Après avoir été incapable de se mettre d'accord autour d'une seule candidature, l'opposition a tenté avec désespérance de bloquer l'élection du président de l'Assemblée nationale et du bureau.
Un hémicycle transformé en arène de gladiateurs. Des parlementaires prêts à toutes les bassesses pour la défense de leurs chapelles respectives et non de l’intérêt supérieur de la nation. Échanges d’insultes, de jets de projectiles... Le décor est triste dans l’enceinte de l’Assemblée nationale ; celle-là que beaucoup de Sénégalais espéraient être celle de rupture. Laquelle ressemble plus à une jungle qu’à un lieu où siègent des représentants du peuple. Et dans cette jungle, l’histoire retiendra surtout un nom. C’est celui de Barthélemy Toye Dias.
Candidat à la présidence de l’Assemblée nationale, il casse tout sur son passage. Comme un forcené, pour montrer son désaccord sur la volonté des députés de la majorité de passer au vote, le maire de Dakar arrache le micro, le jette par terre, détruit plusieurs tables à l’aide de coups de pied rageurs.
Tout commence vers les coups de 11 h. Alors que l’Assemblée nationale attend avec impatience le démarrage des travaux, l’opposition parlementaire demande avec insistance le départ des députés membres du gouvernement. Jusqu’aux alentours de 13 h 30, c’est le statu quo. Chaque camp campant dans son coin, sans que l’on sache pourquoi. Vers 13 h 40, une députée du camp présidentiel, lasse de cette attente interminable, s’éjecte de son siège et peste dans une Assemblée jusque-là plongée dans la torpeur. ‘’Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Arrêtez cette tricherie et passons aux choses sérieuses… Ce spectacle n'a que trop duré’’, s’est-elle exclamée. Comme s’ils n'attendaient que ça, ses collègues de BBY répondent avec des hourras en signe d'approbation. La réponse ne tardera pas du côté de l'opposition. C’est parti pour une journée d’enfer.
Quelques minutes plus tard, l’huissier commence à distribuer les enveloppes. Guy Marius Sagna, Ameth Aidara et Barthélemy Dias interviennent pour interrompre avec force la distribution des bulletins. Pour eux, tant que les ministres seront dans l’enceinte de l’hémicycle, il n’y aura pas de vote. Dix minutes durant, l’hémicycle va ressembler plus à une arène qu’à une enceinte de représentants du peuple. C’est des bousculades et empoignades très chaudes entre députés du pouvoir et de l’opposition.
À 14 h 30, la cloche retentit. Aida Sow Diawara, doyenne d’âge entre et occupe le fauteuil de président, le temps de l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale. À ses côtés, il y a les deux plus jeunes députés Serigne Abo Mbacké Thiam et Sokhna Ba qui font office de secrétaires. Dans la foulée, elle déclare la séance ouverte après quelques mots de remerciements à l’endroit du désormais ex-président Moustapha Niasse.
Au terme de l'appel nominal, la présidente note la présence de 163 députés sur les 165 que compte l’Assemblée nationale. Les hostilités peuvent alors recommencer devant une présidente plus spectatrice que garante de la police.
Jusqu’à 20 h, les députés sont incapables de désigner un président.
Alors, la présidente Sow Diawara se résout à faire appel aux gendarmes. Malgré l’opposition de Barthélemy Dias, Guy Marius Sagna et Cie qui ont essayé par tous les moyens d’empêcher le vote, celui-ci a eu lieu et la candidature du député de Benno Bokk Yaakaar, Amadou Mame Diop, est passée comme lettre à La Poste. Le scrutin ayant été boycotté par les membres de l’opposition qui avaient pourtant trois candidats issus de leurs rangs. Ce qui avait déjà amoindri leurs chances.
Les raisons du blocage
Comme principal point d'achoppement, il y avait la présence des députés membres du gouvernement. Selon les députés de l'opposition, ces derniers ne peuvent pas participer à la séance parce que frappés d'incompatibilité. À en croire ceux de la majorité, c'est méconnaitre la loi que de vouloir les empêcher de prendre part à la séance. Et ils les ont renvoyés aux articles 110 et 118 du règlement intérieur pour les convaincre.
Que disent ces dispositions ? En substance, elles prévoient que les députés frappés d’incompatibilité, dont les ministres, doivent démissionner dans les huit jours qui suivent leur entrée en fonction. S’ils n’ont pas contesté ces dispositions, ils ont soutenu que les huit jours avaient commencé à courir depuis la proclamation des résultats. Pour Seydou Diouf, l'opposition confond entrer en fonction et début de mandat. L'entrée en fonction, explique-t-il, marque ce moment où le député peut poser des actes liés à son statut. "Jusqu'à hier, aucun d'entre nous ne pouvait prendre des actes parlementaires. Mieux, s'il est vrai que les députés sont entrés en fonction depuis comme vous le dites, pourquoi vous n’avez pas été payés ?...".
Une position partagée par le non-inscrit Thierno Alassane Sall qui a invité ses pairs à la raison et à la responsabilité. Il déclare : "Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que l'entrée en fonction c'est à partir de la proclamation des résultats. Ma conviction est que, jusque-là, le président de l'Assemblée, c'est Moustapha Niasse. Jusqu'à hier matin, il pouvait convoquer des réunions et si l'Assemblée devait être représentée quelque part, ce sont les députés sortants qui allaient répondre. Cette question d'incompatibilité est un détail dont on pouvait se passer."
Il a, par ailleurs, condamné vigoureusement l'attitude de Barthélemy qui a arraché et détruit les micros. "C'est extrêmement condamnable", a déclaré la tête de liste d’Aar Sénégal aux Législatives.
La tête de liste de la Coalition Benno Bokk Yakaar n’a pas assisté à ce triste spectable. Mimi Touré est partie avant et c’est Farba Ngom qui a voté pour lui. Même si dans un message envoyé à leur collègue Omar Youm dans lequel elle l’informe de sa décision de ne plus voter. Elle dit l’avoir signifié à Farba Ngom qui, apparemment, n’en avait cure.