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Sorties du président: Des instructions rarement suivies d’effets
Publié le mardi 7 decembre 2021  |  Enquête Plus
Macky
© aDakar.com par PMD
Macky Sall lance les opérations de nettoiement dénommées “Besup Sêtal“
Dakar, le 4 décembre 2021 - Les opérations de nettoiement ont repris à travers l`initiative “Besup Sêtal“.
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Malgré les nombreux séminaires gouvernementaux, les multiples audits réalisés à coups de centaines de millions de nos francs, le souhait de moderniser l’Administration reste un vœu pieux.

Ainsi, les recommandations, récriminations et instructions présidentielles se suivent et se ressemblent. Chargés d’en assurer le suivi dans les différents départements ministériels, les inspecteurs, eux, semblent aux abonnés absents. Selon les contrôleurs rencontrés, le problème est surtout structurel. ‘’Nous avons un tableau pour suivre toutes les instructions. On fait des propositions, mais ce n’est pas à nous de les mettre en œuvre. Derrière, il y a les rapports que nous faisons pour constater les manquements et les transmettre à l’autorité. Nos compétences s’arrêtent là’’, confie une source.

Au-delà de la mise en œuvre des recommandations et autres instructions des plus hautes autorités, nos interlocuteurs regrettent que des millions de francs soient dépensés dans des missions d’audit sans aucune suite palpable. ‘’J'ai vu des missions qui ont mobilisé des équipes sur deux ans, voire trois ans. Des millions dépensés, des rapports produits et qui finissent dans les tiroirs. C'est vraiment le problème fondamental qui se pose, au-delà des recommandations, des redondances même dans les instructions du président de la République données en Conseil des ministres. Les instructions ne sont suivies d'aucun effet’’, constate un autre inspecteur.

Pas plus tard que le 1er décembre dernier, le président de la République s’est encore prononcé, en Conseil des ministres, sur la nécessité d’œuvrer pour une plus grande efficacité de l’action publique. Félicitant ses collaborateurs de la présidence pour la certification (par Afnor) à la norme ISO 9001 : 2015 du système de management mis en place par la Direction des moyens généraux de la présidence de la République, Macky Sall instruit tous ses ministres de s’inspirer de cette démarche, avec l’appui du Bureau organisation et méthodes (Bom) et du ministère des Finances et du Budget, pour asseoir et consolider la modernisation et les performances des administrations.

Poursuivant sa communication, le chef de l’Etat revenait sur l’innovation dans le pilotage de l’action publique et la nécessaire généralisation des systèmes de management de qualité dans les administrations avec, en ligne de mire, la gestion axée sur les résultats(Gar). ‘’Le président de la République demande, dans cet élan, au gouvernement d’amplifier les réformes budgétaires et financières, mais également d’améliorer en continue, et de façon systématique, le management des administrations et l’engagement permanent au travail des agents publics’’, lit-on dans le dernier communiqué.

Les dysfonctionnements

En cas de difficultés, les inspecteurs internes peuvent s’en référer au Bureau de suivi de l’IGE et au président de la République. Mais cela ne permet pas toujours de prendre en charge les récriminations.

Malgré cette dépendance accrue envers les ministres de tutelle, les inspecteurs internes disposent de quelques leviers pour remonter les difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs fonctions aux plus hautes autorités.

Ils ont, en effet, la latitude, à l’occasion de ces réunions avec le Bureau de suivi de l’IGE, d’exposer les obstacles à la réalisation de leur mission. Selon les inspecteurs, le Bureau de suivi a notamment pour missions de vérifier l’évolution des missions des inspections, les difficultés rencontrées par ces dernières...

D’ailleurs, informe-t-on, depuis bientôt une année, l’IGE est en train de mener une étude approfondie sur l'environnement de contrôle dans les ministères. Cette étude devrait permettre de connaître la réalité pour chaque structure.

Le problème, insistent nos interlocuteurs, c’est que souvent, les difficultés sont remontées, mais ces plaintes sont rarement suivies. Ils signalent par ailleurs que ‘’les inspecteurs ne doivent pas être impliqués dans les actes de gestion des structures susceptibles d'être contrôlées. Il leur est également interdit de siéger comme membres dans les organes délibérants des structures rattachées ou placées sous la tutelle de leur ministère’’.

