Après les investitures et la fin du dépôt des listes de candidature, place maintenant à l’investissement du terrain politique pour maximiser les chances. À coup sûr, on assistera à une bataille épique pour le contrôle de la capitale au soir du 23 Janvier 2022. Barthélémy Diaz, Doudou Wade, Abdoulaye Diouf Sarr, Soham El Wardini, Bougane Guèye Dani et Pape Diop, qui remportera la palme ? La parole aux experts et analystes politiques.
Barthélémy Dias, candidat : Le courage politique et le soutien des partis d’opposition
Pour Ibrahima Bakhoum et Thierno Diop, des journalistes formateurs doublés d’analystes politiques, le contrôle de la capitale ne sera pas une chose aisée pour les candidats en lice, car chacun d’eux détient des atouts qui peuvent faire basculer l’électorat en sa faveur, mais il revient tout de même qu’ils existent des facteurs bloquants qui pourraient être plus ou moins nuisibles pour certains. Si l’on prend le cas du candidat Barthélémy Dias, beaucoup d’opportunités s’ouvrent à lui pour briguer la ville de Dakar si l’on se fie aux pronostics du journaliste, et analyste politique Thierno Diop.
« Barthélémy Dias est soutenu par lame de fond que charrie la dynamique Ousmane Sonko qui avait 15% à la dernière présidentielle, et qui avait réalisé des bons scores à Dakar. Lors de la présidentielle en l’absence du Pds et de Khalifa Sall, c’est Sonko qui arrivait en troisième position avec la coalition gagnante Wattu Sénégal et c’est cette même coalition qui va soutenir le candidat Barthélémy Dias, ainsi que d’autres partis de l’opposition. Barthélémy étant maire qui a été reconduit en 2014 si vous vous souvenez bien, en 2014, il y avait une liste de Taxawu Dakar qui avait remporté la plupart des communes du département », fait remarquer le journaliste.
Cependant, Thierno Diop constate que « la coalition Taxawu Dakar a connu des moments de tension et la coalition a perdu de la vitesse et n'est plus que l’ombre d'elle même. Ce qui fait que fondamentalement la dynamique Ousmane Sonko peut être un véritable atout pour Barthélémy Dias. Mais il faudra aussi s’interroger sur le poids électoral de Pastef. Sous ce rapport, lors des investitures, des postulants de Pastef ont été écartés à la course et l'on s’interroge si cela ne risque pas de se traduire en un vote sanction. Et un peu partout dans le pays, on a vu que des gens de Pastef ont été lésés et il y a même eu un vent de rébellion qui a soufflé au sein du parti, ce qu’il faut aussi prendre en compte ».
Abondant dans le même sens, Ibrahima Bakhoum voit en Bartélémy Dias un « candidat crédible » du point de vue de son engagement politique. Ce qui peut lui servir d'atout pour la conquête de la ville de Dakar. « Barthélémy est un combattant foncièrement contre le pouvoir. Il investit le terrain et il est très bien connu à Dakar de par ses œuvres à la mairie de Mermoz Sacré-Cœur. En dehors de l’affaire Ndiaga Diouf qui l’avait amené en prison quelques mois, il n’y a pas quelque chose d'autre qu’on peut lui reprocher. Donc ne serait-ce que pour cette raison-là, on peut dire qu’il est un candidat crédible du point de vue de son engagement politique et du fait que c’est un acteur qui connaît bien Dakar. Pour le moment, rien ne peut encore prouver qu’il ne mérite pas d’être maire de Dakar », fera-t-il remarquer.
