Leçons apprises des locales de janvier 2022: Macky Sall reprend en main son destin politique et social

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Publié le lundi 14 mars 2022 | Enquête Plus

© Présidence par PMD
Arrivée du chef de l`État à Tambacounda
Tambacounda, le 12 mars 2022 - Le président de la République est arrivé dans la région de Tambacounda pour une visite.

Défait dans les lieux stratégiques où il a plus investi, lors des élections départementales et municipales du 23 janvier dernier, le président de la République, leader de la coalition Benno Bokk Yaakaar, tente par tous les moyens de se faire une nouvelle santé politique, avant la tenue des élections législatives de juillet 2022.

Cinq mois séparent les élections départementales et municipales de janvier 2022 aux élections législatives. Une période cruciale pour la coalition électorale autour du président de la République, Macky Sall. Depuis les défaites enregistrées dans les grands centres urbains du Sénégal, la Coalition Benno Bokk Yaakaar et surtout son leader comptent reprendre la main face à la percée inattendue de l’opposition. A travers différents procédés, le président de la République est en train de poser des actes ‘’politiques’’ dont le but est de reprendre le lead, dans l’échiquier politique.

Si la ‘’défaite’’ lors des locales n’a pas un grand impact sur sa gouvernance, d’ici les prochaines présidentielles de 2024, un scénario pareil ou empiré, lors des Législatives, serait beaucoup plus dommageable pour la majorité parlementaire dont sa coalition dispose.

Si 3 200 listes étaient en compétition dans plus de 550 mairies et sur 46 départements, le scrutin de janvier dernier avait des allures de test, aussi bien pour le parti au pouvoir que pour l'opposition. Chacun espérait sonder la population avec en ligne de mire la Présidentielle. D’autant, qu’après les violentes manifestations qui ont secouées le pays en mars 2021, lesquelles ont illustré un certain ras-le-bol des populations vis-à-vis du pouvoir, le contexte était particulier.

Avec la victoire de l'opposition dans de nombreuses communes, mais surtout à Dakar, plus grosse circonscription du pays, et Ziguinchor, la capitale de la Casamance, c'est un nouveau rapport de force qui s’est mis en place. Malgré le succès global sur l’étendue du territoire national, beaucoup d'électeurs semblent avoir fait le choix du vote sanction contre l'état-major de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour diverses raisons.

D’autant plus que, pour la première fois, les électeurs élisaient eux-mêmes, et non plus par le biais des conseillers municipaux, leur maire. Au final, ce scrutin semble avoir été l’occasion d’un vote d’avertissement pour le régime en place, dans l’optique d’un troisième mandat.

‘’Macky dans une opération ''reconquête'' des électeurs’’

En tout cas, le message semble avoir eu des échos auprès de son destinataire. Depuis la publication des résultats des élections locales, le président de la République s’est lancé dans une opération reconquête de ses espaces d'échecs électoraux. Exit Abdoulaye Diouf Sarr, Idrissa Seck, Benoit Sambou, Aliou Sall. Il reprend le gouvernail pour naviguer vers les élections législatives, sous de bons auspices.

Car, deux semaines après la débâcle de ses poulains dans les grandes villes, le Sénégal a remporté pour la première fois la coupe d’Afrique des Nations de football (Can 2021). Un moment historique sous sa présidence qui a transcendé les rivalités politiques et uni un peuple exalté par cette victoire nationale. Lui, a su prendre la balle au rebond. Son invitation des opposants à la cérémonie d’hommage des Lions du football, que ces derniers ne pouvaient décliner sans se faire une mauvaise publicité, a été grandement appréciée par la population.

Comme par magie, cette grande victoire coïncide avec la fin des travaux du stade du Sénégal. Une infrastructure ultra moderne, digne du nouveau statut de champion d’Afrique du Sénégal. Son inauguration en grande pompe, combinée avec l’action de la mise en service du TER (train express régional), un mois avant le scrutin, ont grandement amélioré l’image du président de la République et son action. Sur les réseaux sociaux, Macky Sall reçoit les félicitations et les moqueries positives des jeunes qui d’habitude s’en prenaient à lui. Un message parmi les plus partagés traduisait, avec humour : ‘’Macky n’est pourtant pas quelqu’un de mauvais. C’est Sonko qui nous met en mal avec lui’’.

Surfer sur la victoire à la Can

Avant les Locales, une menace que le camp du pouvoir a sous-estimée est la requête du mouvement And Samm Jikko Yi sur la proposition de loi demandant la criminalisation de l’homosexualité au Sénégal. Rejetée par la majorité parlementaire, dès le bureau de l’Assemblée nationale, ce choix a été identifié par la coalition au pouvoir parmi les causes d’un vote sanction à l’encontre de la coalition Benno Bokk Yaakaar. D’ailleurs, au sortir du scrutin, le président de la République a tenu une rencontre au Palais pour repréciser la position du gouvernement contre l’homosexualité. Cependant, les développements sur cette affaire ne sont guère favorables au camp présidentiel, les religieux restant très remontés contre le pouvoir pour le rejet de cette proposition.

Ceci restera une réelle menace pour la coalition autour du président de la République. En effet, les religieux se sont faits une mission d’influer sur l’élection de députés aptes à concrétiser leurs revendications. Le dernier rassemblement de la coordination And Samm Jikko Yi, le 20 février 2022, a encore été un grand succès dans la mobilisation.

