L’union libérale sociale parti politique (USL) de Maître Abdoulaye Tine a saisi la Cour suprême du Sénégal d’une requête en référé liberté, pour qu’elle décide de la suspension de l’arrêté du ministre de l’Intérieur qui fixe les conditions du parrainage pour les élections législatives du 31 juillet 2022.
Se fondant sur l’article 85 de la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 de la Cour suprême, l’Union libérale sociale (USL) a introduit une requête en référé liberté devant ladite Cour pour suspendre l’arrêté n°004071 en date du 03 mars 2022 du ministre de l’Intérieur qui fixe le nombre d’électeurs requis pour le parrainage d’une liste de candidats, ainsi que le modèle de la fiche de collecte en version papier et électronique en des élections législatives du 31 juillet 2022. Pour les besoins de la procédure contentieuse, l’USL sera défendue par les avocats Assane Dioma Ndiaye et Assane Boye du Barreau de Paris. L’affaire a été inscrite sous le numéro 112 du rôle général de la Cour suprême, au niveau du greffe central.
La requête est contre l’arrêté n°004071 du 3 mars 2022 du ministre de l’Intérieur pris en la personne de l’agent judiciaire de l’Etat. Pour cette procédure, la requérante, d’après des sources dignes de foi, « demande au juge des référés de se déclarer compétent, de juger la requête recevable, et de prendre les mesures demandées visant à sauvegarder les libertés fondamentales que sont le droit de vote et la libre participation aux élections et requiert la suspension de l’arrêté susvisé pour les motifs de fait et par les moyens de droits qui suivent ».
Pour la requérante, qui se fonde sur l’article 85 de la loi organique de la Cour suprême, des ‘’attendu que l’article 85 précité de la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, fait de l’urgence une condition de recevabilité de l’action en référé liberté. Qu’en l’espèce l’urgence est caractérisée par la nécessité de prendre sans délai une mesure visant à sauvegarder les libertés fondamentales que sont le droit de vote et la libre participation aux élections auxquels l’arrêté ministériel porte atteinte. Que la décision attaquée ne saurait valablement s’appliquer sans préjudicier de manière directe et irrémédiable aux intérêts de la requérante, en ce sens qu’en tant que parti politique, l’Union Sociale Libérale entend prendre part aux compétitions électorales législatives du 31 juillet 2022 et dont l’arrêté est censé organiser les modalités de collecte de parrainages qui seraient requis relativement aux élections législatives prochaines ».
La requérante d’ajouter : ‘’L’urgence découle indubitablement du fait que la recevabilité de toute candidature est désormais conditionnée par cet arrêté ministériel relatif au parrainage. Que même si aucune candidature n’a encore été présentée par un parti politique ni rejetée par l’instance compétente, l’arrêté sur le parrainage, effectif depuis le 3 mars 2022, exclut des élections législatives prévues le 31 juillet 2022, un nombre égal à plus d’un tiers des partis politiques légalement constitués (325 partis), en raison du seuil de parrainages requis. Or, le nombre de partis légalement constitués, près de 325 (trois cents vingt cinq) étant, par définition, supérieur au nombre maximal des candidatures possibles, nombre que la loi a pour effet de fixer à 193 (cent quatre vingt et treize) par le calcul suivant : à la date de publication du décret fixant le calendrier électoral, le nombre d’électeurs inscrits au fichier électoral était de 6 683 000 (six millions six cent quatre-vingt-trois mille) et le minimum de parrains requis pour chaque candidature étant de 34 580, le parrainage assume donc une restriction sévère à l’accès à la compétition électorale, étant entendu qu’un électeur ne peut parrainer qu’un seul candidat. Qu’il appartiendra, dès lors au juge des référés, saisi de la présente demande de suspension de constater que la condition d’urgence est remplie compte tenu de l’incidence immédiate de l’arrêté sur la participation aux élections législatives du 31 juillet 2022’’.
Au demeurant, ‘’l’imminence de la date des candidatures à ladite élection, poursuit la requérante, suffit largement à caractériser l’urgence quant à la situation et la mesure sollicitée. Il plaira, dès lors, à la Cour de constater que la condition d’urgence est bien établie, et ceci d’autant que les opérations de collecte ont déjà commencé’’.
Pour Me Abdoulaye Tine, l’arrêté du ministre de l’Intérieur constitue atteinte grave aux libertés fondamentales, aux conventions Internationales ratifiées par le Sénégal et le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Il viole la Constitution, notamment l’Article 58 duquel il résulte : « La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le droit de s’opposer. La Constitution garantit à l’opposition un statut qui lui permet de s’acquitter de ses missions… ». Suffisant pour que l’USL demande au juge suprême, "qu’au regard de ces dispositions constitutionnelles et stipulations conventionnelles qui ont également rang constitutionnelles voire même supra constitutionnelles, il est établi que l’arrêté ministériel déféré porte gravement atteinte à des libertés fondamentales consacrées et garanties. Par ailleurs, il convient d’indiquer qu’en l’espèce, l’arrêté sur le parrainage, non seulement, ne tire aucune conséquence du statut de parti politique, mais en plus, pose des règles qui entravent la participation des partis politiques et des citoyens sénégalais au processus démocratique telle qu’elle est garantie par les textes internationaux et la constitution sénégalaise. »
Pour l’USL, « ces entraves se manifestent par plusieurs éléments : le nombre élevé de parrainages requis, alors que le fichier électoral est mouvant (la révision des listes électorales est encore en cours) et que tous les potentiels parrains n’ont pas une connaissance précise de la validité de leur inscription sur les listes électorales, donc, le nombre total est aujourd’hui indéterminé, l’impossibilité pour un électeur de parrainer plus d’une candidature, ce qui constitue une violation du secret du vote, dans le sens où cela laisse présumer clairement qu’un parrain qui soutient un candidat serait amené logiquement à voter pour lui. Par ailleurs, le caractère non secret des listes de parrains pourrait les exposer à des représailles, pressions ou discriminations, dans le domaine personnel ou professionnel, comme a eu à le dire la Cour de Justice de la CEDEAO dans son arrêt du 28 avril 2021 ».
Suffisant pour que la requérante demande qu’il plaise au juge des référés près la cour suprême de suspendre l’arrêté du ministre de l’Intérieur n°004071 du 3 mars 2022 et de condamner, en outre, l’Etat du Sénégal aux entiers dépens dont distraction au profit des Avocats poursuivants.