A bientôt 40 ans, Babacar Diop, installé vendredi, dans ses fonctions de maire de la ville de Thiès, est un enseignant-chercheur en philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pur produit de la cité du rail à laquelle il voue un amour inconditionnel, comme en témoigne son slogan de campagne ‘’Thiès ba jeex’’ (Thiès jusqu’au bout, en wolof), il aime à se faire appeler ‘’fils de Bilal’’, s’appropriant ainsi le titre d’un portrait qu’avait dressé de lui, le journal L’Observateur, faisant allusion à un cursus scolaire assez particulier.
L’ancien l’élève de l’école franco-arabe Bilal, en plein centre-ville de Thiès, y a décroché un certificat en arabe et un certificat en français, ainsi qu’une entrée en sixième franco-arabe et entrée en 6-ème en français.
‘’J’ai passé et réussi quatre examens la même année’’, a-t-il raconté, non sans fierté devant un jury d’imams qui auditionnait les candidats aux locales à Thiès.
Après le ‘’daara’’ de Oustaz Dame Ndiaye, au quartier Sampathé et Bilal, celui qui aurait pu devenir maître d’arabe, a ‘’bifurqué vers le français’’. Son destin avait aussi, pourrait-on dire, bifurqué en ce moment-là. Il deviendra plus tard docteur en philosophie.
C’est au collège Djibril Diaw qu’il pique le virus du syndicalisme, qui se développera, après qu’il aura décroché en 1997 son Bfem (Brevet de fin d’études moyennes) lui ouvrant les portes du célèbre Lycée Malick Sy, dont il a été président du foyer.
A l’Université Cheikh Anta Diop, il exerce deux mandats en tant que président de l’Amicale de la faculté des Lettres, la plus grande de l’UCAD, représentant des étudiants à l’Assemblée de l’université, à l’Assemblée de facultés, et membre de la coordination des étudiants de Dakar. Il dirige aussi la coordination des étudiants thiessois.
Ce riche parcours, il le synthétise dans un ouvrage paru en décembre 2010 aux éditions L’Harmattan : ‘’Le feu sacré de la liberté : mon combat pour la jeunesse africaine’’, pour ‘’partager (son) expérience dans le mouvement élève et étudiant avec la jeune génération’’.
Au plan politique, il crée le parti Forces démocratiques du Sénégal (FDS/Les Guélawar, opposition), le 7 avril 2018. En tant que secrétaire général de ce jeune parti, il participe à plusieurs combats.
C’est surtout suite à son arrestation le 29 novembre 2019 devant les grilles du Palais de la République, lors d’une manifestation pacifique contre la hausse du prix de l’électricité, que de nombreux Sénégalais découvrent le Docteur Babacar Diop.
Il a été arrêté avec sept autres manifestants, dont le célèbre activiste Guy Marius Sagna.
Libéré suite à la mobilisation des étudiants et de ses collègues, il sera encore arrêté le 31 décembre 2019, devant le Camp pénal où il était venu réclamer la libération de Guy Marius Sagna.
Deux ans plus tard, le 25 juin 2021, le leader des FDS a aussi été appréhendé par la police pendant qu’il protestait à la Place de la Nation, contre la modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, des lois jugées ‘’liberticides’’.
A l’approche des élections locales du 23 janvier dernier, les FDS/Les Guelawar rejoignent la plus large coalition de l’opposition, Yewwi Askan wi, qui a porté son choix sur lui pour briguer la mairie de Thiès.
Un défi majeur, face au poulain de l’ancien Premier ministre et actuel président du Conseil économique, social, et environnemental Idrissa Seck, resté maître incontesté de cette ville de Thiès depuis deux décennies.
Pourtant, avec assurance, il prédisait à sa sortie de son bureau de vote, la fin de 20 ans d’hégémonie libérale sur Thiès.
Lors de la campagne électorale, Babacar Diop insistait sur la gouvernance, annonçant même, une charte de lutte contre la corruption.
Cette ambition pour la bonne gouvernance, il l’a réitérée, vendredi, lors de son installation à l’auditorium de l’Université Iba Der Thiam de Thiès par le préfet de Thiès, Moussa Diagne, et en présence du nouveau maire de Dakar Barthélémy Dias.
Le nouvel édile de Thiès entend aussi faire de cette cité, ‘’la plus africaine du Sénégal’’, selon lui, une ‘’ville universitaire, cosmopolite, culturelle, sportive, industrielle et ferroviaire’’, mais aussi une ville ‘’moderne, prospère, intelligente et durable.’’
L’éducation occupe une place de choix dans son programme très ambitieux, qui veut faire des ‘’daaras’’ (écoles coraniques), des collèges et des lycées de la ville des ‘’lieux d’excellence’’.
La construction d’une bibliothèque municipale, d’une radio municipale, d’un musée municipal des cultures et traditions populaires, pour sauvegarder le patrimoine historique et culturel de la ville, faisaient partie de son programme de campagne.
A ce programme tout aussi ambitieux, s’ajoutent, le pavage de toute l’avenue Caen, vitrine de Thiès, avec l’aménagement de jardins, ainsi qu’une meilleure organisation de la Promenade des Thiessois, le reverdissement de la ville avec le caïlcédrat et d’autres espèces d’arbre, la lutte contre l’insécurité à travers un renforcement de l’éclairage public, un système d’attribution transparents des parcelles.
Il disait qu’il comptait s’attaquer au ‘’désordre’’, à Thiès, notamment dans les marchés, ainsi qu’aux embouteillages.
‘’J’ai devant moi une tâche plus vaste que celle qu’affronta Léopold Sédar Senghor, premier maire de Thiès, en 1956, en pleine lutte pour les indépendances africaines’’, a-t-il dit, après avoir reçu l’écharpe.