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L’inspection interne n’est que ce qu’en fait le ministre

Inspecteur des affaires administratives et financières au niveau du ministère de l’Education, Amady Barro Diouf apporte des précisions. ‘’Aujourd’hui, dit-il, des disparités sont notées entre les différentes inspections internes, car l’inspection interne n’est que ce qu’en fait le ministre. Au niveau du ministère de l’Education nationale, nous avons noté un soutien considérable du ministre qui a bien compris l’importance de cette structure dans la gouvernance du système éducatif. C’est pourquoi il a continué à mettre les moyens pour rendre cette structure indépendante et performante’’.

Selon lui, les différents ministres qui se sont succédé à la tête de son département depuis 2012, ont fourni pas mal d'efforts dans le sens de renforcer le service. ‘’C’est ainsi qu’on a assisté au renforcement de l’effectif des agents et à l’équipement de la structure en mobilier de bureau et en matériel informatique. Nous avons également assisté à un renforcement du parc automobile et à l’augmentation de façon considérable du budget de fonctionnement. Pour dire que l’Inspection interne du Men est suffisamment dotée en ressources matérielles et financières pour accomplir convenablement les missions qui lui sont assignées à travers le décret 2021-827’’.

Toutefois, tient-il à préciser, l’effectif actuel de dix agents reste insuffisant pour permettre à l’inspection interne de couvrir l’ensemble des structures à contrôler, malgré l’appel à candidature qui a été lancé en 2020 et qui s’est traduit par la mutation de cinq agents.

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Ce que dit le décret 2021-827

Au début de chaque année, les inspections sont tenues d’établir un plan de travail à soumettre à la bénédiction préalable du ministre, qui peut le remodeler à souhait. Ce n’est qu’après validation que ce plan pourrait être transmis au président de la République et au Bureau de suivi de l’Inspection générale d’Etat. L’article 5 du nouveau décret précise : ‘’L'inspecteur des affaires administratives et financières soumet à l'approbation du ministre, en début d'année, un programme annuel d'activités. Ce programme, une fois approuvé, est transmis, au plus tard le 31 mars, par le ministre, au président de la République et à l’Inspection générale d'Etat.’’

Aussi, en dehors même du programme annuel, le ministre peut ordonner des missions ponctuelles à l'inspection interne. Et pour chaque mission, l'inspecteur des affaires administratives et financières propose un inspecteur interne chargé de la conduire. Selon toujours la disposition, lorsque l'importance ou la complexité d'une mission l'exige, celle-ci est effectuée par plusieurs inspecteurs internes, parmi lesquels il est désigné un chef de mission. L'inspection interne peut aussi s'attacher les services d'agents du ministère ou d'experts, en cas de besoin. Ces derniers sont soumis aux mêmes obligations de discrétion et d'indépendance que les inspecteurs internes. L'inspecteur des affaires administratives et financières veille à la correcte exécution des missions.

Relativement aux missions des inspections internes, l’article 2 du décret précise : ‘’L’inspection interne assiste le ministre dans ses fonctions de coordination, de suivi et de contrôle du fonctionnement des services placés sous son autorité. Ses missions s’exercent sur l’ensemble des services centraux, déconcentrés, extérieurs, ainsi que sur les organismes publics, notamment les établissements publics, les fonds, les programmes, les agences d’exécution et autres structures administratives similaires ou assimilées placées sous la tutelle du ministère.’’

Dans la même veine, le texte prévoit que l’inspection interne effectue, à titre principal, des missions de vérification administratives et financières, d’audit, d’enquête, d’évaluation, d’appui conseil. Elle est aussi chargée du suivi des directives présidentielles adressées au ministre et des instructions ministérielles issues des rapports approuvés ; de lutte contre la fraude et la corruption. A ce titre, elle est informée des orientations générales et des politiques du ministère, mais aussi associée à toutes les réunions et groupes de travail concernant le fonctionnement administratif et financier du ministère.

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Quelques innovations majeures du nouveau décret

De plus, précise Amady Barro Diouf, malgré les impairs, des acquis importants ont été réalisés grâce à la dernière réforme. Parmi ces acquis, on peut citer : le renforcement des ressources humaines des inspections, la revalorisation du statut de l’IAAF et des inspecteurs internes, l’encadrement de la procédure contradictoire par la fixation des délais…

Il précise : ‘’Une des tares du décret de 1982 a été d’institutionnaliser la procédure contradictoire dans l’exécution des missions de l’inspection interne sans circonscrire la procédure dans des délais précis. Le décret n°2021-827 corrige cette tare en contraignant les structures concernées à faire parvenir leurs réponses dans un délai de huit jours francs renouvelable sur demande écrite adressée à l’inspecteur interne, chef de mission. Ce délai pouvant aller jusqu’à un mois pour les missions en dehors du territoire national.’’

