Arrivé 3e lors du dernier scrutin présidentiel, derrière le président Macky Sall, réélu, et Idrissa Seck, 2e, le chef de file de Pastef / Les Patriotes se lance à la conquête de la Mairie de Ziguinchor. Dans une véritable démonstration de force, il a officialisé sa candidature, samedi, devant un parterre de partisans acquis à sa cause.
Après la Présidentielle de 2019 où il était arrivé largement en tête dans la région de Ziguinchor, avec 41 291 voix, contre 32 846 pour les nombreux responsables politiques de la majorité présidentielle dans la ville, Sonko va-t-il transformer l’essai, lors des élections locales du 23 janvier prochain ? Pour répondre à nos interrogations, Emedia a donné la parole au journaliste et observateur de la vie politique à Ziguinchor, Mohamed Tidiane Ndiaye.
Avis d’expert
"On ne peut pas analyser la candidature de Sonko sans mesurer et peser les risques qu’elle englobe, campe-t-il, interpellé sur les motivations de l’opposant et leader de Pastef / Les Patriotes. Effectivement, en arrivant 1er lors de la dernière compétition électorale avec un score de plus de 57%, Ousmane Sonko avait véritablement annoncé que Ziguinchor restera son bastion électoral."
Mais aujourd’hui, deux ans après, est-ce que la donne a changé ? Est-ce que la photographie de février 2019 sera la même au soir du 23 janvier 2022 ? Le confrère en doute fort. Car explique-t-il : "Sonko, ce n’est pas par hasard qu’il attende la dernière ligne droite pour déclarer officiellement sa candidature." Il croit savoir que Sonko "mesurait cette candidature." Car, "il y a deux risques", pronostique notre interlocuteur : "s’il ne gagne pas, il perd sa base électorale. Il serait déplumé dans son envol vers la présidentielle de 2024", lâche-t-il.
Le journaliste de poursuivre : "même s’il remporte les locales, Sonko élu maire, il y a un risque. Il donnera (l’opportunité) aux Sénégalais de le juger sur un exercice de gestion de gouvernance locale, pendant deux ans. Ces militants, les observateurs pourront mesurer entre les déclarations de Sonko et ce qu’il va réaliser, le comportement d’élu qu’il aura comme premier magistrat de la ville de Ziguinchor." "Quoi qu’il en soit, cet exercice sera sanctionné en 2024, soit positivement soit négativement", appuie Ndiaye.
Les forces en présence
Sur les forces en présence, Baldé n’ayant pas encore déclaré sa candidature, il décrit deux pôles officiels : le ticket Benoît Sambou – Seydou Sané, pour le compte de Benno Bokk Yakaar (BBY) et bien sûr Yewwi Askan Wi (YAW) avec Ousmane Sonko comme candidat. Avec l’officialisation du maire sortant Abdoulaye Baldé, trois pôles se dégageront finalement.
Pourquoi trois pôles ? Quid de l’alliance Baldé – Sonko ? "Est-ce qu’Abdoulaye Baldé va franchir le rubicond et s’allier avec Sonko ? J’en doute. Parce que si Baldé s’allie à Sonko, cela équivaut à enterrer ses ambitions présidentielles. Sonko va lui faire de l’ombre en perspective desdites joutes. Il est dans ces calculs-là. Va-t-il aller sous sa propre bannière ? Ou va-t-il revenir vers BBY ?"
Sur ce point, notre interlocuteur est catégorique : "il y a un possible remariage entre Baldé et BBY, jusqu’au 4 novembre, date de la clôture du dépôt officiel des listes. On sera édifié sur ça. Mais si Baldé retourne dans la coalition présidentielle, ce ne sera pas une surprise pour moi. Toutefois, s’il fait le calcul pour aller sous sa propre bannière, il y aura une configuration en trois pôles (dont) le ticket Sambou - Sané pour contrer cette fibre ethniciste dont bénéficie Sonko."
Le ticket Baldé – Sonko ?
Dans tous les cas, dit-il, "s’il y a trois pôles, il y aura match à Ziguinchor. Je ne suis pas d’avis avec la très répandue opinion selon laquelle Sonko va rafler la mise dès le soir du 23 janvier 2022. S’il y a trois pôles, ça va se jouer dans un mouchoir de poche. Ce sera un championnat, du vrai ’’raw gadou’’ certes, mais attention ! Parce qu’à Ziguinchor, l’électorat tourne autour de trois à quatre quartiers : Tillène, Lindiane, Boucotte, Kandialan. Parmi ces trois pôles, chaque pôle a une assise bien solide, et cela peut basculer d’un camp comme dans d’un autre. Il y aura match et cela va se jouer dans un mouchoir de poche."
Interrogé sur le poids de Seydou Sané, président du Casa Sports, l’analyste politique indique que c’est le protocole signé au palais de la République, qui a d’ailleurs éjecté le maire sortant du Ziguinchor des tablettes du patron de BBY. "Le président de la République (Macky Sall) a surfé sur l’euphorie qui a accompagné la victoire du Casa Sports lors de la finale de la Coupe du Sénégal (aux dépens de Diambars), rembobine-t-il. Nuitamment, il a reçu le très brouillant comité de supporters Allez Casa au Palais et le président du club Seydou Sané. Je pense qu’il y a eu le protocole de la victoire de la finale qui a changé la donne. Ce protocole a éjecté carrément Abdoulaye Baldé de la short-list de Macky Sall, pour miser sur le ticket Benoît - Sané."
Le poids de Seydou Sané ?
Seul bémol, souligne le journaliste : "Certes Sané est très proche du mouvement associatif, mais il n’est pas encore cette référence en matière électorale. Il n’a jamais été candidat à rien du tout. C’est la première fois. Il a été toujours sous l’ombre d’Abdoulaye Baldé, qui le couvait. Il était presque le maire résident comme on l’appelle. Mais c’est un touche à tout. Il est dans l’enseignement, dans les ONG, dans le sport, etc. Je pense que ce serait intéressant de voir ce ticket entre Benoît Sambou, originaire certes de Ziguinchor, mais qui manque d’une réelle base affective au niveau local et Seydou Sané qui est ancré dans le microcosme politique local avec les associations, les ASC, et tout."
Tout ça pour dire que la bataille de Ziguinchor aura bel et bien lieu malgré l’éviction de Doudou KA, le Directeur général de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (AIBD).