licencié en histoire et disposant d’une maîtrise en politique publique à Princeton, a travaillé comme directeur senior au conseil national de sécurité à la Maison blanche.
Une expérience qui fera de lui un diplomate doublé d’un fin stratège. L’homme aura été déterminent dans la supervision du processus et l’organisation de l’élection présidentielle de 2012…jusqu’au départ de Wade.