En détresse depuis huit mois à la devanture du Bureau régional du HCR où ils dorment à la belle étoile, les réfugiés venus du Liberia, de la Sierra Leone, du Congo et de la Côte d’Ivoire supplient une intervention de l’Etat du Sénégal et des organismes de défense des Droits de l’homme comme Amnesty.
Le supplice continue pour les réfugiés qui ont élu domicile à la devanture du siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Mermoz, depuis bientôt un an, dormant à la belle étoile, réclamant de la structure onusienne une assistance. Sans toit, sans travail, n’arrivant à vivre que grâce aux subsides des passants, ils n’ont eu de cesse de gronder leur colère contre les responsables du Bureau régional du HCR à Dakar. Vendredi dernier, ils ont eu droit à une visite musclée très inattendue d’éléments d’une sécurité privée de la place. Un de leurs porte-paroles, Ibrahim Koneh, libérien, s’en offusque : ‘’Au lieu de nous porter assistance, le HCR nous a envoyé en vérité un groupe de sécurité privé, dont les éléments sont venus nous attaquer violemment. Ils ont détruit tous nos matériels. Là, nous sommes en face du bureau avec nos enfants et nos familles.’’
Avant d’envoyer sur place la sécurité privée, le HCR avait saisi à maintes reprises la gendarmerie et la police pour jouer le sale boulot. En véritables légalistes, ces dernières n’avaient pu trouver de justifications sérieuses pour déloger les réfugiés en détresse, conformément à la volonté du haut-commissariat.
Du coup, les réfugiés continuent de squatter la devanture du MCO (Multi Country Office) comme ils le font depuis maintenant plus huit mois. Dans l’indifférence totale du système des Nations Unies.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette cohabitation n’est pas sans heurt. Elle devient même plus ou moins dangereuse, avec des risques d’affrontements réels. La semaine dernière, un des réfugiés a eu une prise de bec avec un des responsables de la sécurité du bureau, à qui il réclamait les médicaments et les habits de son épouse. Suite à cette altercation, l’agent de sécurité a porté plainte et le réfugié congolais a été interpellé et mis en prison. Loua Diomande, réfugié ivoirien, regrette : ‘’Il voulait juste qu’on lui rende les médicaments de son épouse qui est gravement malade. Elle a besoin de ces médicaments et nous n’avons pas les moyens de les acheter. Au lieu de l’aider à les trouver, le HCR l’a envoyé en prison, laissant ainsi toute seule son épouse.’’
‘’Nous demandons l’intervention du président de la République Macky Sall’’
En désespoir presque total de cause, les réfugiés ont dû taper à toutes les portes. Mais jusque-là, c’est l’omerta au niveau des organismes de défense des Droits de l’homme. ‘’Nous demandons leur intervention pour sauver des vies. La situation est très difficile. Les enfants et les femmes qui sont là ne tiennent plus. Nous demandons aussi l’intervention du président de la République Macky Sall, qui est le président de toute l’Afrique. Si l’irréparable se produit ici, c’est la responsabilité du Sénégal qui sera indexée. Nous lui demandons juste de faire ouvrir une enquête pour savoir où se trouve la vérité dans cette affaire’’, supplie Loua Diomande.
Ceci intervient dans un contexte où l’Assemblée nationale vient d’adopter une nouvelle loi censée réserver une protection plus efficace aux réfugiés établis au Sénégal. Selon le ministre de la Justice qui a représenté le gouvernement à l’Hémicycle, le dispositif jusque-là en vigueur ne garantit pas une protection suffisante et ne permet pas à l’Etat de faire face, avec efficacité, à un afflux massif de réfugiés. Parmi les innovations introduites par la nouvelle loi, il y a la mise en place d’un organisme administratif chargé d’assurer avec efficience la protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides, l’encadrement du statut des apatrides, l’aménagement d’un droit de recours contre les décisions prises en matière d’octroi du statut de réfugié ou d’apatride.
Selon le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, la finalité de ce texte est de permettre aux réfugiés et apatrides de pouvoir jouir quasiment des mêmes droits que les citoyens sénégalais. A l’en croire, l’engagement auquel le Sénégal a souscrit, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de réfugié ou d’apatride sur l’ensemble du territoire national. ‘’A cette fin, l’Etat s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour y parvenir et s’emploie à apporter toute l’assistance qui est due à tout être humain, surtout lorsqu’il s’agit de personnes ayant été obligées d’abandonner les leurs, pour des raisons indépendantes de sa volonté’’.
Le ministre Sall de préciser : ‘’Toute personne ayant le statut de réfugié ou d’apatride a la possibilité d’obtenir la nationalité sénégalaise, suivant les conditions déterminées par les lois et règlements en vigueur dans notre pays.’’
Pour rappel, les réfugiés qui assiègent le Bureau régional du HCR avaient pour la plupart des statuts dans des pays autres que le Sénégal. Certains se sont installés en Gambie pour la première fois, avant de s’enfuir à cause de bisbilles avec le régime de Jammeh. D’autres ont été chassés de la Guinée-Bissau, du fait de l’instabilité politique. Ils accusent le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés de leur refuser toute protection, alors qu’ils avaient des statuts en bonne et due forme. Le démembrement onusien a jusque-là refusé de répondre aux questions d’’’EnQuête’’.