Doudou Wade : « Le PDS à la reconquête de la capitale »
D’autre part, les deux journalistes et analystes politiques restent partagés sur le profil du candidat de la coalition Wallu Sénégal, Doudou Wade. Une candidature qui pourrait être interprétée comme une reconquête de la capitale par le parti démocratique sénégalais, qui avait perdu le terrain de la capitale, de l’avis de Thierno Diop. « Porté essentiellement par le PDS, qui a dirigé la mairie de Dakar de 2002 à 2009, les élections qui ont suivi depuis 2009 ont montré que le Pds qui du temps où il était dans l’opposition tenait Dakar entre ses mains, a perdu quelques points sur le terrain politique dans la capitale en terme d’électorat. Quand bien même il lui reste quelque chose aussi, car c’est ce même parti qui a incarné le destin de Dakar de 2002 à 2009 », note le journaliste Thierno Diop.
Par contre, Ibrahima Bakhoum pour sa part, voit le candidat Doudou Wade comme une victime de la communication du régime de Wade, mais qui a su se relever depuis quelque temps avec un autre discours convaincant pour certains. « Doudou Wade, lui, a été un moment victime de la communication anti Wade des premières années du président Macky Sall. Il est arrivé en un moment, il était presque éclipsé. Mais si on fait très attention, depuis au moins trois ans, Doudou Wade est régulièrement sur les plateaux et au fur et à mesure, beaucoup ont découvert un Doudou Wade avec un autre discours qui est assez vendeur pour un homme politique. Mais il y a également une chose, si par exemple il y a encore quelque chose qui va avec l’image du président Abdoulaye Wade, qui s’est toujours montré très fort lors des élections de 2014 et 2017, donc la coalition peut y gagner. Et là ils vont se cristalliser sur le nom de Wade et maintenant le reste se jouera sur le terrain politique et durant les deux prochains mois. Beaucoup de choses vont se passer et ce sera sur le terrain politique ».
« Abdoulaye Diouf Sarr ou le pouvoir de la machine d’État »
Porté à la tête de la liste de la majorité BBY pour briguer la mairie de Dakar, Abdoulaye Diouf Sarr détient derrière lui toute une machine étatique, avec tous les moyens que demande une bataille politique. Ce qui reste sans nul doute l’une de ses forces qu’il peut faire prévaloir pour gagner les élections. « Il est porté, disons par une certaine partie de la communauté Lébou, mais de quel prestige politicien devrait jouir Abdoulaye Diouf Sarr une fois sorti de son coin de Yoff », s’interroge l’analyste politique Thierno Diop, qui rappelle également, « naturellement Diouf Sarr n’est pas le candidat sortant à la mairie de Dakar, donc il ne devrait pas jouir de la prime au sortant. Cependant, il pourrait bénéficier des interventions sociales de l’État, comme la bouse de sécurité familiale et tant d’autres moyens d’interventions sur lesquels il pourrait tenir les électeurs car il a toute une machine d'État derrière lui. Ce qui mérite d’être pris en compte devant aussi l’éclatement des coalitions de l’opposition naturellement cela peut faire le jeu du pouvoir, d’Abdoulaye Diouf Sarr ».
Loin de ces considérations, Ibrahima Bakhoum pense que la gestion de la covid-19 par le ministre de la santé et candidat à la mairie de Dakar, peut être un atout pour Abdoulaye Diouf Sarr. « On peut dire aussi que sa gestion de la pandémie fait de lui un bon ministre de la santé, car avec sa gestion de la pandémie on est arrivé à un moment où on a oublié toutes les autres maladies. Ne serait-ce que pour avoir donné l’impression que la covid était la préoccupation principale, ça peut être un atout pour lui. Cependant le milieu Lébou dont les gens font allusion est d’abord très minoritaire à Dakar et ensuite tous les Lébous ne sont pas dans BBY et tous les Lébou aussi ne sont pas avec le président de la République. Certains d’ailleurs ne sont pas d’accord avec Abdoulaye Diouf Sarr, sinon il n’aurait pas eu d’opposition quelque part là-bas », rappelle Ibrahima Bakhoum.
