S’il y a un scénario que le président Macky Sall donnerait tout pour éviter c’est bien celui que vient d’acter la Commission nationale de recensement des votes. Pour une première fois dans l’histoire électorale du Sénégal, la majorité échappe littéralement au régime en place. Même si elle devance de deux voix l’inter-coalition, Benno Bokk Yakaar reste minoritaire à l’hémicycle si l’on tient compte des trois autres députés restants. Ce qui augure une Assemblée nationale assez compliquée où la bonne nouvelle sera l’équilibre de la terreur.
Il ne relève pas de l’exagération que de parler de terreur dans un espace où règnent souvent la force, l’intimidation, les menaces et injures, au détriment des débats d’idées. Les différentes législatures ont toujours donné l’image d’une jungle où le plus fort domine sans partage. De la présidence de l’institution à celle des commissions, les différentes majorités parlementaires se sont toujours tout accaparées sans aucune élégance. Aujourd’hui, tout est en passe d’être challengé et la seule certitude qu’il y a ici c’est que rien n’est gagné d’avance.
Avec 120 députés ou environ, les partisans du pouvoir ne sentaient aucune pression à l’approche de l’élection du président et du renouvellement du bureau de l’hémicycle. Pour cette législature 2022-2027, rien ne sera plus comme avant. Déjà la première grosse affaire est l’élection du prochain président de l’institution. Avec 82 voix, la majorité moutonnière disparaît laissant la place théoriquement à une majorité minoritaire où Benno Bokk Yakaar ne compte plus sur ses forces pour dicter sa loi.
L’autre fait remarquant est que les lois jugées liberticides ou antidémocratiques ne passeront plus comme lettre à la poste. Les échanges vont être houleux et la réparation du temps de parole va devenir plus équilibrée. La terreur, dans le sens littéral du terme, va être équilibrée et le politiquement correct devra marquer les débats. Cette courte majorité en vérité n’en est pas une si elle ne s’assure pas du ralliement des députés Thierno Alassane Sall, Pape Djibril Fall et Pape Diop ou à tout le moins de débouchage au sein de Yewwi-Wallu.
En tout état de cause, on va vers une nouvelle ère, aussi inédite que tentante. La situation actuelle est un défi pour notre démocratie, une occasion en or de grandir et d’atteindre une certaine maturité en matière de respect de la séparation des pouvoirs. S’il y a une excellente nouvelle qu’on peut savoir c’est qu’il y aura de la qualité dans la représentation. Car au-delà des profils, plus jamais aucun député ne fera dans l’absentéisme au risque de mettre en difficulté sa coalition.