D’ailleurs, un fait d’actualité peut être rattaché au besoin du chef de la coalition Benno Bokk Yaakaar de s’attirer les bonnes grâces des religieux : le limogeage du délégué général de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (Der/Fj). Le décret n°2022-621 du 09 mars 2022 est venu éviter au président de la République une grosse polémique, après la sortie imprudente de Pape Amadou Sarr, lors de la célébration de la journée internationale des Droits des femmes 2022. Ce dernier a suscité un tôlé, après s’en être pris à des principes fondamentaux de la religion islamique, en voulant défendre les droits des femmes.

Lancement d’un concept “Jokko Ak Macky’’

Mais, Macky Sall reste un bon tacticien politique. Dans sa volonté de reprendre les choses en main, le président a lancé le concept “Jokko Ak Macky “, (échanger avec Macky). Le weekend dernier a été l’occasion pour le leader de l’APR ‘’de mettre la proximité avec les populations et le dialogue constructif avec les forces vives de la Nation au cœur de la gouvernance publique.’’ Et pour Macky Sall, cela passe par une écoute permanente des citoyens. Le conseil des ministres a été l’occasion de la restitution du premier pas posé en ce sens. Le président de la République a échangé avec des populations du département de Pikine, durant 4 heures sur les urgences de la localité et les solutions pragmatiques à apporter face aux aspirations et requêtes légitimes des citoyens résidents.

D’ici fin mars 2022, Macky Sall a instruit son gouvernement de lui présenter un Plan Spécial d’Aménagement et de Développement du département de Pikine. Non sans préciser cette action va concerner tous les départements du Sénégal et la Diaspora.’’

Réélu à la tête de l’Etat, avec un score confortable de 53%, le Chef de l’Etat pensait pouvoir dérouler tranquillement ses plans jusqu’en 2024 et continuer à maintenir le suspense sur sa candidature à un troisième mandat. Le soufflet des Locales n’étant pas passé loin, le Chef de l’Etat se sent obligé, actuellement, de redescendre sur le terrain politique pour effacer les échecs de certains de ses poulains les plus en vue et d’arrêter l’hémorragie, avant de pouvoir reprendre du poil de la bête. Dans ce sens, en plus de reprendre les choses en main, il manœuvre ferme pour ratisser large et élargir ses bases (voir ailleurs). Il est en train de concentrer ses forces dans les bastions rebelles qui se refusent à lui ou qui lui ont tourné le dos.

Le boulet de l’inflation

Un des domaines dans lequel le président Macky Sall investit le plus dans son opération de ‘’re séduction’’ de l’électorat dans les grandes villes est la maîtrise de l’inflation. Dans un contexte marqué par l’explosion des prix sur le marché international, le gouvernement s’est lancé dans une opération d’homologation des prix des denrées de grande consommation. Ce jeudi, une réunion a été tenue entre la ministre du Commerce et des Petites et moyennes entreprises, Assome Aminata Diatta, les commerçants et les industriels, afin de prendre des mesures permettant d’avoir un niveau d’application et d’applicabilité des prix qui ont été fixés par le gouvernement sur le sucre, l’huile et le riz.

Actuellement, à Dakar, le riz en détail est fixé à 275 francs le kg concernant la variété non-parfumée, celle brisée américaine à 325 F/kg. Le litre de l’huile raffinée est fixé à 1 100 F CFA, le kilogramme de sucre cristallisé à 600 F. L’aliment de volaille pour les poulets de chair est à 17 200 F à l’usine le sac de 50 kg. Pour les pondeuses, c’est à 14 950 F. Concernant l’aliment pour les poussins 1er et 2e âges, il est vendu à l’usine respectivement à 15 650 et 14 650 F CFA.

Un autre objectif est de permettre un apprivoisement correct du marché à un mois du début du Ramadan. Ces efforts sont supportés par des abandons de taxes et des subventions mises en place par le gouvernement. Ce, malgré les temps difficiles que traverse le commerce mondial dû aux conséquences de la pandémie de coronavirus et aux sanctions des pays occidentaux contre la Russie, à cause de son opération militaire en Ukraine. D’après le directeur du Commerce intérieur (DCI), l’Etat travaille pour assurer un approvisionnement normal du pays pour les six prochains mois. Une manière de voir venir, d’ici les législatives.

Malgré tout, la tension sur les prix reste très vive. Les mesures du gouvernement n’ont pas pu empêcher la hausse du prix du pain. Les industriels dans le secteur du ciment se font entendre et réclament une hausse de la tonne, après l’augmentation des coûts de production. La hausse du baril du pétrole frôle les records. Dans combien de temps cela va se sentir à la pompe ? Au même moment, il y a des réajustements budgétaires, avec la signature d’accords avec les syndicats des enseignants. Ceux de la santé réclament déjà leur tour.

Le retour des tournées économiques

Rien ne semble ainsi effrayer le président de l’APR. Car, ses tournées ‘’économiques’’ devaient reprendre avant la tenue des élections législatives. Après le Nord, le Sud-Est et le Centre du Sénégal, le Chef de l'Etat se projetait sur Ziguinchor, lors de sa dernière sortie à Matam. Tout semble être bon pour éviter une répétition du scénario des élections locales et une consolidation des percées réalisées par l’opposition.

En attendant la réponse de l’opposition, la cohabitation à l’Assemblée nationale, au soir du 31 juillet prochain, sera un rêve et un cauchemar au sein de la classe politique.

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