Soham El Wardini : La candidate des féministes
Zappée par la coalition Yewwi Askan Wi, après une rude bataille de positionnement avec Barthélémy Dias, Soham El Wardini a été finalement investie candidate à sa propre succession par le parti Union citoyenne Bunt-Bi. Une candidature qui peut faire basculer le vote à Dakar si l’on sait que le maire sortant de la capitale bénéficie du soutien des féministes et des femmes ainsi que de certains conseillers municipaux de Dakar.
« Soham El Wardini était dans l’ombre de Khalifa Sall. Mais notez bien que ce n’est pas elle-même qui avait gagné une élection pour devenir par la suite le maire de Dakar. C’est vrai qu’il y avait l’éclatement de la coalition Taxawu Dakar originel. Et il y a une partie qui est allée soutenir la mouvance et une autre partie qui soutient toujours Barthélémy Dias, mais ce qui reste est naturellement avec Soham El Wardini qui jouit aussi du soutien des conseillers municipaux de la ville de Dakar, même si on ne voit pas derrière eux une si grande machine électorale comme les autres candidats. L’autre atout pour la candidate c’est qu’elle est soutenue par les féministes. Parce que la tâche noire de ces investitures, c’est que les femmes sont positionnées dans des endroits où elles n’apparaissent pas vraiment. Elles ont été lésées dans les investitures et les frustrées pourraient nourrir l’intention de soutenir Soham El Wardini », souligne encore Thierno Diop.
Bougane Guèye : La fiscalité, la victimisation et le coup médiatique
De l’avis toujours des deux journalistes et analystes politiques, de par ses efforts et ses investissements sur le terrain depuis quelque temps, Bougane Guèye Dani présente aussi un bon profil pour gagner la capitale Dakar comme ses adversaires. « « Pendant un bon moment, il a réussi à faire du terrain, à mobiliser et à être en contact avec les populations, il a réussi à faire du porte à porte. Il a été très visible sur tous les fronts. Ce qui peut apporter quelque chose à un homme politique qui veut des voix. Mais une autre lecture de ce qui se passe, peut être que ses adversaires surtout le camp du pouvoir, vont communiquer sur l’affaire de la fiscalité qui l’oppose à la direction des impôts. Ce qui présente aussi des conséquences », tente d’analyser Ibrahima Bakhoum.
Abondant dans la même dynamique, Thierno Diop précise que l’affaire de la fiscalité pourrait bien tourner en faveur de leader de la coalition Gueum Sa Bopp. « Bougane Guèye Dani s’est fait jusque-là par une bulle médiatique. On ne sait pas ce qu’il pèse réellement en terme d’électorat, mais les sénégalais n’aiment pas souvent l’injustice. La dernière actualité d'une perspective de fermeture de son groupe de presse D-Média, lui a valu des sympathies. Maintenant reste à voir si ces sympathies vont se transformer en terme d’électorat à son profit, c’est une question qui mérite d’être posée ».
« Pape Diop l’ombre de lui-même »
Ancien maire de Dakar, Pape Diop et son parti Bokk Guis-Guis ne seront pas en reste pour les candidatures à la mairie de Dakar. En effet, après son divorce acté avec la coalition Wallu Sénégal, l’ancien maire de la capitale décide de participer sous sa propre bannière. Une candidature qui, même si elle semble minimisée par certains, pourrait redistribuer les cartes au soir du 23 Janvier 2023.
« Il a été maire de Dakar de 2002 à 2009, mais c’était sous la bannière du PDS qui détenait le pouvoir à l’époque. Pape Diop face à lui-même, n’est-il finalement pas que l’ombre de lui-même. Parce qu’on a vu que Bokk Guiss Guiss depuis 2009, n'est jamais allé seul à une élection. Pape Diop était toujours en coalition. Mais le fait qu’il soit maire de Dakar 2002 à 2009, ça peut lui valoir quelque chose. Mais si on interroge les pronostics des uns et des autres, je ne vois pas comment il pourrait revenir à la mairie de Dakar à l’état actuel des rapports de force », a précisé Thierno Diop...