Monsieur le Président,
Dans les grandes démocraties, les citoyens éclairés et soucieux du devenir de la nation, s’adressent aux autorités, en vue de leur exprimer leurs préoccupations et sentiments les plus profonds. C’est en droite ligne d’une telle tradition visant à maintenir le lien entre gouvernés et gouvernants que je m’adresse à la plus haute autorité du pays, le Président de la République, père de la Nation.
Ma lettre est motivée par le désarroi, l’inquiétude et surtout la précarité que vivent les locataires au Sénégal, particulièrement dans la capitale. En effet, le prix exorbitant du loyer plonge beaucoup de ménages dans des conditions épouvantables. De plus, il rend invivable la capitale que les bailleurs ont fini de transformer en enfer terrestre.
Monsieur le Président, vous avez compris, et peut-être vécu le drame qu’entraîne la cherté du loyer. Aussi, aussitôt après votre accession à la magistrature suprême, avez-vous fait voter une loi visant à réduire le coût du loyer.
Cette loi a été malheureusement torpillée et lacérée par les bailleurs, pour n’avoir pas été élaborée dans les règles de l’art voire bétonnée. Cependant quelque mal élaborée qu’elle pût être, cette loi aurait pu aider à réguler le secteur du loyer si l’Etat avait fait preuve de fermeté et d’autorité dans son application rigoureuse.
Monsieur le Président, non seulement l’Etat a fermé les yeux devant la violation de la loi, mais il n’a pas été à la hauteur pour la parfaire. Cela a exacerbé le sentiment de déception des locataires assimilables à de « pauvres hères qui errent » dans l’enfer de la capitale sénégalaise. En témoignent les appels de détresse que nous lancent des locataires jetés dans la rue par des bailleurs au cœur de basalte, aidés par des décisions de justice loin d’être au fait des réalités sociales ?
Monsieur le Président, nous ne vous enseignez rien en politique, mais nous vous informons de la nécessité de préférer les locataires aux bailleurs, si l’on sait que les premiers sont plus nombreux que les seconds. De plus, la défense des droits des locataires relève d’une œuvre de haute portée humanitaire. Mieux, il émane du divin.
Monsieur le Président, votre élection avait suscité beaucoup d’espoirs, en ce sens que bon nombre de citoyens voyaient en vous un redresseur de torts, un adepte de la justice sociale, un apôtre de l’équité. Pour qu’un tel espoir ne soit pas déçu, il vous revient, en vertu des pouvoirs qui vous sont conférés, de trouver une solution durable au lancinant problème du loyer.
Certes, la promotion des logements sociaux est une panacée au calvaire des locataires, mais il urge de mettre un terme à la spéculation et à la cupidité des bailleurs qui rappellent les pratiques de la bourgeoisie au XIX ème siècle.
Nous ne saurions terminer cette lettre sans vous dire le sentiment d’indignation que nous éprouvons, lorsque nous vous avons entendu dire qu’il n’y a pas possibilité de réguler le secteur du loyer et de mettre un terme aux agissements loin d’être orthodoxes des bailleurs.
Étant donné qu’il est toujours possible de rectifier le tir et de faire prévaloir la justice sociale, nous vous demandons, Monsieur le Président, de diligenter le processus de régulation du secteur du loyer. Pour ce faire, nous vous invitons à associer à la réflexion et à la démarche les spécialistes et les différents acteurs. Il y va de la réussite de la politique d’orientation sociale et du succès éclatant de votre gouvernance .
Espérant que ma lettre fera l’objet d’un examen particulier, je vous transmets, Monsieur le Président de la République, ma très haute considération et ma profonde affection.