Toujours dans le domaine des avancées, l’inspecteur signale l’institutionnalisation des relations entre l’inspection interne, le ministre et la présidence. La particularité de la nouvelle réglementation, soutient-il, réside dans l’approbation d’un programme annuel d’activités transmis, au plus tard le 31 mars, par le ministre au président de la république et à l’IGE qui sont également destinataires des rapports approuvés. Last but not least, il y a la défense faite désormais aux inspecteurs de s’immiscer dans certains actes de gestion. ‘’L’ancienne réglementation, souligne-t-il, ne défendait pas, ou du moins de façon explicite, l’inspection interne à accomplir des actes de gestion dans les structures susceptibles d’être contrôlées. La nouvelle réglementation semble revenir sur l’orthodoxie, en proscrivant de manière formelle cette immixtion via les dispositions de l’article 6 du nouveau décret qui stipule que les inspecteurs internes ne doivent pas être impliqués dans les actes de gestion des structures susceptibles d’être contrôlées. Il leur est également interdit de siéger comme membres dans les organes délibérants des structures rattachées ou placées sous la tutelle de leur ministère.’’

TROIS QUESTIONS A MOUSSA NDIAYE, IAAF

‘’Certains ministres ne comprennent pas l’utilité des inspections internes’’

Inspecteur des affaires administratives et financières dans un département ministériel, Moussa Ndiaye* apporte des éclairages.

Les inspections sont-elles suffisamment dotées en ressources humaines, matérielles et financières pour accomplir leur mission ?

Pour ce qui est de cette question, on dira que le manque de ressources humaines, financières et matérielles est le plus constaté dans les différents ministères. Peu de ministères dotent de manière conséquente leur inspection interne de ressources (personnel cadre ou d’appui inexistant pour le service, manque de véhicules de service, budget insuffisant, etc.). Outre le manque de ressources précité, on peut aussi dire que la mobilité des ressources humaines de ce service est très fréquente, d’où le manque de personnel qualifié pour accomplir les missions liées à la fonction. Cette mobilité du personnel est due à la non-valorisation de la fonction d’inspecteur interne (manque d’avantages financiers et matériels par rapport aux autres corps de contrôle).

Les recommandations qui reviennent sans fin ?

Tout d’abord, pour effectuer une mission d’audit ou de vérification, il faudrait que le ministre de tutelle donne ordre aux inspecteurs internes dont les missions sont inscrites dans le Plan de travail annuel de l’Inspection interne ou de manière inopinée. Or, pour les autres corps de contrôle, ce sont des agents assermentés qui décident des missions à effectuer et à des dates de leur convenance. Je veux dire par là que l’inspection interne n’est pas indépendante dans l’exercice de ses missions par rapport aux autres corps de contrôle….

Des efforts ont certes été faits avec le nouveau décret, mais les difficultés sont toujours d’actualité, car certains ministres ne comprennent pas toujours l’utilité des inspections internes dans leur département. Par exemple, pour valider le Plan de travail annuel des inspections internes et permettre à ces dernières de dérouler, beaucoup de ministres sont réticents. Ce qui ne facilite pas l’exécution des activités des inspections durant l’année.

Qu’est-ce qui a changé avec le nouveau décret ?

Dans le décret n°2021-827 du 16 juin 2021 relatif aux inspections internes des départements ministériels, on note de nouvelles missions par rapport à l’ancien décret. Le nouveau décret prévoit, en effet, les missions de vérification administrative et financière, d’audit, d’enquête, d’évaluation, d’appui-conseil, de suivi des directives présidentielles adressées au ministre et des instructions ministérielles issues des rapports approuvés.

En outre, le nouveau décret prévoit la lutte contre la fraude et la corruption et la supervision des passations de service. A travers ces nouvelles missions, on peut dire que les inspecteurs internes voient leur champ d’intervention beaucoup plus large par rapport aux précédentes missions, notamment celles liées à l’audit et à la lutte contre la fraude et la corruption qui font partie maintenant des nouveaux concepts de l’audit interne.
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